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 FUNI 23 de Bica

Lisbonne

Bell

T2 ES
Description rapide :
Le funiculaire de Bica est le dernier né des célèbres « ascensores » historiques de Lisbonne. Avec une mise en service en 1892, cette ligne cadettes vient tout de même de fêter ses 120 ans.
L´appareil actuel, à l´irrésistible charme rétro, date de 1927. Embarquez avec ce reportage pour un voyage au cœur du vieux quartier lisboète de Bica.


Année de construction : 1927

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Auteur de ce reportage : lolo42
Section écrite le 25/08/2012 et mise à jour le 23/08/2020
(Mise en cache le 23/08/2020)

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Authentique, secrète, surprenante, Lisbonne est certainement l’une des villes européennes qui regorge le plus de trésors cachés et d’endroits insolites, qui ne se révèlent à ses visiteurs qu’au détour d’une rue, en haut d’une colline, ou même derrière une porte… Il ne faut pas hésiter à grimper dans les petites ruelles de l’Alfama pour s’évader dans un authentique décor façon casbah, s’aventurer dans des quartiers populaires pour arriver sur un des miradouros, où, à l'ombre d'un arbre, s'offre à vos yeux un majestueux panorama sur la ville, pousser les portes de l’étonnante Casa do Alentejo pour se retrouver au cœur d’un patio de style mauresque, ou, bien sur, emprunter le célèbre tram « electrico » n°28E, qui se faufile et grimpe depuis 1901 dans les plus étroites ruelles, frôlant parfois à quelques centimètres les étales des commerces. De la même façon, connaisseurs de la chose ferroviaire, passionnés de transport par câble comme simples touristes, n'hésitent par à franchir la porte du 234 de la rue de São Paulo pour découvrir, caché derrière la façade d'un immeuble anonyme du quartier, un des « Monumentos Nacionales » parmi les plus pittoresques de la ville : le funiculaire de Bica.

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Lisbonne : ville secrète, riche d'endroits insolites, de trésors cachés.


Le funiculaire de Bica est l'un des célèbres « elevadores » de Lisbonne ; un ensemble moyen de transports par câble classés au patrimoine du Portugal, qui compte trois funiculaires des plus originaux (les ascensores do Lavra, da Glória et da Bica) et un ascenseur vertical (l’elevador de Santa Justa). Depuis plus d’un siècle, ces attachants engins permettent aux lisboètes et, plus que jamais, aux touristes, de gagner les quartiers hauts en toute facilité, sans user leurs semelles sur la multitude des belles, mais épuisantes, ruelles pavées en escaliers que compte cette ville aux sept collines.

Note : le langage courant ne différencie pas nécessairement les termes « ascensor » et « elevador », mais techniquement les funiculaires sont des « ascensores » tandis que l’ascenseur de Santa Justa est un « elevador ».

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Les « ascensores » de Lavra, Glória, Bica et l' « elevador » de Santa Justa.

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Plan de situation des funiculaires et de l'ascenseur (© Google Maps).




Construction et vicissitudes du funiculaire de Bica


Longtemps, le relief accidenté de Lisbonne a constitué un frein aux développements des infrastructures de communication : la traction animale initialement utilisée par les transports publics ne pouvait, en effet, guère s'aventurer dans les rues en pente des quartiers collinaires. C'est à compter des années 1880, avec la création de la Companhia dos Ascensores Mecânicos de Lisboa par l'ingénieur Raoul Mesnier du Ponsard, que le transport par câble va trouver toute sa place dans la capitale du Portugal et assurer les liaisons entre la ville basse et les collines. Ce Portuan franco-portugais, diplômé en génie mécanique, est spécialisé dans la conception de plans inclinés et transporteurs funiculaires. Au travers de sa société, il s'établit à Lisbonne avec plusieurs associés pour, tel qu'exprimé dans les statuts de la compagnie : « construire et exploiter des ascenseurs mécaniques, ou plans inclinés, mis en mouvement par traction mécanique » .

