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 TPH18 de l'Aiguille du Midi (Les Glaciers)

Chamonix-Mont-Blanc - Aiguille du Midi (Vallée de Chamonix)

Ceretti & Tanfani - Dyle & Bacalan

T3 HS
Description rapide :
Remontez le temps et partez à la découverte des premiers téléphériques ayant cherché à gravir les pentes de la prestigieuse aiguille du Midi.

Options techniques :
  • Estacade sur pylône
Année de construction : 1924
Année de fin de service en : 1951

Remplacé par l'appareil suivant : Suivre la discussion sur le forum



 
De l'idée à la réalité
Auteur de ce reportage : lolo42
Section écrite le 08/06/2009 et mise à jour le 18/04/2021
(Mise en cache le 18/04/2021)

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Téléphérique de l'Aiguille du Midi Téléphérique des Glaciers
Avec le confort et la rapidité d'un moyen de transport moderne, les quatre cabines panoramiques du téléphérique de l'Aiguille du Midi acheminent quotidiennement près de 1 300 visiteurs depuis le centre de Chamonix, à 1 050 mètres, jusqu'à près de 3 800 mètres d'altitude, au cœur de la haute montagne.
Dominant directement la vallée de l'Arve, l'aiguille du Midi compte parmi les sommets les plus prestigieux du massif du Mont-Blanc. Elle constitue un belvédère panoramique de premier plan duquel on peut toucher des yeux le mont Blanc et admirer les vastes étendues de convergences glacières de la vallée Blanche et du glacier du Géant que les petites cabines du Panoramic Mont-Blanc se proposent de vous faire survoler pour parachever l’excursion.

Depuis sa mise en service en 1955, ce téléphérique de renommée internationale constitue un passage obligé pour les touristes de la vallée. Mais, installés dans ses grandes cabines, combien, parmi les visiteurs, prennent pleinement conscience des innombrables difficultés qui se sont posées pour la conquête mécanique de ce sommet ? Savent-ils que, dès le début du siècle passé, une précédente ligne de « funiculaire aérien » avait déjà cherché, sur un tracé différent, à gagner l'aiguille, ouvrant ainsi la voie à l'appareil actuel ? Pourtant méconnue du grand public, l'histoire de ce premier « téléférique » de l'Aiguille du Midi est intéressante à bien des égards ; elle passionne par sa richesse, ses rebondissements et nombreuses anecdotes dramatiques ou joyeuses.




Téléphérique de l'aiguille du midi, téléphérique des glacier, ceretti tanfani, chamonix
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1904 : les ascenseurs de montagne de Feldmann et Strub

L'histoire de cette conquête prend vie au début du XXe siècle dans l'esprit d'une poignée d'hommes pionniers qui projettent déjà la conquête mécanique des Alpes : l'ingénieur allemand Wilhelm Feldmann, qui a participé à la construction du monorail suspendu de Wuppertal (en Allemagne) et le Suisse Emil Strub, qui s'est illustré par la conception du système de crémaillère qui porte son nom et son implication dans la construction du chemin de fer de la Jungfrau.

Préfigurant le téléférique de voyageurs, Wilhelm Feldmann conceptualise en 1902 le bergaufzug, littéralement « l’ascenseur de montagne » : l'invention consiste à faire circuler deux cabines suspendues à des câbles tendus entre deux points terminaux sur une ligne aérienne à très forte pente offrant jusqu'à 500 mètres de longueur. En 1903, Feldmann obtient une concession en Suisse pour équiper les pentes du Wetterhorn, près de Grindelwald, d'une ligne de ses ascenseurs de montagne. Emil Strub et l'investisseur Rodolphe de Salis sont intéressés par l'invention et choisissent de s'associer à Wilhelm Feldmann de le but de développer ce concept sur les plus prestigieux sommets d'Europe. La première section d'ascenseurs du Wetterhorn (et la seule qui ne sera jamais réalisée sur ce sommet) sera achevée en novembre 1907 et mise en service le 27 juillet 1908, mettant en liaison la vallée de Grindelwald avec un nid d'aigle à 1 618 mètres d'altitude, par le biais de deux cabines d'une capacité de 16 places évoluant sur une ligne disposant d'une pente moyenne de 116 % ; un record d'inclinaison qui ne sera battu que par le deuxième et dernier ascenseur de montagne construit au monde : celui du Sant Jeroni à Montserrat en Espagne, inauguré en 1929.

Parallèlement à l'ascenseur du Wetterhorn, ces pionniers esquissent un autre projet d'envergure : gagner, par ce même moyen mécanique, le sommet de l'aiguille du Midi, au cœur du massif du Mont-Blanc. À sa situation offrant un panorama incomparable, s'ajoute la proximité de la vallée Blanche, au relief doux, « propice à la pratique de la luge ». Ce serait là l'occasion de réaliser une installation démonstrative hors du commun et de développer toute une activité commerciale annexe. Ils imaginent déjà une station de sports d'hiver « toutes saisons » à 3 600 mètres d'altitude, avec un téléluge mais également un restaurant et un hôtel ! Ils s'associent pour l'occasion au promoteur dijonnais d'origine Suisse, Marc-Fidel Eugster, séduit par le projet et pleinement rassuré par la concession d'ascenseurs qu'ils viennent d’obtenir au Wetterhorn.


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L'ascenseur de montagne conceptualisé par Wilhelm Feldmann et concrétisé sur les pentes du Wetterhorn en 1908. (DR, coll. Laurent Berne)

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Élévations et plan de la voiture et du chariot de l'ascenseur de montagne, moyen mécanique
pressenti dès 1904 pour équiper les pentes de l'aiguille du Midi. (DP, coll. Laurent Berne)

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Le chemin de fer aérien de l'Aiguille du Midi fait l'objet d'un premier article dans une revue nationale dès 1906. (Gallica)


Les hommes imaginent un tracé depuis le hameau des Pélerins, à deux kilomètres à l'ouest de Chamonix, avec deux funiculaires classiques qui conduiraient au pied de l'Aiguille du Midi, d'où partiraient trois sections d'ascenseurs de montagne permettant de rejoindre le sommet. De l'aiguille, un « funiculaire pour luges » devrait ensuite desservir le site de la vallée Blanche.

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Représentation du tracé Feldmann et Strub avec 2 funiculaires et 3 ascenseurs. (DP, coll. Laurent Berne)

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Le profil en long : un funiculaire de la gare du Midi à la Para (avec deux haltes intermédiaires),
un second jusqu'au glacier des Bossons (halte à Pierre-Pointue) et les trois ascenseurs sommitaux. (DP, coll. Laurent Berne)

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Profil en long de la dernière section d'ascenseurs de montagne : Rocs Percés - Aiguille du Midi (DP, coll. Laurent Berne)


Marc-Fidel Eugster formule une demande de concession le 30 novembre 1905 à Édouard Simond, maire de Chamonix. Elle est soumise au Conseil municipal le 21 décembre qui, enthousiasmé, donne son aval à l'unanimité. Tout est cependant mis à mal dès l'année suivante : les tractations relatives aux nécessaires expropriations pour construire la voie ferrée du premier funiculaire s'avèrent délicates ; le départ, loin du centre, est également un point d'accroche ; et malheureusement, dans la foulée, Wilhelm Feldmann meurt dans un accident de chasse. Le projet s'enlise.


1908 : le « chemin de fer suspendu » de Ceretti & Tanfani

En 1908, l'inauguration de l'ascenseur de montagne du Wetterhorn donne cependant un nouvel élan au projet de l'aiguille. Emil Strub étudie la possibilité d'abandonner les deux funiculaires au sol et de passer par la voie des airs, avec un départ possible depuis Chamonix, puisque l'appareil survolerait les terrains. Il prend contact avec l'ingénieur Giulio Ceretti, co-fondateur de la société milanaise Ceretti & Tanfani, qui, depuis 1894, a déjà construit bon nombre d'ouvrages métalliques aériens (grues, ponts transbordeurs...), mais également les transporteurs à câbles pour voyageurs des expositions de Milan, Genève, Turin, Buenos Aires et Ōsaka.

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Emil Strub et Giulio Ceretti.(DP, Wikimedia)


Les deux hommes esquissent pour l'aiguille du Midi un système de « chemin de fer suspendu » à câble porteur et tracteur unique avec câble-frein de sécurité. Le système est séduisant dans le sens où il n'utilise que trois câbles. Jusqu'à présent, sur les quelques transports par câble de voyageurs existant, la redondance prévalait.

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Le système de funiculaire aérien à va et vient Ceretti & Tanfani : 1 câble porteur, 1 câble tracteur et 1 câble-frein. (DR)


L'ingéniosité du système Ceretti & Tanfani - Strub réside en la présence du câble-frein. En cas de rupture du câble tracteur, le câble-frein est à même d'arrêter la « voiture aérienne » sur distance de 70 à 80 cm, grâce à des mâchoires présentes sur le chariot qui se déclenchent automatiquement ou par une action manuelle du cabinier. En cas de rupture du câble porteur, le câble-frein offre également une résistance suffisante pour supporter le poids de la voiture et donc éviter sa chute. Par ailleurs, il peut aussi être mis en mouvement depuis la gare motrice et assure alors le rapatriement des véhicules en gare. En outre, cette simplification permet d'envisager facilement l'installation de pylônes. Certains de ces ouvrages supports peuvent également servir de stations d'ancrage intermédiaires ; on peut ainsi installer plusieurs sections de câbles porteurs à la suite sur une seule ligne. On se libère ainsi de la contrainte de limitation de longueur imposée par le poids maximal transportable d'un touret de câble, ou encore d'un liaisonnage entre deux câbles porteurs.

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Le câble-frein peut, le cas échéant, remplacer le câble tracteur ou porteur, et assurer le freinage de la voiture par le biais
des mâchoires automatiques présentes sur le chariot. (DP)


Eu égard aux coûts supplémentaires engendrés, on se résout tout de même au final à abandonner le départ du centre-ville de Chamonix. Strub se rabat sur l’implantation d'une gare aval en lisière de forêt, 500 mètres plus en amont que celle prévue au projet initial de funiculaire au sol. La gare se trouverait ainsi située sur un terrain communal, ce qui éviterait toutes les délicates tractations avec les propriétaires. Le 14 novembre 1909, la mairie donne son accord : les « funiculaires aériens » et leur tracé sont adoptés sur le principe.