La Companhia dos Ascensores Mecânicos de Lisboa est créée en 1882 et met en service, deux ans plus tard, l'ascensor do Lavra, premier funiculaire de la ville. Elle est transformée cette année-là en société anonyme à responsabilité limitée et devient la Nova Companhia dos Ascensores Mecânicos de Lisboa (NCAML). La compagnie poursuit ses projets et inaugure en 1885 le funiculaire de Glória, puis enfin, en 1992, celui de Bica, qui met en liaison les quartiers bas de Cais do Sodré avec celui de Santa Catarina et du Chiado. Suivra également la réalisation ds trois tramways à traction par câble et trois ascenseurs verticaux, dont seule la julvernesque tour de Santa Justa a aujourd'hui survécu.

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La Nova Companhia dos Ascensores Mecânicos de Lisboa, société au capital de 400.000$000.


L'« ascensor da Bica » est le plus récent des funiculaires classés de la ville ; un cadet qui vient tout de même de fêter ses 120 ans. Les travaux de l'appareil ont été entamés à la fin des années 1880 ; le bâtiment aval a été achevé en mai 1890 et la pose des rails, en novembre de la même année. Rien n'a cependant pu être mis en service du fait de problèmes de glissements de terrain et de ruissellements importants au niveau du quartier. La NCAML a dû faire reprendre la ligne et installer des conduits de drainage. Au final, le funiculaire de Bica n'est entré en exploitation que le 28 juin 1892.

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Le funiculaire de Bica et un ticket d'époque.


Contrairement à ce que l'on peut parfois lire, il n'a jamais été mis en place un fonctionnement à contrepoids d'eau avec freinage à crémaillère pour le funiculaire de Bica : dès l'origine, l'appareil est conçu pour fonctionner à la vapeur. Mais l'installation de machines à vapeur fixes nécessite de la place et donc, la construction d'un local technique aux dimensions relativement conséquentes ; hors, contrairement aux funiculaires de Lavra et de Glória, l’exiguïté du vieux quartier populaire de Bica permet difficilement l'implantation d'un tel bâtiment au niveau de la station amont. C'est donc une solution technique peu commune à entraînement aval qui est retenue pour le funiculaire.
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Ainsi, le câble tracteur installé est de type sans fin et parcourt l'ensemble de la ligne, comme sur une remontée mécanique unidirectionnelle. En gare aval, de façon à obtenir l'adhérence nécessaire à son entraînement, il suit suit une cinématique particulière au travers de sept poulies, mesurant jusqu'à 4 mètres de diamètre. L'ensemble de la machinerie prend place dans les sous-sols du vaste bâtiment et anime deux poulies motrices. Elle est constituée de deux machines à vapeur fixes à deux chaudières tubulaires fournies par le constructeur allemand Maschinenfabrik Esslingen AG. En station amont, une simple poulie souterraine de 3 mètres assure le renvoi.

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Plan technique de la station aval.


Avec l'arrivée du tramway électrique dans la ville en 1901, on construit la centrale thermique de production électrique de Santos. La NCAML peut désormais envisager l'électrification du funiculaire. Elle élabore, en 1910, un projet commun de rénovation des appareils de Lavra, Glória et Bica, abandonnant la vapeur au profit de l'électricité avec de nouveaux véhicules United Electric Car Company à plancher plat. Le type de traction prévu est des plus originaux : rien n'entraînera directement le câble, les véhicules seront en fait des automotrices équipées chacune deux moteurs électriques.