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Le tracé approximatif, adopté en 1909, prévoit un départ depuis les Pélerins sur un terrain
communal en lisière de la forêt. (DR, coll. Laurent Berne)


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1909 : le projet du « funiculaire aérien » prend vie

Alors qu'en décembre 1908, le système pensé pour l'aiguille du Midi est repris par Ceretti & Tanfani pour la construction d'un appareil similaire à Lana (dans le Tyrol méridional) sur les pentes du Vigiljoch, le projet de Chamonix avance doucement. Il faut attendre le 10 septembre 1909 pour qu'un contrat soit rédigé entre le Conseil municipal et Marc-Fidel Eugster ; le document est approuvé par le préfet de Haute-Savoie le 4 octobre : les travaux peuvent enfin commencer.
Symboliquement, dès le mois suivant, on organise avec enthousiasme la pose de la première pierre de la station des Pélerins alors que les plans du bâtiments ne seront finalisés par Ceretti & Tanfani que le 10 janvier de l'année suivante !

Emil Strub décède malheureusement en décembre 1909 mais le projet, désormais bien engagé, lui survit. Chez Ceretti & Tanfani , les ingénieurs Walter Conrad et Maurice de Blonay reprennent le suivi technique du chantier, avec, comme collaborateur, un certain André Rebuffel, jeune ingénieur qui exerce ici ses premières armes chez le constructeur milanais. André Rebuffel s’imposera par la suite comme une personnalité de premier ordre du transport par câble. Il réalisera des appareils aussi exemplaires que les téléfériques du Brévent, du Salève (sur les hauteurs de Genève), du mont Baron (à Veyrier-du-Lac sur les rives du lac d'Annecy), mais aussi, du Revard (au dessus d'Aix-les-Bains)...

[size="2"]Pour la fourniture et la construction des pièces métallique, Eugster fait appel en mars 1910 à la société anonyme de travaux Dyle et Bacalan, grande chaudronnerie fondée en 1879, issue de la fusion entre la Société des Chantiers de Bacalan (créée en 1869 à Bordeaux) et les Ateliers de la Dyle (fondées à Louvain en 1874). Dyle et Bacalan est spécialisée dans la réalisation de matériel fixe et roulant de chemins de fer, de constructions navales, et autres charpentes métalliques Elle s'illustrera dans le domaine aéronautique durant les années 1920, avec ses célèbres avions DB.


En parallèle, Joseph Vallot, fin connaisseur du massif et père de l'observatoire du Mont-Blanc, vient, à son tour, prendre part au projet de l'aiguille du Midi. Quelques années plus tôt, l'homme s'était déjà illustré dans le domaine du transport de montagne en esquissant un chemin de fer devant relier Chamonix au mont Blanc. Il propose donc à Marc-Fidel Eugster son aide technique et financière. Ensemble, avec l'économiste Léon Estivant et Émile Dollot, entrepreneur de travaux publics, ils fondent le 2 mai 1910 la Société Anonyme du Funiculaire Aérien de l'Aiguille du Midi – Mont-Blanc. Marc-Fidel Eugster en détient 75 % du capital, mais il confie la présidence à Joseph Vallot.

Sur site, les ouvriers élargissent le sentier conduisant à Pierre-Pointue pour permettre aux mules et aux hommes de transporter le matériel. La ligne du chemin de fer aérien est défrichée. On utilise les arbres pour réaliser les cabrettes en bois de la ligne de service. En parallèle, l'électricité est amenée depuis Chamonix.

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Construction des cabrettes en bois de la ligne de service. (Maurice Thormeyer)


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Montagne de la ligne électrique dans la vallée. (Maurice Thormeyer)


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Tirage de la ligne électrique par les ouvriers. (Maurice Thormeyer)


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Gare de départ de la ligne de service aux Pélerins en 1911. (Maurice Thormeyer)


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Benne de service en 1911. (Maurice Thormeyer)


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Arrivée de la benne de service à La Para. (Maurice Thormeyer)



Bien que l'usage du béton soit popularisé depuis déjà une cinquantaine d'années, les ingénieurs choisissent de tirer profit de la roche granitique du terrain et de recourir à la pierre de taille pour l'ensemble des fondations des pylônes, mais également la construction des stations. Des dizaines de tailleurs valdôtains sont embauchés sur le chantier pour l'occasion. Les travaux avance bon train : dès la fin 1911 l'essentiel du premier tronçon est achevé, notamment le clos-couvert des deux gares.

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La ligne de service est construite et la voie commerciale du funiculaire aérien avance bien.
Les tailleurs valdôtains emploient le granite local pour réaliser l'embase des pylônes. (DR, coll. Laurent Berne).


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La gare des Pélerins, achevée à l'automne 1911. Les contrepoids des câbles sont
déjà livrés au pied de la gare. (Maurice Thormeyer)


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La gare des Pélerins à l'automne 1911 : Le quai de la voie 1.


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Les ouvrier prennent la pose sur le premier pylône. (Maurice Thormeyer)


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La ligne à l'automne 1911. (Maurice Thormeyer)


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La gare de La Para à l'automne 1911. (Maurice Thormeyer)



Entre ferveur et réalisme

Le tracé de la seconde section est approuvé en novembre 1912. Mais plus haut, rattrapés par la réalité, les ingénieurs abandonnent le projet de liaison sommitale par ascenseurs de montagne au profit d'une troisième section en direction du Col du Midi, plus facile d'accès. De là, il sera toujours possible de gagner, plus tard, l'aiguille par un éventuel appareil qui restera à préciser.

Pendant ce temps, l'environnement plus clément de Lana, permet à Ceretti & Tanfani d'achever rapidement les travaux de construction des appareils jumeaux de ceux de l'aiguille. Les deux sections de funiculaires aériens du Vigiljoch sont inaugurées en grande pompe le 27 août.


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Le profil en long de la ligne avec la deuxième section validée en 1912 et des ascenseurs de montagne
qui ne conduisent plus désormais qu'au col du Midi. (DR, coll. Laurent Berne)

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À Lana près de Meran, le Vigiljochbahn, copie sud-tyrolienne du
funiculaire aérien de Chamonix, entre en service en 1912. (DR, coll. Laurent Berne)


Tout cela n'entache cependant pas l'optimisme à Chamonix : en 1913, le gros œuvre de la ligne Les Pélerins – La Para est achevé. Les stations aval et amont sont terminées et les pylônes se dressent sur toute la ligne, n’attendant plus que de recevoir leurs câbles. Plus haut, les maçonneries de neuf pylônes du tronçon supérieur sont achevées et quinze autres, ainsi que les fouilles de la gare amont, sont commencées. Le refuge de Pierre-Pointue, situé le long de la ligne du deuxième tronçon, sert de base avancée aux ouvriers.

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Les ouvriers devant le refuge de Pierre-Pointue. (Maurice Thormeyere)


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La ligne de service du deuxième tronçon. (Maurice Thormeyer)


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Pointage pour l'alignement des pylônes du second tronçon. (Maurice Thormeyer)


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Arrivée de la ligne de service du second tronçon aux Glaciers. (Maurice Thormeyer)


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L'emplacement de la future gare amont des Glaciers en 1911. (Maurice Thormeyer)


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Sur le premier tronçon, en novembre 1911, remise en état du pylône 11 et de son paravalanche touchés par une coulée. (Maurice Thormeyer)


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Remise en état du pylône 11 et de son paravalanche en novembre 1911. (Maurice Thormeyer)


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Le constructeur Ceretti & Tanfani a posé sa plaque au pied du premier pylone. (Maurice Thormeyer)


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Au pied de la gare les contrepoids attendent encore la pose des câbles pour être installés. (Maurice Thormeyer)



Dans les ateliers de Ceretti & Tanfani, une première voiture est produite. À l’image d’une caisse de funiculaire terrestre, ces véhicules de 24 places s’articulent autour de quatre compartiments étagés épousant le profil de la pente. Les câbles, fabriqués par la société Saint-Egyder Eisen und Stall Industrie sont acheminés au pied de la gare des Pélerins par des camions automoteurs.

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La première voiture à quatre compartiments est produite dans les ateliers Ceretti & Tanfani. (DR, coll. Laurent Berne)

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Photomontage Ceretti & Tanfani associant une vue de la ligne avec le cliché de la cabine prototype. (DR, coll. Laurent Berne)


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La livraison d'un touret de câble par camions. (DR, Coll. Laurent Berne)


Malheureusement, la réalisation de la section La Para – Les Glaciers se heurte à l'environnement capricieux des terrains situés au delà de la forêt. D'importantes malfaçons sont également constatées sur les maçonneries des pylônes. Eugster et Vallot n'ont d'autre possibilité que de renégocier les délais de livraison avec la commune de Chamonix. Mais alors que l'on allait commencer la pose des câbles sur le premier tronçon et que l'on pensait pouvoir ouvrir celui-ci dans la foulée, la déclaration de guerre de l'Allemagne à la France stoppe net le chantier en août 1914. Dans une Europe aux prises à des conflits et à des bouleversements géopolitiques sans commune mesure, la construction du funiculaire aérien de l'Aiguille du Midi ne constitue désormais plus une priorité. Pour parachever ce noir tableau, Eugster, le principal investisseur, meurt ruiné le 1er février 1919, alors que l’engin auquel il a consacré 12 ans de sa vie n’a pas encore accueilli le moindre passager.

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Le chantier est laissé à l'abandon avec la guerre. Au pied de l'aiguille du Midi,
l'intégralité des maçonneries des pylônes la section des Glaciers est à reprendre. (DR, coll. Laurent Berne)


Mais à l’issue du conflit, Joseph Vallot croit plus que jamais à ce projet. C'est aussi le cas d'un certain Moutard, qui reprend le rôle d'administrateur jusque là tenu par Eugster. Il faut dire que désormais, Chamonix s’appelle Chamonix-Mont-Blanc, les palaces ont fleuri, les infrastructures se sont développées et le train à crémaillère du Montenvers conduit chaque année plus d'estivants aux abords de la Mer de Glace. Chamonix s'affirme maintenant comme un centre touristique internationalement réputé où le funiculaire aérien aurait, plus que jamais, toute sa place. La SA du Funiculaire Aérien de l'Aiguille du Midi – Mont-Blanc s'organise pour reprendre la construction du funiculaire aérien. Avec Léon Estivant et Émile Dollot, Joseph Vallot s’attelle à recapitaliser la société. Le 22 octobre 1921, celle-ci devient la Compagnie française des Chemins de Fer de Montagne (CCFM).