Après s'être assurée que la centrale était à même d'alimenter les funiculaires, la compagnie signe, en 1912, un contrat avec la Companhia dos Carrís de Ferro de Lisboa (Carris) et la Lisbon Electric Tramway Ltd (autre compagnie de transports public de la Ville) qui lui autorise l'électrification de ses appareils avec l'utilisation du réseau électrique des tramways. La rénovation du funiculaire de Bica, accompagnée de son électrification, est menée entre 1915 et 1916. Malheureusement, durant des essais réalisés peu de temps avant la mise en exploitation, le conducteur perd le contrôle d'un véhicule du fait d'un entraînement et d'un freinage défaillants. La caisse dévale la pente et vient se disloquer dans la station aval, occasionnant des dommages importants au bâtiment. Devant le coût élevé des réparations à mettre en œuvre, la NCAML choisit d'arrêter l'exploitation ; l'appareil ferme ses portes pour plusieurs années.

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Plan des véhicules du projet de rénovation des funiculaires Lavra, Glória et Bica. Mené à bien sur Lavra et Glória,
le chantier ne sera jamais achevé sur Bica du fait d'un accident conduisant à la perte d'un véhicule.



De la reconstruction par Bell à nos jours

Il faut attendre 1923 et une injonction du conseil municipal pour qu'un projet de remise en état du funiculaire de Bica soit entrepris. Il est fait appel, pour l'occasion, au constructeur suisse Theodor Bell & Cie. Les ateliers Bell, situés à Krienz près de Luzern, ont déjà construit un nombre conséquent d'équipements pour plusieurs funiculaires en Europe. La société procède à une simplification technique de l'appareil qui abandonne l'entraînement en aval ou le système à véhicules automoteurs au profit d'un treuil électrique compact qui prend place en amont sous la Calçada do Combro. L'ensemble de la voie est reconstruite et deux nouveaux véhicules en bois et métal lourd à 3 compartiments étagés sont installés. L'appareil, rénové, rouvre au public le 27 juin 1927.

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Le funiculaire reconstruit par Bell rouvre en 1927 avec de nouveaux véhicules.


La NCAML a été, entre temps, reprise en 1926 par la Carris, qui gère déjà les lignes de trams et de bus de Lisbonne. Le nouvel exploitant procède, au début des années 1930, à une rénovation des caisses du matériel roulant. Le bois laisse pour l'occasion place à des panneaux en métal plus légers, permettant de réduire le poids des véhicules à 2700 kg à vide.

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Carris procède dans les années 1930 à une rénovation des cabines qui abandonnent le bois pour le métal.


L'aspect du matériel roulant demeure depuis inchangé. Seule la livrée a évolué pour adopter, dans les années 1950, son emblématique robe jaune et blanche à liseré lie de vin, signe désormais distinctif des funiculaires et trams de Lisbonne. Ainsi, les véhicules distillent, de nos jours, un irrésistible charme rétro. Les touristes ne manquent d'aileurs pas de poser pour la photo devant ce patrimoine historique qui, comme les trois autres « ascensores » lisboètes, est classé « Monumento Nacional » depuis février 2002.

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Les véhicules ont traversé les époques et adoptent depuis les années 1950 l'emblématique livrée jaune et blanche.

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Le véhicule n°2 au centre de la rue de Bica. 

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Gros plan sur la voiture n°2. 

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La caisse dispose de trois compartiments étagés. 


A bord, rien ne semble avoir bougé depuis les années 1930. Boiseries vernies, plafond cintré couleur crème et éclairage par ampoules à incandescence : plus qu'un trajet en funiculaire, un voyage dans le temps ! Seuls les rideaux à enroulement et les discrètes caméras installées en plafond pour la surveillance de la cabine rappellent notre époque.

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Avec ses boiseries et son plafond cintré qui reçoit des éclairage à incandescence, l'intérieur a conservé son charme années 30.


Il accueille jusqu'à vingt-trois passagers, parmi lesquels neuf peuvent prendre place sur de confortables banquettes rembourrées. On peut s'acquitter d'un ticket directement auprès du conducteur mais, le funiculaire étant intégré au réseau de transports de la Carris, il demeure nettement plus avantageux de se procurer au préalable un titre aux bornes des métros ou stations de trams. A l'intérieur, l’exiguïté impose une certaine convivialité : les locaux se mélangent aux touristes et se proposent même volontiers de vous prendre en photo. Attention, tout de même, aux nombreux pickpockets qui officient !