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Sur la terrasse du Majestic Palace, la longue vue permet aux curieux d'approcher des yeux la gare de la Para
qui attend dans la forêt l'achèvement de la ligne du chemin de fer aérien de l'Aiguille du Midi.(DR, coll. Laurent Berne)


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Titre d'action de 100 francs au porteur de la Compagnie française des Chemins de Fer de Montagne émis pour
la création de la compagnie le 28 octobre 1921 . On y note la signature de Joseph Vallot.
Cliquez ici ou sur le visuel pour consulter les statuts de la compagnie écrits au dos (coll. Laurent Berne)


Un événement sportif de premier plan va également contribuer à la reprise rapide du projet… Fort de sa renommée et de l’organisation de la Semaine internationale du Sport d'hiver par 4 fois depuis 1909, Chamonix, sous l’impulsion de son maire Jean Lavaivre, dépose en fin d'année la candidature officielle de la ville pour l’accueil des premiers Jeux olympiques d’hiver, prévus en 1924. Celle-ci est retenue en juin 1922 par le Comité Olympique Français. Le comité d'organisation demande alors la construction d'une grande patinoire, d'un tremplin de saut à ski mais également d’une piste de bobsleigh. Joseph Vallot et Jean Lavaivre entrevoient l’opportunité de promouvoir le funiculaire aérien de l’aiguille et impulsent la création de la piste de bobsleigh au niveau des pentes douces du hameau des Pélerins, avec une desserte par l'appareil. La candidature de Chamonix est officiellement approuvée en juin 1923 par le CIO et les travaux d’aménagement démarrent. Entre septembre et fin novembre, on réalise la construction d’une piste de bob en pierres au départ du pylône d’ancrage-tension intermédiaire situé au milieu de la première section du funiculaire aérien, avec une arrivée située au niveau de la gare aval.


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La piste olympique des Pélerins est réalisée avec le granite présent sur les lieux.
(DR, COF - Rapport officiel des jeux de la VIIIe olympiade - 1924)


Mais depuis le premier coup de pioche en 1909, les techniques du transport par câble de voyageurs ont évolué et l'on ose désormais installer des câbles plus tendus, s'appuyant sur un nombre moindre de pylône : tout le contraire du téléférique de l'Aiguille du Midi. Le constructeur Ceretti & Tanfani a d'ailleurs fait évoluer son système initial et préfère désormais se consacrer à de nouvelles commandes. Alors que l'italien a déjà fourni toute la partie mécanique, il laisse Dyle et Bacalan achever la construction de l'installation sous licence. Le chantier conserve également la direction de Maurice de Blonay, assisté d’André Rebuffel, qui quittent l'entreprise italienne pour poursuivre l’aventure chamoniarde.

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Plaquette Ceretti & Tanfani. (DR, coll. Laurent Berne)




La première « ligne téléférique pour voyageurs » de France

En composant avec l’existant basé sur un système de 1909, les deux ingénieurs s’attellent à apporter des optimisations. En premier lieu, ils se rendent compte que les « wagons suspendus » d’une capacité de 24 voyageurs prévus par Ceretti & Tanfani sont trop lourds et poseraient des problèmes au frein automatique dans les sections les plus pentues. Ils les abandonnent donc au profit de voitures de 18 places à trois plateformes, proche de la typologie à 16 places équipant le funiculaire aérien du Vigiljoch.

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Bien que déjà construite, la voiture de 24 voyageurs à 4 compartiments (en haut à droite) est abandonnée
au profit d'une voiture de 18 voyageurs à 3 compartiments, mieux adaptée aux freins automatiques.


Maurice de Blonay et André Rebuffel reprennent également le système de câble-guide déjà installé sur l'appareil de Lana. Comme au Tyrol, sur la ligne de l'aiguille du Midi, la largeur de voie n'est que de 4 mètres, ce qui laisse un passage de seulement 42 cm entre les voitures et la structure des pylônes. L'emploi du câble-guide permet ainsi de stabiliser les voitures en cas de vent et d’éviter tout choc contre les ouvrages de ligne. Ce câble repose en ligne sur des consoles hautes fixées sur les pylônes à hauteur des véhicules. Le câble est porté au niveau de chaque voiture par une poulie pouvant monter ou descendre sur une coulisse verticale fixée sur la caisse. Les ingénieurs ajoutent par ailleurs un amortisseur d’oscillations longitudinales à disque freiné et revoient la conception du chariot avec la mise en place de 2 séries de 4 galets de roulement en lieu et place des 2 séries de 2 pour une meilleure répartition des points d'appui de la voiture sur le câble porteur.

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Évolution du brevet initial Ceretti & Tanfani : version définitive du chariot et des voitures de l'aiguille du Midi. (DR, coll. Laurent Berne)


On s’affaire à la reprise des travaux dès 1922. Sur le premier tronçon, outre les travaux de réparation et de finition, il faut encore poser un câble tracteur de 30 millimètres, un contre-tracteur de 22 millimètres, un câble-frein de 32 millimètres, un câble guide de 16 millimètres, et surtout, les imposants câbles porteurs de 64 millimètres de type Herculès (c’est-à-dire avec un sens d'enroulement des brins du toron inverse de celui du toron dans le câble).

Confiante, la CCFM informe l'administration qu'elle commencera l'exploitation du funiculaire aérien dès le 10 août 1923. Malheureusement, la pose des câbles s'avère être une opération plus longue que prévue, tant et si bien qu'à la fin 1923, si les câbles tracteurs et câbles freins ont bien été installés sur l'intégralité du premier tronçon, seule la voie est des Pélerins au « pylône double » dispose d'un câble porteur. Qu'importe : l'essentiel est de pouvoir immortaliser le funiculaire aérien en fonctionnement durant les épreuves de bob des Jeux olympiques. On place donc la voiture no 2 sur sa voie et l’on règle les derniers problèmes électriques de démarrage du moteur. Mais alors que l’on s’apprête à mettre en service l’appareil le 23 décembre 1923, deux mètres de neige s’abattent sur la région, provocant de nombreuses avalanches, coupant les routes et le réseau électrique. Il faut attendre le 28 décembre pour que les premiers passagers montent enfin à bord de ce « chemin de fer de montagne ». Quelques semaines plus tard, durant les épreuves des Jeux, le public se presse pour voir les bobeurs, mais également pour découvrir cet engin.

Cependant, même si l'histoire retiendra une mise en service pour les Jeux d'hiver, dans la réalité, le funiculaire aérien ne fonctionne réellement que dans un but de promotion. C’est surtout la ligne de service, idéale pour remonter les équipements, qui est réellement utilisée durant les épreuves ; mais l’évènement que constitue la première cabine de téléférique de France sortant de sa gare reste immortalisé au travers de plusieurs clichés.


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La gare des Pélerins en pleine effervescence durant les épreuves de bob des Jeux olympiques d’hiver.
On remarque l'absence de câble porteur sur la voie de droite. (DR, coll. Laurent Berne)


À compter d'avril, on entreprend le tirage du câble porteur de la partie haute de la voie Ouest, et ceux de la voie Est, qui reste à équiper sur toute sa longueur. Cela permet d’inaugurer l’intégralité de la section Les Pélerins – La Para le 1er juillet 1924 et de faire enfin entrer la première « ligne téléférique pour voyageurs » de France dans la réalité. Il faudra encore trois années à Dyle et Bacalan pour achever la seconde section La Para - Les Glaciers, qui nécessite, en particulier, la reprise de toutes les malfaçons constatées sur les pylônes. Les câbles, produits par la Tréfilerie Câblerie de Bourg (en-Bresse) sont installés durant l'année 1926.

Le tronçon supérieur est finalement mis en exploitation le 11 juin 1927 puis inauguré en grande pompe le 7 août. Si l'on ne compte pas moins de 130 convives au déjeuner donné pour l'occasion au restaurant des Glaciers fraîchement ouvert, on déplore malheureusement un absent de taille : Joseph Vallot, décédé deux ans plus tôt.

Un chef d'exploitation, deux mécaniciens, deux aides-mécaniciens, un ajusteur, quatre conducteurs, une receveuse, et un graisseur-visiteur des poulies assurent désormais l'exploitation de la ligne au quotidien. Enfin, les voyageurs peuvent emprunter, non sans un certain émerveillement, été comme hiver, ce nouveau mode de transport original.


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La pose du câble porteur de la voie Est. (DR, coll. Laurent Berne)

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Documentation de présentation du téléphérique réalisée par Ceretti et Tanfani en 1925. (DR, coll. Laurent Berne)
Cliquez ici ou sur le visuel pour feuilleter l'ouvrage (N. B. : le chargement de l'ouvrage peut prendre plusieurs secondes).

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Couverture et dos du dépliant commercial édité pour l'ouverture en 1924. (DR, coll. Monchu)

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Plan de la ligne édité lors de la saison 1924. (DR, coll. Laurent Berne)




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Des Pélerins aux Glaciers
Auteur de ce reportage : lolo42
Section écrite le 29/04/2011 et mise à jour le 24/07/2017
(Mise en cache le 23/12/2018)

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Les Pélerins - La Para (1 059 - 1 690 m)

La station des Pélerins

La station de départ du funiculaire aérien de l’Aiguille du Midi est située dans le petit hameau des Pélerins, à quelque deux kilomètres du centre-ville de Chamonix-Mont-Blanc. La desserte régulière est assurée par un service d’autocar, partant du kiosque de la compagnie, avenue de la Gare, ou par les trains du PLM, descente à la halte de l'Aiguille-du-Midi. Le bâtiment est construit en un lieu pittoresque en lisière de la forêt à 1059 mètres d’altitude. Le visiteur franchit l’imposante double volée de l'escalier monumental en granite pour arriver face à la gare.

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Bienvenue à la gare des Pélerins, départ du funiculaire aérien de l'Aiguille du Midi. (DR, coll. Laurent Berne)


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Le corps avant héberge le guichet et l'espace d'attente ainsi que l'appartement du chef d'exploitation à l'étage.
La seconde partie, avec sa toiture inclinée, abrite les quais. (DR, coll. Laurent Berne)


On passe le porche pour arriver dans le hall d'accueil où se trouvent un guichet ainsi qu'un espace d'attente et un buffet-restaurant permettant de patienter confortablement en attendant le prochain départ (à raison de un toutes les 20 minutes). Le voyageur s’acquitte de son titre de transport et se voit remettre un dépliant lui présentant le trajet qu'il s'apprête à effectuer.

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Dépliant commercial 1929 remis par la compagnie en gare des Pélerins. (DR, coll. Laurent Berne)
Cliquez ici ou sur le visuel pour feuilleter le dépliant.


Le hall est séparé des quais de départ par un vaste local technique où l'on trouve les trois fosses des contrepoids destinés à la tension dynamique des câbles de la ligne aérienne. On y trouve deux contrepoids de 29,5 tonnes chacun pour les câbles porteurs et un autre de 3 tonnes pour le câble tracteur, agissant via une poulie montée sur un lorry mobile. Chaque contrepoids est maintenu en suspension via une chaîne Galle. Ce système est en plus sécurisé par 2 câbles pour chaque câble porteur. Le câble-frein est à tension fixe, mais celle-ci peut être ajustée si nécessaire par un treuil agissant sur la poulie de renvoi montée sur lorry.

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Schémas de principe de la tension des câbles. (DP)


L’embarquement est réalisé en hauteur, depuis deux volées d'escalier situées de part et d’autres des deux voies. Le voyageur est invité à gagner la voiture suspendue. La caisse se pare d'une élégante livrée rouge et dispose d’une cabine centrale fermée et vitrée pour la première classe, avec 6 places assises, ainsi que de deux plateformes aux extrémités, ouvertes aux vents, proposant chacune 3 places assises et 3 places debout. Dans le compartiment central, le raffinement est de mise : le sol est recouvert d'un revêtement linoléum et les sièges sont habillés de cuir clouté. Chaque plateforme dispose d'un éclairage électrique et un projecteur est fixé en toiture à l'extrémité. L'ensemble est alimenté par une batterie présente sous le plancher. Le cabinier procède à la fermeture des battants coulissants et donne le signal de départ avec une baguette métallique qui fait contact avec un câble de façon à déclencher une sonnette dans les gares.

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La voiture n°1 en gros plan. (DR, coll. Monchu)

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La voiture n°1 quittant la gare des Pélerins. (DR, coll. Laurent Berne)

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La voiture n°2 et la gare des Pélerins. (DR, coll. Laurent Berne)

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La voiture n°2 au départ des Pélerins. (DR, coll. Laurent Berne)

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Le demi-tronçon bas

La voiture quitte silencieusement la gare de départ pour un trajet aérien de 2 030 mètres en direction de la station de La Para avec une halte à mi-parcours. La vitesse commerciale maximale est de 2,5 mètres à la seconde (9 kilomètres par heure).

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Vue aérienne de la section Les Pélerins - La Para. (DR, coll. Laurent Berne)

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Profil en long du tracé entre Les Pélerins et La Para. (DR)


Durant plus d'un kilomètre, la voiture évolue dans une trouée au cœur des sapins de la forêt des Pélerins, sur une pente douce de 17 %. Le wagon aérien enchaîne confortablement le passage des pylônes de soutien. Peu après le quinzième ouvrage de ligne, la voiture descendante vient croiser celle montante.

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Passage du premier pylône. (H. Ferrand, bibliothèque de Grenoble, coll. Monchu)

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La partie basse du tracé évolue entre les sapins, au cœur de la forêt des Pélerins. (DR, coll. Laurent Berne)

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Le profil doux du terrain et le recul permettent au voyageur de profiter
d'une vue sur la majestueuse aiguille du Midi. (DR, coll. Laurent Berne)

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Une vue de la cabine 2 après 1933 : les voitures adoptent une livrée jaune clair. (DR, coll. Laurent Berne)

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Véhicule au passage du pylône n°15. (Meurisse, coll. Gallica-BNF)

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Le croisement des deux voitures, juste après le pylône n°15. (DR, coll. Laurent Berne)

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Les deux voitures dans la forêt des Pélerins, entre les pylônes n°15 et 16. (DR, coll. Laurent Berne)


La station d'ancrage-tension intermédiaire

Quelques mètres après la rencontre du deuxième véhicule, à 1 060 mètres du départ, la voiture arrive au niveau de la station intermédiaire dite d'ancrage-tension. Ce seizième ouvrage de soutien, un peu particulier, assure le passage des voitures d'un câble porteur à un autre. En effet, la longueur de la ligne, conjuguée au dimensionnement du câble, ont obligé Ceretti & Tanfani à prévoir deux demi-sections porteuses. Les deux câbles porteurs de la partie basse, tendus en station des Pélerins, sont ici ancrés à la structure du pylône, tandis que les deux câbles porteurs de la partie supérieure sont ancrés en station de La Para et tendu au niveau de cet ouvrage intermédiaire par deux contrepoids de 23,2 tonnes suspendus via une chaîne Galle. La transition entre les deux sections de câble porteur est réalisée par un pont-rail de roulement de 15 mètres qui assure transitoirement le portage des voitures. L'ouvrage est communément dénommé « le pylône double » par le personnel d'exploitation et les habitués de la ligne en raison de sa structure allongée reposant sur deux armatures en treillis verticales.

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Arrivée de la voiture 2 au niveau du pylône d'ancrage-tension intermédiaire. (DR, coll. Laurent Berne)

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Vues sur le pylône d'ancrage-tension. (Bourgain, La nature, coll. Monchu)

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Élévation d'un pylône d'ancrage-tension système Ceretti & Tanfani. (DR, coll. Laurent Berne)


Durant la saison d'hiver, la voiture marque ici un arrêt. Une estacade en bois, aménagée à hauteur de cabine, permet la descente des voyageurs désireux d'emprunter la piste olympique de bobsleigh. Les traîneaux-bobs sont, quant à eux, montés par la ligne aérienne de service parallèle.

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Arrêt de la cabine au pylône-double. (Auguste Couttet)


L'itinéraire, où s'est brillamment illustré l'équipage suisse durant les premiers Jeux olympiques d'hiver, demeure toujours aussi prisé. Il offre un parcours de 1 465 mètres sur 156 mètres de dénivelée, agrémenté de 19 virages profilés, relevés jusqu'à 4 mètres et d'un rayon minimum de 11 mètres. La piste restera en service jusqu'en 1950, où un accident faisant quatre morts signera sa fermeture définitive.

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Plan de la piste olympique de bobsleigh des Pélerins.
(COF - Rapport officiel des jeux de la VIIIe olympiade - 1924)

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Lors des compétitions, nombre de spectateurs se pressent sur les bords de la piste pour voir le passage des bobs. (DR, coll. Laurent Berne)

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Bob sur la piste olympique. (Meurisse, coll. Gallica-BNF)


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Hommage aux vainqueurs de la VIIIe Olympiade. (A. Matisse, coll. Monchu)


Le demi-tronçon haut

Le trajet de la voiture se poursuit en direction de la station de La Para. Tandis que le voyageur jouit d'une vue sur la cascade du Dard, le véhicule aborde, entre les pylônes n°17 et 18, la plus grande portée de la section (140 mètres). Il survole ici le nant de la Ravine Blanche, un passage au relief perturbé, où de nombreux éboulis sont présents au sol. L'endroit est connu pour être avalancheux, aussi, les deux pylônes bénéficient-ils d'une protection maçonnée en pierres granitiques. Pour autant, le pylône 18, pourtant rehaussé d'une imposante embase, ne résistera pas à la violence de l'avalanche qui se produira le 11 mars 1931. Le câble porteur, largement dimensionné, étant parfaitement apte à supporter le poids des wagons aériens entre les pylônes 17 et 19, l'ouvrage ne sera pas reconstruit, faisant passer la portée maximale de cette première section à 230 mètres. Le câble-guide ne sera quant à lui plus solidaire des cabines et fera office de simple glissière(à cet effet des guides se prolongeant sur la toiture et sous le plancher sont installés sur les véhicules).

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La voiture quitte le pylône d'ancrage-tension pour La Para. En approche du pylône n°17,
elle aborde l'avalancheux nant de la Ravine Blanche. (DR, coll. Laurent Berne)

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Traversée du nant de la Ravine Blanche. (DR, coll. Laurent Berne)

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Passage de la cabine n°2 au niveau du pylône n°18 avant l'avalanche de 1931. (DR, coll. Laurent Berne)

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Le pylône n°18, est rehaussé d'une imposante embase en pierres granitiques mais ne survivra pas à l'avalanche qui se
produira le 11 mars 1931. En contrebas, l'on distingue le pylône d'ancrage-tension et son estacade de débarquement,
et juste à sa droite, le quai aménagé sur la ligne de service pour le déchargement des bobs. (DR, coll. Laurent Berne)

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La grande portée du 230 mètres avec l'embase du pylône n°18 sans son ouvrage de ligne, après l'avalanche. (DR, coll. Laurent Berne)



La voiture s'élève désormais plus rapidement : la pente moyenne est de 50 % sur la seconde partie de la section. L'inclinaison du câble progresse de façon régulière jusqu'au pylône n°21, où elle se stabilise à 65 % sur les 510 derniers mètres de ligne, jusqu'à la gare amont.

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Au pylône n°21, la pente maximale atteint 65 %. (DR, coll. Laurent Berne)

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La ligne vue depuis La Para. (Meurisse, coll. Gallica-BNF)


La station de La Para

[size="2"]Au terme d'un trajet d'un peu plus de 14 minutes, le funiculaire aérien entre en station de La Para, à 1 690 mètres d'altitude. C'est dans ce bâtiment que se situe le moteur électrique de 75 ch animant cette première section téléférique.

Au contraire de la gare des Pélerins, qui, avec son architecture d'inspiration traditionnelle, cherche à s'intégrer dans son environnement, cette imposante bâtisse en granite affiche un style néogothique qui tranche résolument. Entre néoclassicisme austère et architecture médiévale, le bâtiment se lit comme une place forte désireuse d'affirmer la victoire de l'homme sur la montagne.
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La station de la Para, imposante forteresse d'inspiration néogothique dans la montagne. (DR, coll. Laurent Berne)


De la station, quelques sentiers aménagés sont propices à la promenade. L'un d'eux conduit au plateau du glacier des Bossons, où des guides proposent leurs services pour la traversée jusqu'à la montagne de la Côte. De là, le promeneur peut visiter une grotte percée dans la glace. Aux bienfaits sportifs de l'excursion pédestre, les plus paisibles des estivants préférerons les charmes de la terrasse panoramique de la buvette construite à proximité de la gare, en direction des gorges des Faverans. Depuis sa table, le client y bénéficie d'une vue agréable qui s'ouvre du dôme du Goûter jusqu'au Brévent, de l'autre côté de la vallée, et peut observer les allées et venues des voitures du funiculaire aérien.