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Neuf personnes peuvent s'asseoir sur de confortables banquettes, les quatorze autres doivent prendre place debout.


Le poste de conduite est également inchangé depuis les années 1930 ; on ne manque pas de remarquer le volant d'époque, qui permet de réaliser un freinage d'urgence, mais également l’essuie-glace manuel installé sur le vitrage. Au centre, prennent place deux boîtiers de contrôle : celui de gauche permet de contrôler la marche, celui de droite, de commander le freinage hydraulique de service, effectué sur les roues du véhicule. La centrale manuelle gérant la pression du circuit de freins est d'ailleurs présente dans l'habitacle, au pied du freinage manuel.

Chaque véhicule dispose de deux postes de contrôle (un à chaque extrémité) ; le conducteur doit en changer à chaque trajet de façon à toujours être positionné dans le sens de circulation. Notons qu'il n'y a aucun local de conduite en station amont : le funiculaire est intégralement commandé depuis les véhicules. C'est l'agent contrôlant le véhicule montant qui pilote le funiculaire. L'autre conducteur peut bien entendu gérer le freinage de service comme d'urgence.

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Le vitrage central du poste de contrôle reçoit un essuie-glace manuel. 

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Les commandes de marche, de freins de service et le volant du freinage d'urgence.

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Le volant et le portillon d'entrée. 

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Au pied du volant, la centrale hydraulique manuelle des freins. 

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Les équipements électriques du véhicule sont alimentés via la caténaire. 


La station aval


Le départ du funiculaire est discrètement situé au rez-de-chaussée d'un immeuble d'habitations de la rue São Paulo, à quelques centaines de mètres des rives du Tage. La station est en correspondance directe avec l'« electrico », le tramway électrique de Lisbonne aux emblématiques véhicules rétro (des caisses américaines de type Brill 21E rénovées à partir de 1994 par Ferrostaal AG avec une partie mécanique AEG Schienenfahrzeuge et un équipement électrique Kiepe).

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L'« electrico » est en correspondance avec la station de départ du funiculaire de Bica.

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Le départ de l'appareil est situé au au rez-de-chaussée de cet immeuble d'habitations de la rue São Paulo.


Depuis la rue, seule une épigraphe « ascensor da Bica », cerclant le haut d'une belle embrasure voûtée, signale la présence de la remontée mécanique. Les plus observateurs remarqueront tout de même la teinte jaune et blanche de la façade, qui reprend le code couleurs des véhicules de la Carris.

Le bâtiment de quatre étages hébergeant la station est celui d'origine, mais il a connu plusieurs restaurations depuis 1890, en particulier le remplacement des planchers en bois par des dalles en béton en 1936, et une réhabilitation des espaces intérieurs en 1952.

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Seule l'épigraphe « ascensor da Bica » signale la présence du funiculaire.

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Gros plan sur l'embrasure de l'entrée du funiculaire, au 234 de la rue São Paulo.


On passe l'imposante porte en bois massif et l'on pénètre directement dans le hall des quais, qui mêle, dans le plus pur style portugais classique, élégance et sobriété. On ne manque pas de remarquer les azulejos, ces faïences traditionnelles dont se parent les murs des habitations portugaises, ainsi que les moulures et les corniches qui mettent en évidence une hauteur sous-plafond conséquente. Six luminaires façon XIXe diffusent une lumière jaune tamisée. Le sol s'habille pour sa part d'empedrados, un pavement typique fait de petits cubes de calcaire blanc et de basalte noir, emblématique des rues de la capitale portugaise.

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Le hall de départ, dans un style portugais classique, s'habille de murs en azulejos.

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La cabine n°1 ouvre sur les escaliers situés côté est.