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Le buffet-salon de thé de la Para. (DR, coll. Laurent Berne)

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La terrasse de la buvette offre une vue agréable sur la montagne et la station du funiculaire aérien. (DR, coll. Laurent Berne)




La Para - Les Glaciers (1 690 - 2 404 m)


La ligne de la deuxième section

Le voyage aérien se poursuit maintenant au travers d'une seconde section de téléférique qui relie la station de La Para à celle des Glaciers. Cette ligne fait appel au même brevet Ceretti & Tanfani que le premier tronçon. L'ensemble, également construit par Dyle et Bacalan sous la maîtrise d'œuvre des ingénieurs Maurice de Blonay et André Rebuffel, bénéficie des évolutions récentes de la technologie des transports téléfériques. Les câbles porteurs sont fortement tendus ce qui qui autorise des portées plus longues et limite l'usure des brins au niveau des sabots des pylônes au passage des voitures. Ce nouveau calcul de la tension permet de se passer du pylône n°2 mais également du pylône d'ancrage-tension intermédiaire, initialement prévus au projet. Pour chaque voie, la distance de 1 350 mètres entre les stations terminales est assurée par un câble porteur unique courant sur toute la longueur de ligne. Ainsi, toute la tension des câbles est regroupée en station de La Para. On y trouve un contrepoids de 3 tonnes pour le câble tracteur et deux contrepoids de 32,5 tonnes chacun pour les câbles porteurs (un poids revu à la hausse du fait de la tension plus importante adoptée au final). Les câbles qui équipent ce tronçon sont de diamètre similaire à ceux de la première section.

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Vue aérienne présentant le tracé de la section entre La Para et Les Glaciers. (DR, coll. Laurent Berne)

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Profil en long définitif de la ligne : on y remarque l'absence du pylône d'ancrage-tension intermédiaire. (DR, coll. Laurent Berne)


Le départ de ce second téléférique est situé dans la pente, dans le prolongement des quais de la section inférieure. Les deux volées d'escalier d'embarquement en granite, qui suivent l'inclinaison prononcée de la voie, permettent au voyageur de gagner l'une des deux cabines à quai. Les deux voitures qui équipent ce tronçon sont similaires à celles de la section précédente.

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Cabine du second tronçon, à quai, au départ de la Para. (DR, coll. Laurent Berne)


On ne retrouve pas, sur ce second téléférique, la progressivité ascensionnelle qui caractérise la ligne inférieure. La voiture entame directement la montée dans une pente de 72 %, une inclinaison forte qui reste constante sur toute la première moitié du trajet. Le voyageur est immédiatement plongé dans l'ambiance. Passé le premier pylône, implanté quelques dizaines de mètres après la gare de départ, la cabine entame le franchissement de la « grande portée » de 350 mètres, la plus importante des deux sections en fonctionnement, mais également la plus haute : elle assure des hauteurs de survol de près de 40 mètres et s'achève par le franchissement du plus haut pylône de l'installation, communément dénommé le « grand pylône », ou encore parfois, « le 33 », eu égard à sa hauteur de 33 mètres.

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La cabine dans la grande portée de 350 mètres. (DR, coll. Laurent Berne)

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Passage de la cabine n°3 sur le « grand pylône », plus haut ouvrage
de l'ensemble des téléfériques avec 33 mètres de hauteur. (DR, coll. Laurent Berne)

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L'inclinaison reste soutenue (72 %). (DR, coll. Laurent Berne)


Le téléférique enchaîne ensuite le passage de quatre pylônes rapprochés. Espacés de 10 mètres les uns des autres, ces ouvrages de soutien permette à la voiture d'assumer un léger fléchissement de déclivité. La ligne offre alors une vue plongeante sur les séracs du glacier des Bossons et passe à proximité de Pierre-Pointue (première étape vers l’ascension du mont Blanc depuis la vallée). La desserte de ce refuge, prévue avec le projet initial de funiculaires au sol, a finalement été abandonnée du fait de l'intérêt moindre présenté par un arrêt à ce point de la ligne. La cabine laisse définitivement derrière elle les dernières herbes folles pour l’environnement minéral de la haute-montagne. La pente décline encore légèrement au passage d'une nouvelle série de pylônes rapprochés pour se stabiliser autour de 50 % et laisser s'élargir la vue sur la majestueuse aiguille du Midi, qui s'impose désormais en toile de fond, face au voyageur. Une fois passé le 18e pylône, la cabine ralentit pour rentrer en gare des Glaciers, au terme d'un trajet de 9 minutes et 40 secondes.

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Enchaînement de plusieurs pylônes rapprochés. (DR, coll. Laurent Berne)

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Le téléférique passe à proximité du refuge de Pierre-Pointue. (DR, coll. Laurent Berne)

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Vue sur la vallée à proximité du croisement des cabines au niveau de Pierre-Pointue. On remarque
une estacade sur la ligne de service pour la desserte du refuge. (DR, coll. Laurent Berne)

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La ligne aérienne évolue désormais dans l’environnement minéral de la haute-montagne (DR, coll. Laurent Berne)

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Environnement de pierre et de métal. (Meurisse, coll. Gallica-BNF)

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La voiture aérienne et la vallée. (Meurisse, coll. Gallica-BNF)

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La ligne et le glacier des Pélerins. (Meurisse, coll. Gallica-BNF)

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Gros plan sur la cabine devant le terminus de la seconde section. (DR, coll. Laurent Berne)


La station des Glaciers

La gare des Glaciers est construite à 2 404 mètres d'altitude, sur la bande de terrain rocailleux située entre le glacier des Bossons et celui des Pélerins. Le bâtiment, en pierres de taille, reçoit en toiture une charpente métallique couverte de tôles. Eu égard à la difficulté qui s'est posée à Dyle et Bacalan pour acheminer les matériaux ici, au pied de l'aiguille, la station se veut avant tout fonctionnelle et ne se perd pas dans les fioritures architecturales : les lignes sont simples et s'autorisent simplement quelques ouvertures cintrées. Pour autant, comme à La Para, le style conserve un aspect massif, solide, qui cherche à exprimer la suprématie du téléférique sur la montagne. Le bâtiment abrite la machinerie du deuxième tronçon. Celui-ci dispose d'un moteur plus puissant, apte à délivrer 102 ch au démarrage, du fait de la plus grande dénivellation et du profil de pente convexe.

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Arrivée de la cabine à la station des Glaciers. (DR, coll. Laurent Berne)


Depuis la station, la vue sur les montagnes s'ouvre du mont Blanc aux Aiguilles Rouges. En portant son regard plus en bas, on profite d'un beau point de vue sur la vallée de l'Arve qui se prolonge en enfilade en direction de l'ouest. A quelques dizaines de mètres en direction de l'est, une table d'orientation située sur un promontoire à 2 459 mètres d'altitude permet au touriste de repérer les différents points géographiques. Au départ des Glaciers, les promeneurs trouverons plusieurs sentiers jalonnés qui rejoignent la ligne inférieure ou encore le plan de l'Aiguille. De ce point, l'on peut gagner Chamonix ou la gare supérieure du chemin de fer à crémaillère du Montenvers, aboutissant au niveau de la mer de Glace à 1 913 mètres d'altitude. L'on peut également s'aventurer un peu plus à l'ouest, en direction des Grands Mulets, pour se rapprocher du glacier des Bossons via un sentier aménagé. C'est de là que, au terme de leur montée en téléférique, les alpinistes expérimentés démarrent l'ascension du mont Blanc. 

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Implantée sur une bande à 2 404 mètres d'altitude, la station des Glaciers offre une belle vue en enfilade sur la vallée de l'Arve. (DR, coll. Laurent Berne)

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En direction de l'ouest, le dôme du Goûter se détache au dessus du glacier des Bossons. (DR, coll. Laurent Berne)


A côté de la station du téléférique, le voyageur peut prolonger le plaisir le temps d'un repas, d'un goûter, ou même d'une nuit, au chalet-hôtel des Glaciers. Cet établissement tout confort dispose d'une salle de restaurant et d'une terrasse panoramique avec vue imprenable sur le glacier des Bossons et le dôme du Goûter, et propose 13 chambres confortables.

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Le chalet-hôtel des Glaciers avec sa terrasse panoramique. (DR, coll. Laurent Berne)

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Repas sur la terrasse du restaurant des Glaciers. (Meurisse, coll. Gallica-BNF)

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Le bâtiment principal héberge 13 chambres avec chauffage électrique. (DR, coll. Laurent Berne)

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Guide Michelin 1939 (coll. J-M Malherbe)




Les machineries des téléfériques

Outre la variation de puissance des moteurs - respectivement 75 ch (66 kW) et 102 ch (75 kW) au maximum -, la configuration de la machinerie de La Para (première section) est analogue à celle des Glaciers (seconde section).
Chaque motrice est alimentée électriquement via une ligne triphasée à 2 500 V tirée depuis l'usine hydroélectrique de Chamonix. Un transformateur abaisse ensuite la tension à 250 V. Le courant est alors transformé par un commutateur alimentant le moteur en courant continu. Un rhéostat permet au machiniste de graduer l'énergie suivant l'effort à développer en fonction de la charge, de la vitesse et de la position des voitures.

Chaque machinerie dispose d'un moteur électrique principal pour l'exploitation commerciale, mais également d'un moteur thermique essence de 50 ch (45 ch utiles environ, du fait de l'altitude) destiné à parer une panne du moteur principal ou d'alimentation du réseau électrique. Chacun de ces moteurs est à même d'animer le câble tracteur ou, si nécessaire, en cas de soucis sur ce dernier, le câble-frein, pour assurer le rapatriement des voitures dans les stations (concept du sauvetage intégré).


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Schéma de principe d'une machinerie. (Laurent Berne)

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Vue générale en élévation et en plan de la machinerie. (DR, coll. Laurent Berne)

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Poulie motrice à tripe gorge. (Undertaker)


Le moteur thermique de secours est implanté à côté du moteur électrique. Il anime un arbre rapide spécifique au bout duquel un pignon vient engrener une roue dentée présente sur l'arbre intermédiaire du treuil principal.

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Plan schématique de la machinerie. (DR, coll. Laurent Berne)


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Plan de détail de la machinerie. (DR, coll. Laurent Berne)


C'est également sur l'arbre intermédiaire que se situe le freinage. Il est réalisé au travers de deux freins de friction montés sur deux volants d'inertie. En fonctionnement normal, seul le premier, commandé manuellement par le machiniste via un jeu de tringles, est utilisé. Le second est un frein automatique d'urgence.

Dans le cas où une quelconque casse d'un organe rendrait la transmission du freinage à la poulie motrice impossible, un troisième frein est présent directement au niveau de cette dernière, actionnable depuis la cabine de pilotage.