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Par symétrie, la cabine n°2 est accessible par les escaliers situés côté ouest.

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Des éclairages diffusent dans le vaste hall une lumière tamisée.

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Le conducteur contrôle les entrées et sorties. On remarque le sol en empedrados.

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Vue en direction de la ligne.


Le quai et ses deux volées d'escalier se prolongent d'un couloir de circulation du funiculaire « percé » dans l'immeuble, sur le dessus duquel s'ouvrent, tel un patio intérieur, les fenêtres des logements des deux étages supérieurs. Le porche dispose d'un portail à deux vantaux métalliques que le personnel ferme hors exploitation pour préserver l'intérieur de la station des dégradations. Le passage aboutit en contrebas d'une petite place paisible.

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Le hall des quai se prolonge d'un couloir de circulation.

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Façon patio, des fenêtres de logement des niveaux supérieurs donnent directement sur le passage.

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Côté ligne, le bâtiment donne sur une petite place.

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Vue rapprochée sur le passage du funiculaire.

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Vue d'ensemble de l'immeuble hébergeant la station de départ.

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La partie de la ligne directement située en sortie de la station est interdite à toute circulation publique.

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Vue en enfilade sur la station de départ depuis la rue de Bica.



La ligne


La ligne du funiculaire de Bica emprunte la Rua da Bica de Duarte Belo, une rue rectiligne qui traverse le pittoresque quartier de Bica. La ligne est courte (283 mètres suivant la pente) et possède une dénivellation de 45 mètres. La pente, d'une valeur moyenne de 18,5 %, reste relativement constante, mise à part sur la partie basse du tracé où elle est plus prononcée.

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Vue aérienne sur la ligne du funiculaire (© Google).


Comme les deux autres « ascensores » de Lisbonne, la voie à donc la particularité de ne pas évoluer en site propre et partage l'espace avec les piétons, les deux-roues et les voitures. Le trafic automobile se limite cependant à la circulation des riverains et reste donc contenu.

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Le funiculaire évolue en pleine rue (CC by-sa Jaime Silva / CC by-sa MayhemChaos).


L'implantation sur la voie publique fait que l'ensemble de l'infrastructure de la ligne est encastré au niveau de la chaussée. L'appareil utilise à cet effet des rails à gorge de type Broca, à l'image de ce que l'on retrouve sur certaines voies de tram. Le câble tracteur circule pour sa part dans un conduit souterrain, sous un rail double ouvert qui prend place entre les deux rails classiques, déporté aux deux tiers du côté du rail extérieur. Le câble est soutenu à intervalles réguliers par des galets, accessibles, pour la maintenance, par des regards protégés de tampons en fonte. Les deux voies ont un écartement de 900 mm.

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La voie étant ouverte à la circulation routière, le câble est relégué sous la chaussée.

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Les rails, type Broca (à gorge) sont encastrés au niveau de la chaussée.


Les véhicules disposent d'un châssis à deux essieux équipés de roues à boudins intérieurs ; une disposition classique de matériel ferroviaire autorisée par l'absence de voie unique et d'évitement central Abt. Ils sont reliés au câble par le biais d'un profilé métallique en longueur qui pénètre sous la chaussée par l'ouverture du rail central. Au bout de ce profilé, une attache liaisonne le câble au matériel roulant.

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Les véhicules sont reliés au câble par un profilé métallique pénètrant sous la chaussée par l'ouverture du rail central.


Le trajet s'effectue à la paisible vitesse maximale de 2,5 m/s. L'ascension prend ainsi l'allure d'une balade qui nous plonge au coeur de la vie de cet authentique quartier qui garde encore bien des aspects de village. Alors que les façades colorées des maisonnettes défilent sous nos yeux, des odeurs de sardines grillées viennent nous mettre en appétit ; plus haut, deux voisines conversent depuis leur fenêtre ; à gauche, une mamãe étend son linge au balcon... L'appareil ralentit pour laisser passer une grand-mère qui revient du mercado tout proche, des enfants qui traversent un peu vite, ou tout simplement deux lisboètes... qui prennent leur temps. Dans notre vieux funiculaire cahotant, on se prend à être charmé par cette vie, ces odeurs, ces couleurs, ces bruits... Il n'y a guère que les tags pour nous rappeler que nous sommes bien en 2012.

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En avant à la vitesse de 2,5 m/s pour une balade au cœur du quartier de Bica.

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Sortie de la station station aval.

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Devant nous défilent les façades colorées des maisons du quartiers.

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Rupture de pente après 80 mètres de trajet.

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A l'ombre des façades colorées.

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Le véhicule descendant est désormais en vue.


Les deux voies, qui se chevauchent sur les extrémité de la ligne, s'écartent l'une de l'autre sur la section centrale de façon à permettre le croisement des véhicules. En l'absence de voie unique de part et d'autre, le cœur de l'évitement se limite ici à un simple croisement de rails à gorge. Notons qu'avec 100 mètres de longueur, ce tronçon à deux voies écartées s’étend sur plus d'un tiers de la ligne.

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Arrivée au niveau de la section centrale

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Le cœur de l'évitement se limite ici à un simple croisement de rails à gorge.

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Croisement de la ligne avec la traversée de Cabral.

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Le véhicule frôle le linge qui sèche au balcon.

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Les deux véhicules se rapprochent.

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Vue sur la voiture n°1 depuis la voiture n°2.

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Gros plan sur le véhicule n°1.

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Les deux véhicules se croisent dans l'évitement.

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Le véhicule n°1 poursuit vers le bas tandis que le véhicule n°2 continue sont ascension.


La dernière partie du trajet s'anime de la présence de quelques magasins et troquets. En se retournant, on profite désormais d'une belle vue en enfilade sur la rue qui semble plonger jusque dans la mer de Paille, nous rappellant ainsi les origines de ce quartier de Bica, qui fut longtemps occupé par des familles de pêcheurs.

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Vue profilée sur le bleu de la mer de Paille depuis la rue de Bica.

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Sur la dernière section, les rails reprennent une configuration à voie chevauchée.

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Vue sur le croisement des rails.

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La rue s'anime maintenant de commerces et de passants.

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Sur la partie supérieur, seuls les deux-roues et les piétons sont autorisés. Ces derniers sont d'ailleurs
rois et le funiculaire doit parfois ralentir l'allure, pourtant déjà paisible, pour laisser traverser les passants.

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La fin du voyage est proche.

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Vue sur la rue de Bica depuis la station supérieure.

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Les derniers mètres d'ascension.

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Arrivée du véhicule.



La station amont

La station amont est située au sommet de la rue de Bica de Duarte Belo, en connexion avec la Largo do Calhariz. Cette artère très passante permet de gagner le cœur des quartiers hauts du Chiado et du Bairo Alto. Le funiculaire y est en correspondance directe avec le tramway, et notamment, le très touristique tram 28E, qui marque ici un arrêt.

Contrairement à la station aval, aucune construction n'abrite le matériel roulant. Ce dernier s'arrête en pleine rue et constitue la seule véritable infrastructure visible signalant la présence du funiculaire. En l'absence de bâtiment amont, le véhicule est malheureusement constamment la proie des tagueurs et la Carris doit régulièrement remettre en peinture la caisse.

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La cabine n°2 à la station supérieure. Les passagers descendent en pleine rue.

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La cabine n°1, photographiée par quelques touristes à la station supérieure.

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Le funiculaire vu depuis la Largo do Calhariz.

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La Largo do Calhariz est une rue très passante, empruntée le célèbre tram 28E.


Depuis la reconstruction du funiculaire en 1927, la station amont joue également le rôle de station motrice de la remontée. L'ensemble de l'entraînement est dissimulé sous la Largo do Calhariz, dans un local technique accessible via une trappe située dans le prolongement des rails, protégée du passage de la rue par un garde-corps.