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Coupe de la machinerie. (DR, coll. Laurent Berne)


Le passage sur l'entraînement du câble-frein est, pour sa part, réalisé de façon automatique par le bais d'un astucieux dispositif. En temps normal, nous l'avons vu, le câble-frein reste fixe mais peut être rendu solidaire du chariot des voitures par le biais de mâchoires (déclenchées automatiquement en cas de casse du câble tracteur ou par le cabinier lui-même). Lors qu'une telle situation se produit, par son poids, la voiture exerce une tension sur ce dit câble-frein qui vient animer sa poulie motrice en station amont. En tournant, celle-ci vient abaisser un taquet présent au niveau de l'embrayage du pignon fou, ce qui a pour effet de rendre ce dernier solidaire de l'arbre vertical. Le câble-frein est alors contrôlé par la machinerie et peut être freiné automatiquement ou mis en mouvement pour assurer le rapatriement les voitures dans les gares.

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L'arbre vertical anime la poulie motrice triple gorge du câble tracteur via un pignon.
Il se prolonge d'un embrayage qui agit sur un pignon fou en contact avec une roue
dentée qui vient animer la poulie motrice triple gorge du câble-frein pour assurer un
rapatriement des voitures en cas de problème sur câble tracteur. (L. Berne)

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Au bas de l'arbre vertical, les pignons coniques assurant la déviation
de la transmission à 90° . (Undertaker)

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Le poste de conduite de La Para. P : le poste de conduite et son volant ;
A : l'ampèremètre ; V : le voltmètre ; E : l'indicateur de position des voitures ;
F : la manette du frein à main d'urgence ; M : le moteur thermique ;
CT-CF : les câbles longeant le local. (DR, coll. Monchu)

 
A l'heure du ski alpin
Auteur de ce reportage : lolo42
Section écrite le 11/05/2011 et mise à jour le 24/07/2017
(Mise en cache le 23/12/2018)

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En plus du fonctionnement estival, la compagnie mise également dès le début sur une exploitation hivernale pour tenter d'assurer la rentabilité de l'installation. Avec l'ouverture du second tronçon, les bobeurs sont rejoints l'hiver par les premiers skieurs qui viennent dévaler les « champs de neige » des Glaciers entre la gare supérieure et la Para. Pour promouvoir cette activité, on organise d'ailleurs dès l'année 1927 une première « course de descente à ski ». Depuis l'arrivée du tronçon sommital, on peut également réaliser la « descente excursion » de 7 kilomètres qui rejoint le plan des Aiguilles puis Blaitière et aboutit directement au centre de Chamonix.

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Le téléférique en exploitation hivernale. (DR, coll. Monchu/Laurent Berne)

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Neige et stalactites en approche de La Para. (coll. Monchu/Laurent Berne)

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Arrivée aux Glaciers. (coll. Monchu/Laurent Berne)

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Les prémices du ski alpin aux Glaciers sur les pentes du téléphérique à la fin des années 1920. (DR, coll. Denis Cardoso)

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La « descente excursion » de 7 kilomètres qui rejoint le plan des Aiguilles puis Blaitière. (DR, coll. Laurent Berne)


La CCFM instaure les premières cartes d'abonnements qui permettent aux clients hivernaux de bénéficier d'un accès illimité au téléférique le temps d'une journée, d'un week-end, voir même de dix jours consécutifs. Malheureusement, la fréquentation hivernale de Chamonix reste résiduelle et la pratique du ski alpin n'est pas suffisamment démocratisée. Malgré les réclames, trop en avance sur son temps, la compagnie ne réalise pas de bénéfices.

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Réclame présentant les activités pour la saison hivernale 1930-1931. (DR, coll. Monchu)



Pour ne rien arranger, l'équipement est désormais concurrencé sur ses propres terres par les téléfériques du Brévent, construits par Dyle et Bacalan sous la maîtrise d'œuvre d'André Rebuffel. Inauguré le 7 septembre 1930, le deuxième tronçon de cette chaîne de deux appareils aboutit au sommet de l'aplomb rocheux, à 2503 mètres d'altitude, aux termes d'une impressionnante traversée de 1 320 mètres dans le vide sans aucun pylône ! Le Brévent offre un panorama splendide sur toute la chaîne du Mont Blanc et ravit au passage à la ligne de l'aiguille du Midi son titre de plus haut téléférique de France. En l'absence du tronçon sommital du col du Midi, l'intérêt de l'excursion à la gare des Glaciers, à 2 400 mètres d'altitude demeure, quant à elle, moindre. La fréquentation de la ligne de l'aiguille du Midi reste insuffisante.

En plus de cela, la conception de l'appareil, en particulier au niveau de la section basse, s'appuie sur des techniques dépassées et entraîne des coûts d'exploitation importants : le passage des véhicules sur les nombreux pylônes use rapidement les câbles porteurs inutilement surdimensionnés. Dès 1926, il faut déjà remplacer deux d'entre eux sur premier tronçon. Deux câbles de diamètre légèrement moins conséquent (60 mm contre 64) sont commandés à la Câblerie Stein à Danjoutin, non loin de Belfort. En 1932, on doit encore remplacer un autre câble porteur donnant à son tour des signes de faiblesse...

Déficitaire, la CCFM fait finalement faillite en 1932. L'exploitation est transitoirement poursuivie par Dyle et Bacalan, principal créditeur, en attendant la vente de la compagnie au plus offrant. René Poussin est chargé par le constructeur de négocier les termes d'une reprise. C'est une des ses connaissances, Henri Durteste, capitaine d'artillerie à la retraite, qui se porte finalement acquéreur de la société en 1933 avec quelques associés, parmi lesquels l'actionnaire historique Léon Estivant et René Poussin lui-même. Les cabines abandonnent pour l’occasion leur couleur pourpre originelle au profit d’une livrée jaune clair plus dynamique.

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Avec le changement d'exploitant, les cabines reçoivent une nouvelle livrée jaune clair. (DR, coll. Laurent Berne)


La mécanisation de la montagne pour le ski fait son chemin. Outre l'exploitation hivernale précoce du téléférique de l'Aiguille du Midi, on note ça et là les initiatives de quelques pionniers qui avaient également pris conscience, depuis déjà plusieurs saisons, du potentiel des sports de glisse et entamaient la construction d'appareils artisanaux légers permettant de remonter la pente, comme par exemple Robert Winterhalder qui installait dès 1908, à la pension de Schollach à Eisenbach (Allemagne), un remonte-pente pour lugeurs et skieurs, ou encore, Eugène Masson, qui entreprenait dès la fin des années 1920 la réalisation d'un appareil motorisé sur pentes enneigées de la Jasserie, au Mont-Pilat. En 1934, Adolf Bleichert & Co livre à Bolgenhang, près de Davos, un premier téléski à enrouleurs suivant les plans du Suisse Ernst Constam : le remonte-pente entre dans la logique de production industrielle. Partout en montagne, des équipements sont installés, des pistes sont tracées : la pratique du ski de descente se développe. Près de Chamonix, la famille Viard fait construire à Megève en 1933 le téléférique de Rochebrune. Réalisé par l'Allemand Heckel, il est le premier téléférique spécialement pensé pour le ski de descente. Dans la vallée même, le téléférique de Bellevue, construit par Adolf Bleichert & Co aux Houches, ouvre à destination des skieurs en 1936. La municipalité chamoniarde lance un vaste plan d'aménagement destiné à combler le retard pris par la commune au fur et à mesure des années : la vallée s'équipe en remonte-pentes, des pistes sont tracées. Les sports d'hiver se popularisent enfin et le téléférique de l'Aiguille du Midi profite logiquement de cet essor et aménage son domaine.

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Comme le montre ce plan de 1938, la vallée s'équipe pour la pratique du ski alpin. (DR, coll. Laurent Berne)


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La cabine dans le second tronçon, vue depuis la gare des Glaciers. (DR, coll. Laurent Berne)


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Arrivée en gare des Glaciers au cœur de l'hiver. (DR, coll. Laurent Berne)


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L'hôtel-restaurant des Glaciers profite également de cet essor et ouvre durant tout l'hiver en même temps que le téléphérique. (DR, coll. Laurent Berne)


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Fléchage des pistes au départ des Glaciers. (DR, coll. Laurent Berne)


En 1935, le sommaire chemin en pente douce au départ du pylône double est amélioré et reçoit le nom de piste Jacques Balmat, les cabines sont équipées sur l'avant de la caisse de porte-skis et la piste des Glaciers reçoit un vrai balisage. Cette dernière, inaugurée par une course le 27 décembre, accueille d'ailleurs dès février 1936 l'épreuve de slalom des Championnats de France, qui voit la victoire d'Émile Allais. Mais c'est l'année suivante, à l'occasion de l'organisation des Jeux mondiaux de ski (les Championnats du Monde) que l’espace skiable de l'aiguille du Midi, qui doit recevoir les épreuves reines de descente, parachève son développement : durant l'été 1936, une trouée de 50 à 100 mètres de large est réalisée dans la forêt pour relier La Para à la piste Jacques Balmat.

Depuis la gare des Glaciers, le parcours tout entier offre désormais 1 400 mètres de dénivellation ! Un record que n'hésitent pas à vanter les publicités que s'offre l'exploitant dans la presse nationale et que relève, avec le sourire, Georges Blanchon, secrétaire général de la Fédération française de ski, lors d'une interview pour Match l'Intran, quelque temps avant l'épreuve de descente hommes des Championnats du Monde prévue le 13 février : « Vous savez que le maximum autorisé par la Fédération internationale de ski est de 1 000 mètres. Aussi, c'est bien la première fois qu'une station a été obligée de raccourcir ses descentes, et le départ ne sera donc donné que (...) de Pierre-Pointue ». Il estime par ailleurs que cette nouvelle piste est techniquement « aussi difficile que celle de Garmisch, mais bien plus large et dégagée ».

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Saison 1935-1936, descente sur la piste des Glaciers nouvellement aménagée. (DR, coll. Laurent Berne)

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Saison 1936-1937, depuis le Brévent, on peut voir la piste de La Para tracée dans la forêt des Pélerins. (DR, coll. Monchu)


On se pose bien quelques questions sur l'acheminement des concurrents et des organisateurs par le téléférique de l'aiguille du Midi ainsi que sur l'accès du public sur un endroit « très rocheux, coupé de forêts et de ravins », mais on demeure confiant. Malheureusement, l'état de la piste sur la portion La Para - Les Pélerins, défrichée à la hâte, conduit à la dernière minute les organisateurs à se replier sur le domaine des Houches où la qualité du sol nécessite un enneigement bien moindre. La piste Rouge de Bellevue, qui avait déjà servi aux championnats de France, recoit l’épreuve et voit la victoire du Français Émile Allais qui rejoint la légende en réalisant le triplé descente - slalom - combiné. Le téléférique de l'Aiguille du Midi a raté de peu ce moment de gloire. La piste de La Para, « si défectueuse » durant la saison 1937, est améliorée dès l'été suivant.