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L'ensemble de la machinerie est dissimulé sous la Largo do Calhariz.

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On accède au local technique par une trappe située dans le prolongement des rails.


On descend quelques mètres par une échelle. Le câble passe de part et d'autre de nous, sur deux poulies de déviation, puis court ensuite à l'horizontal jusque dans la machinerie, accessible par une porte métallique. A l’intérieur, l'entrainement est réalisé par un grand tambour motorisé autour duquel s'enroule, d'un côté, le câble, tandis qu'il se déroule de l'autre. Cette configuration, imposée par l’exiguïté du lieu, nécessite une longueur de câble double mais permet de garantir l’adhérence sans avoir à recourir à l'installation de poulies de renvoi supplémentaires.

Le treuil à enroulement est mis en mouvement par un moteur électrique qui anime un étage de réduction en sortie duquel un pignon vient engrener une couronne dentée présente au bas du tambour.

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Au niveau de la trappe, deux poulies assurent la déviation du câble.

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A l'intérieur, un treuil compact avec tambour motorisé à enroulement assure l'entraînement (João Manuel Hipólito Firmino da Costa).



Autour du funiculaire de Bica

En haut du funiculaire, les quartiers du Chiaodo et du Bairo Alto constituent certainement les reflets les plus complets de l’âme lisboète : un séduisant mélange de tradition et de cosmopolitisme. Les beaux espaces autour de la place Luis Vaz de Camoes y côtoient des ruelles aux habitations plus modestes. Le Chiado fut ravagé par un grave incendie en 1988. Le feu gagna de nombreux palais et magasins du VIIIe siècle qui brulèrent entièrement dans la rua Do Carmo. Mais, grâce à un vaste programme de reconstruction, il a désormais retrouvé toute sa splendeur. Ses nouveaux occupants bourgeois-bohèmes lui ont même impulsé une touche culturelle et « fashion » qui cohabite au final plutôt bien avec l'atmosphère de village que perpétue les habitants les plus anciens.

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Le quartier du chiado s'articule autour de la place Luis Vaz de Camoes.


Le funiculaire donne également accès au Miradouro de Santa Catarina. Ce petit square offre un point de vue sur la mer de Paille, vaste baie qui marque la limite entre le Tage et l'océan Atlantique. On y bénéficie d'un panorama sur l'imposant pont du 25 Avril, premier pont suspendu de Lisbonne, inspiré des Bay Bridge et Golden Gate de San Francisco. L'ouvrage possède une longueur de 2 277 mètres, bien moindre que les 12,3 kilomètres du récent pont Vasco de Gamma ; mais avec des piliers culminant à 190 mètres au-dessus du niveau de la mer, le pont reste la deuxième construction la plus haute du Portugal.

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Le funiculaire donne accès au miradouro de Santa Catarina qui domine la mer de Paille.

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Le point de vue offre un panorama sur l'imposant pont du 25 Avril.


Au centre du miradouro, trône la statue d'Adamastor, l'esprit du cap des Orages (cap de Bonne-Espérance). La légende raconte qu'il apparut à Vasco de Gama pour lui prédire les désastres qui émaillèrent le voyage vers les Indes. L'endroit s'anime d'une terrasse de bar qui permet de se reposer à l'ombre des arbres, mais, également, d'une ambiance façon Woodstock, parfois malheureusement très junkie.

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La statue d'Adamastor trône au milieu de square, tandis qu'un kiosque propose des rafraîchissements.


En bas du funiculaire, il ne faut pas hésiter à pénétrer dans le Mercado da Ribeira, un vaste marché couvert qui se tient tous les jours dans une halle historique, inaugurée en 1882, de près de 10 000 mètres-carrés. Sur les étals des maraîchers, bouchers, poissonniers et fleuristes, la profusion des produits constitue un spectacle aux mille couleurs et senteurs. Chaque matin, s'y déroule la vente à la criée de la pêche rapportée à l'aurore par les chalutiers.