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Chamonix accueille les Jeux Mondiaux en 1937 et la piste de La Para est réalisée pour accueillir les
épreuves de descente... qui se déroulerons finalement aux Houches. (Chas Bore, coll. David Levine)


Les pistes, désormais reliées et pensées pour tous les niveaux, permettent de dégager des bénéfices. Il faut dire que l'offre est désormais bien étudiée. Les débutants peuvent progresser sans danger sur le relief doux du bas de la forêt des Pélerins entre 1 240 et 1 055 mètres d'altitude. Ils descendent à l'estacade du pylône-double, rebaptisé pour l'occasion arrêt Jacques Balmat, et empruntent un tracé au milieu des sapins, vers l'ouest, en direction du torrent de la Creuse. La piste tourne ensuite vers le nord et sort de la forêt pour longer les chalets du hameau des Pélerins, où quelques buvettes permettent de faire une pause méritée, puis s'achève par un chemin qui longe la piste de bob en direction de la gare de départ du funiculaire aérien. Les skieurs de niveau intermédiaire descendent pour leur part en station de La Para et prennent le départ de la piste du même nom, tracée entre 1 690 et 1 200 mètres d'altitude. Même si la première pente est prononcée, le tracé n'est pas piégeur et la qualité de l'enneigement, sur un sol désormais amélioré, reste assez constante. L'itinéraire serpente entre la ligne téléférique et le torrent de la Creuse pour gagner le haut de la piste pour débutants Jacques Balmat au niveau de la clairière.

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Tracé des pistes du téléférique de l'Aiguille du Midi : Les Glaciers (experts), La Para (intermédiaires),
la Jacques Balmat (débutants) et la piste du plan des Aiguilles. (DR, coll. Monchu)


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Reproduction d'un « abonnement pour la journée » de la CFFM. (Repr. Laurent Berne)


L'offre alpine au pied de l'aiguille du Midi est par ailleurs complétée à la saison 1948/1949 par le téléski à enrouleurs du Cry. Implanté dans la vallée à proximité du centre-ville, cet appareil évolue sur la partie nord des Grands Bois et dessert une piste assez facile offrant 200 mètres de dénivelée.

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Le prospectus de l'office de tourisme 1948 présente les équipements de la vallée et le nouveau
téléski du Cry, « près du départ du téléférique de l'Aiguille du Midi ». (DR, coll. Monchu)


Mais la piste la plus courue par les skieurs expérimentés reste incontestablement celle du tronçon sommital des Glaciers. Elle propose plusieurs variantes entre le torrent des Favrants et la ligne supérieure du téléférique. L'orientation plein nord lui assure une belle qualité d'enneigement. L'itinéraire est relativement court mais très technique : il enchaîne des schuss rapides, des passages rétrécis et des contre pentes. « De l'avis des connaisseurs, elle est la meilleure de la région » écrit le directeur de la compagnie en 1935. Cette technicité lui vaut de recevoir en 1948, l'épreuve reine de la descente homme de l'Arlberg-Kandahar. Le téléférique de l'Aiguille du Midi tient la sa revanche sur le camouflet des Championnats du Monde de 1937. Cerise sur le gâteau : la course voit la brillante victoire de l'enfant du pays, James Couttet, qui achève de donner à la piste des Glaciers sa réputation légendaire.

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Ski sous le téléférique. ((c)Tairraz, coll. Laurent Berne)

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La poudreuse de la piste des Glaciers et le téléférique. ((c)Tairraz, coll. Laurent Berne)

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La couverture de l'illustration d'août 1941 montre la variante ouest de la
piste des Glaciers évoluant le long de la ligne du téléférique. (DR, coll. Laurent Berne)

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Les champs de neige des Glaciers et la vue hivernale sur la vallée. (DR, coll. Monchu)

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Raoul Doucet réalise une affiche pour promouvoir l'activité hivernale
du téléférique. (Repr PLM, R. Doucet, coll. Laurent Berne)


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Gaston Gorde réalise l'affiche du Kandahar 1948. (G. Gorde, coll. Monchu)




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Objectif : Col du Midi
Auteur de ce reportage : lolo42
Section écrite le 11/05/2011 et mise à jour le 24/07/2017
(Mise en cache le 23/12/2018)

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La suprématie Bleichert

Le 5 juillet 1926, soit un an avant l'entrée en service du second tronçon chamoniard, la firme allemande Adolf Bleichert & Co donne naissance à ce qui reste très certainement la plus admirable réalisation téléportée au monde de la décennie 1920 : le téléférique de la Zugsptize. En une unique section de pas moins de 3 360 mètres, soutenue par uniquement 6 pylônes métalliques, deux cabines modernes à plancher plat transportent chacune 20 passagers de la campagne tyrolienne de Ehrwald jusqu’à l’antécime de la Zugsptize à 2 805 mètres d'altitude. L'appareil franchit 1 580 mètres de dénivelée avec des portées conséquentes, dont la plus importante mesure 1 123 mètres de longueur. Le téléférique de la Zugspitze est l’appareil de tous les superlatifs ; il cumule tous les records mondiaux : plus longue ligne au monde, plus grande dénivellation, plus longue portée, et plus haute gare amont ! À Chamonix, les affiches et dépliants jouent sur le fait que la ligne prévoit d'atteindre le point culminant à 3 842 mètres pour présenter le téléférique de l'Aiguille du Midi comme le plus haut du monde, seulement dans les faits, avec son terminus à 2 404 mètres, il ne l'est pas, et de loin. Alors que de grands téléfériques démonstratifs voient le jour un peu partout en Europe, les sommets de l'aiguille du Midi, vierges de toute installation, défient toujours le téléférique qui cherche à les atteindre. Le doute n'est plus permis : la survie de la ligne exige la construction du tronçon supérieur.

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Trompeusement, les affiches du PLM jouent sur le fait que le téléférique prévoit d'atteindre
l'aiguille du Midi pour le présenter comme le plus haut du monde. (repr. Dormoy/PLM, coll. Laurent Berne)


En rachetant le téléférique en 1933, Henri Durteste a d'ailleurs bien impacté ce fait. Le groupe qu'il constitue pour se porter acquéreur compte quelques connaissances parmi lesquelles Marius Brossé, ingénieur aux Chantiers de la Loire, Henri de Peufeilhoux, ancien pilote de chasse, ou encore Léon Billard, entrepreneur de travaux publics. La réunion de tous ces ingénieurs et techniciens spécialisés n'a qu'un unique but : regrouper un maximum de compétences techniques pour entamer sous les meilleurs auspices qui soient la construction du troisième tronçon. Les nouveaux repreneurs entament une recapitalisation de la CCFM qui devient en 1936 la CFFM : Compagnie Française des Funiculaires de Montagne. Eu égard au prestige de la future installation, la compagnie négocie l'obtention d'aides de l'État, du Département et de la Commune. Elle obtient en 1937 l'assurance d'un financement public du projet à hauteur de 2 millions de Francs, mais il reste encore à mettre en place une forme juridique de type société mixte qui pourrait permettre aux fonds d'être débloqués.

Henri Durteste a déjà pris contact, pour la construction du troisième tronçon, avec Adolf Bleichert & Co, devenu leader du marché dès le milieu des années 1920. L'entreprise allemande a su trouver en Luis Zuegg le partenaire idéal pour promouvoir le téléférique de voyageurs en reprenant sur ses installations les innovations initiées par l'ingénieur. Forte de ses dizaines d'années d'expérience dans le transport par câble, elle a par ailleurs développé une standardisation de ses produits qui garantit des temps de construction raccourcis et des coûts contenus. Ainsi, Adolf Bleichert & Co réalise, dans toute l'Europe, plus de téléportés à elle seule que tous les autres constructeurs réunis. Certaines de ses installations, comme le Predigtstuhlbahn (à Bad Reichenhall en Bavière), le téléférique de Montserrat (en Catalogne) ou celui du Port de Barcelone seront toujours en service dans leur configuration d'origine 80 ans plus tard!

Dès 1934, le constructeur allemand procède à un premier repérage du futur tronçon. En 1936, il dresse le tracé du téléférique : la station de départ sera située à 50 mètres à l'ouest de la gare actuelle des Glaciers et la station d'arrivée implantée à 3 600 mètres, sur le gendarme dit « du col du Midi » qui domine le glacier rond, offrant un accès direct à la vallée blanche (N. B. : le véritable col du Midi est en fait situé à 600 mètres au sud de l'arrivée à 3 532 mètres d'altitude). Ainsi esquissée, la liaison de 2 040 mètres peut être réalisée avec un unique pylône situé à mi-parcours, à 3 064 mètres d'altitude, sur un éperon rocheux. En parallèle, pour la construction de la ligne de service, la CFFM retient la société de l'Omnium Lyonnais de Chemins de Fer et Tramways (qui a réalisé de nombreuse lignes de tram françaises et des lignes du métro de Paris) ainsi qu'André Rebuffel, comme ingénieur conseil. Les travaux peuvent commencer.


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Vue d'ensemble du chantier du téléférique du col du Midi. (DR, coll. Laurent Berne)

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Profil en long du tracé : deux portées entre 2 400 et 3 600 mètres et un pylône à 3 140 mètres sur l'arête. (DR)

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Vue sur la gare des Glaciers depuis l'arête du pylône. (Donation Roger Parry, Ministère de la culture)



Les héros du ciel à l’assaut du col du Midi

Il est prévu d'atteindre le Col du Midi via deux sections de ligne de service : une première des Glaciers à l'arête et une seconde de l'arête au gendarme du col du Midi avec un entraînement situé au niveau des Glaciers pour l'une comme pour l'autre des sections. On profite ainsi de l'électricité déjà présente sur site et de l'acheminement facile par les téléfériques existants. Tandis que L'Omnium Lyonnais entame la construction de la machinerie juste au dessus de la gare d'arrivée des Glaciers, les guides chamoniards André Clérico et Henri Farini sont recrutés pour le tirage des câbles. La ligne Les Glaciers - L'arête est inaugurée sous une pluie battante le 21 août 1938 par Jean Zay, ministre de l'Éducation nationale et des Beaux-Arts. Des charges de 250 kg peuvent désormais être montées facilement jusqu'à l'arête.