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Au pied du funiculaire, le Mercado da Ribeira abrite depuis 1882 un vaste marché couvert de 10 000 mètres-carrés.


Quand vient l'heure de manger, l'on descend au plus près du Tage, vers les docks, déguster les poissons frais du jour simplement grillés ou bien cuisinés avec du riz (arroz de tamboril). Après 22 heures, le quartier prend des airs de gigantesque fête. Les entrepôts de l'ancienne gare fluviale, désormais reconvertis en bars, restaurants et clubs branchés, s’animent alors jusqu'au petit matin.

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Les docks et leurs anciens entrepôts reconvertis en bars, restaurants et clubs branchés.



Authenticité et douceur de vivre

Caché derrière la façade d'un immeuble, un peu déporté du centre touristique, l'« ascensor da Bica » n'enregistre pas la fréquentation de son homologue de Glória ou de l'ascenseur de Santa Justa, mais c'est certainement l'un des appareils qui permet le plus de s’imprégner de l’authenticité et de la douceur de vivre de Lisbonne. Plus qu'un funiculaire au charme rétro, c'est une machine à voyager au cœur d'une vie intemporelle, au sein d'un quartier-village qui prend son temps et s'ouvre, au delà des stations amont et aval de l'appareil, sur un Lisbonne qui mêle mode et tradition.

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L'« ascensor da Bica » : une machine à voyager au cœur d'une vie intemporelle lisboète.



Récapitulatif des caractéristiques


  • Nom de l'installation : Ascensor da Bica
  • Type : funiculaire à va-et-vient
  • Année de première mise en exploitation : 1892
  • Maîtrise d’œuvre : Nova Companhia dos Ascensores Mecânicos de Lisboa (NCAML)
  • Constructeur d'origine : Maschinenfabrik Esslingen AG (ME)

  • Électrification : 1916 (projet non finalisé)
  • Reconstruction : 1927
  • Constructeur : Theodor Bell & Co
  • Exploitant : Companhia Carris de Ferro de Lisboa (Carris), depuis 1926

  • Dénivelée : 45 mètres
  • Longueur suivant la pente : 283 mètres
  • Pente moyenne : 18,5 %
  • Voie : rails type Broca + rail central ouvert
  • Écartement : 900 mm
  • Entraînement : station amont
  • Motorisation : électrique sur tambour à enroulement

  • Véhicules : Theodor Bell & Co
  • Capacité : 9 places assises et 14 places debout
  • Attache : fixe sous voirie
  • Freins : sur rail (urgence) et sur roues (service)
  • Nombre de véhicules : 2

  • Vitesse d'exploitation : 2,5 m/s maximum
  • Débit maximal théorique : montée : 250 p/h - descente : 250 p/h
  • Temps de trajet : 2 min


Informations pratiques

- Site internet de l'exploitant : www.carris.pt
- Accès : station aval, 234 de la rue de São Paulo, correspondance tram 25E, bus 714 ou 774, arrêt Rua De São Paulo - Bica ; station amont, Largo do Calhariz, correspondance tram 28E, arrêt Calhariz - Bica
- Tarif : 3,5 € aller-retour ou titre de transport du réseau Carris (NB : il est nettement plus intéressant d'utiliser cette dernière option)
- Horaires : 7 h à 21 h (dimanche : 9 h - 21 h)


Ouvrages

- Un caso de patrimonio local - A tomada de Lisboa pelos ascensores - João Manuel Hipólito Firmino da Costa, Université Aberta - 2008
- Elevadores ascensores e funiculares de Portugal - Jaime Fragoso de Almeida - CTT
- Historia do elevador e ascensores de Lisboa - Carris


La plupart des documents historiques de ce reportage sont issus des ouvrages listés ci-dessus.

Contact, discussions

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