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Les ouvriers travaillent sur l'arête destinée à accueillir le pylône. (DR, coll. Laurent Berne)

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Inauguration de la ligne de service de l'arête, le 21 août 1938, sous une pluie battante. Tandis qu'André Rebuffel
regarde en direction du treuil, un grand drapeau tricolore flotte au niveau de la benne. (DR, coll. Laurent Berne)

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Départ aux Glaciers. (Donation Roger Parry, Ministère de la culture)

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Arrivée de la benne à l'arête. (Donation Roger Parry, Ministère de la culture)

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La benne de la ligne de service arrivée inclinée à l'arête, sur son câble de 8 mm à l'arrivée.
(DR, coll. J-M Malherbe)


Alors que le chantier du col du Midi connait sa première victoire, Henri Durteste décède en décembre 1938. Henri de Peufeilhoux lui succède au poste de directeur de la CFFM dans un climat géopolitique préoccupant : en Allemagne, Adolf Hitler affirme ses ambitions expansionnistes, appuyé par l'Italie mussolinienne avec qui il conclut le pacte d'acier. Le 3 septembre 1939, la France et le Royaume-Uni entrent officiellement en guerre contre les forces de l'Axe. Mais les travaux de la ligne de service n'en sont pas délaissés pour autant. Même si le conflit armé impose la suspension des subventions, le col du Midi constitue un point haut stratégique relativement proche de la ligne marquant la frontière avec l'Italie. Ainsi, le chantier se poursuit ; mieux, la CFFM reçoit l'aide de l'armée : une vingtaine de chasseurs alpins viennent se joindre aux ouvriers pour accélérer l'avancement à 3 600 mètres d'altitude.

Mais contrairement à l'arête, que des hommes entraînés peuvent rejoindre en quelques heures depuis la station des Glaciers, le demi-tronçon supérieur est très difficile d'accès et traverse, au niveau du glacier Rond, des couloirs très exposés. Les hommes s'y rendent donc par la vallée Blanche en remontant par la mer de Glace, depuis la gare terminale du train du Montenvers. Cette solution impose cependant un trajet sur deux jours avec une nuit au refuge du Requin. Seulement, les premiers travaux nécessitent de monter 1 200 kg de poulies, câbles et autres ancrages alors qu'un homme peut raisonnablement porter 30 kg... Henri de Peufeilhoux, ancien aviateur, décide de recourir aux services de son collègue Firmin Guiron, qui dirige la société Mont-Blanc Aviation, pour faire livrer par les airs les premiers matériels nécessaires. Pour la première fois au monde, il est ainsi fait appel à l'avion pour la construction d'une remontée mécanique. Firmin Guiron largue au dessus de la vallée Blanche 25 colis en trois passages.

Au sol, André Clérico et Henri Farini sont désormais aidés par Laurent Creton et François Wenger. Les hommes réceptionnent les colis et les regroupent au col du Midi pour ensuite procéder aux premiers travaux d'ancrage au niveau du gendarme et entamer la descente du câble jusqu'à l'arête, plus d'un kilomètre en contrebas. Le jour, ils travaillent sans relâche dans cet environnement hostile et instable de glace et de pierres, le soir, ils n'ont comme seul confort qu'une soupe chaude et leurs igloos de fortune qu'ils se sont aménagés au col du Midi.

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Des igloos au col du Midi. (DR, coll. Laurent Berne)


Clérico et Wenger poursuivent la descente du câble de 4 mm jusqu'au pied de l'arête, au niveau de la paroi verticale de la langue inférieure du glacier Rond, très exposée. Des chutes de pierres blessent malheureusement les deux guides et François Wenger a l'avant-bras profondément incisé. Il doit être conduit en urgence à la station des Glaciers par ses collègues qui remontent ensuite dans la journée jusqu'au niveau de l'arête pour continuer l'opération de tirage. Celle-ci permet l'installation d'un câble porteur de 8 mm sur le demi-tronçon sommital. Malheureusement, quelques jours plus tard, ce dit câble est balancé par de violentes bourrasques et vient s'accrocher latéralement à la roche. Les températures chutent et la neige arrive déjà : le chantier doit être arrêté ; le câble restera ainsi tout l'hiver.

Juin 1940 : la France capitule face à l'Allemagne. Mais sous le gouvernement de Vichy, la Délégation Générale à l'Équipement National (DGEN) établit un plan pour promouvoir un rattrapage industriel et technologique du pays qui permet au téléférique du col du Midi de conserver la bienveillance des autorités durant l'occupation. Au niveau de l'arête, les ouvriers s'affairent à l'installation de poulies de support destinées à accueillir le futur câble tracteur de la ligne de service conduisant jusqu'au gendarme du col du Midi. Le 1er septembre, la ligne de service du col du Midi est enfin opérationnelle. Elle est officiellement réceptionnée huit jours plus tard par l'ingénieur en chef des Ponts et Chaussées d'Annecy. Les hommes abandonnent, sereins et fiers, le chantier pour l'hiver.

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La ligne de service est opérationnelle au col du Midi. (DR, coll. Laurent Berne)


Au retour sur le chantier aux premiers beaux jours de 1941, c'est la stupéfaction et la déception : le câble de 8 mm est coupé et enfoui sous des épaisseurs conséquentes de manteau blanc. Tout est à refaire. Durant plusieurs jours, une équipe s'affaire à dégager le câble parfois recouvert jusqu'à 20 mètres de neige. Il faut reconstruire des igloos au col du Midi pour les nuits et travailler à nouveau sur cette partie sommitale toujours aussi exposée. Le 17 septembre le câble est enfin dégagé. Il faudra encore 10 jours de plus pour rétablir la liaison de la ligne de service supérieure. Il reste cependant nécessaire d'établir une ligne supportant plus de charge pour commencer les travaux du téléférique commercial et tirer un câble de plus gros diamètre. C'est chose faite à l'automne 1941. La ligne dispose alors de deux câbles (un de 12 mm et un de 8 mm) d'un seul tenant des Glaciers au col du Midi assurant la traction côté brin montant et le soutien côté brin descendant. Elle conserve cependant un fonctionnement en deux demi-tronçons avec un changement de benne au niveau de l'arête.

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La benne de service avec les câbles de 12 et 8 mm. (DR, coll. J-M Malherbe)


Cette performance, reprise par les journaux de l'époque, n'aurait jamais pu être menée à bien sans le courage de cette équipe téméraire conduite par l'ingénieur Georges Reussner, qui compte dans ses rangs des champions aussi prestigieux qu'Émile Allais, Fernand Tournier ou James Couttet. Des quatre guides de la première heure, seuls restent Clérico et Farini. Cretton s'est estropié et Wenger s'est tué sur la ligne de service reliant La Para aux Glaciers. D'autres hommes ont également laissé la vie dans cette aventure : le jeune Borgarelli, qui s'est tué à proximité de l'Arête, mais aussi Alfred Simond, guide, chasseur de haute-montagne, mort, seul dans son igloo, par une froide nuit d'hiver au début 1940. Le col du Midi est désormais vaincu, l'aventure se poursuit, mais la victoire laisse un goût amer !

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Émile Allais sur le chantier. (DR, coll. Laurent Berne) - À l’assaut du col du Midi(DR, coll. Monchu)


Pour entamer la construction de l'appareil définitif, la CFFM doit désormais recruter. C'est ainsi, que des Français de confession juive ou encore de nombreux réfractaires rejoignent le chantier du col du Midi. À 3 600 mètres d'altitude, loin de l'administration de Vichy, ils trouvent là une certaine protection. À l'été 1942, pour améliorer un minimum les conditions de travail, les ouvriers entament la construction d'un hébergement de 12 places au sommet du gendarme. Le bâtiment est baptisé refuge Simond en hommage à Alfred Simond, mort au col du Midi. Entre temps, le câble de 8 mm de la ligne de service qui se rompt brutalement est rapidement remplacé par un câble de 12 mm. Dès septembre, on obtient ainsi deux câbles parallèles de 12 mm autorisant une charge de 400 kg.

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L'acheminement du matériel au col et le refuge Simond, face à l'aiguille du Midi. (DR, coll. Monchu)


Cette ligne nouvellement mise en service connaît cependant un tragique accident le 20 septembre, quelques jours à peine après sa mise en service. Alors qu'Henri de Peufeilhoux se tient debout sur la benne de service de la section Glaciers - Arête, l'entraînement est brutalement stoppé ; le président de la CFFM est projeté dans le vide et meurt sur le coup. Cet arrêt brutal a également emmêlé les câbles et oblige à stopper le chantier d'altitude jusqu'à la belle saison 1943. Un double coup dur pour le col du Midi, qui n'empêche pas, pour autant, la construction du téléférique définitif de débuter. À cet effet la ligne de service est une dernière fois revue en 1945 par René Simond, qui reprend la direction du chantier. On tire un nouveau câble porteur de 28 mm tout en conservant un 12 mm pour la traction des bennes. En haut, au col du Midi, on installe un pylône de support qui dévie la câblerie et permet de l'ancrer non plus directement sur le gendarme sommital mais au niveau d'une solide embase déportée sur l'arrière. L'ensemble permet désormais de transporter des charges de 800 kg.

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La gare de départ de la ligne de service définitive. (DR, coll. J-M Malherbe)

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La benne de service dans sa configuration avec un câble porteur de 28 mm. (DR, coll. J-M Malherbe)

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La ligne de la section arête - col du Midi . (Donation Roger Parry, Ministère de la culture / DR, coll. Laurent Berne)

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La gare d'arrivée de la ligne de service définitive au col du Midi. On distingue sur l'avant du rocher,
le renvoi encore présent de la ligne précédente.(Louis Conte, coll. Thibault Astier-Conte, Glaciers-climat.fr)



Le téléférique triple-monocâble de Marius Brossé


La société Adolf Bleichert & Co, qui était pressentie pour la ligne commerciale du troisième tronçon, est désormais intégrée au système de production militaire allemand et ne produit plus de téléfériques de voyageurs. Au début de l'année 1940, c'est Marius Brossé, actionnaire de la CFFM et ingénieur qui reprend la main sur le projet. Tout en conservant le tracé déjà établi avec son pylône intermédiaire, il remet à plat toute la solution technique esquissée par le constructeur d'outre-Rhin et imagine pour le col du Midi une configuration sur mesure inédite : un téléférique tripe-monocâble.

À 3 600 mètres d'altitude, dans l'environnement hostile de la haute-montagne, l'un des problèmes principaux qui se posent au transport par câble est le givrage. Marius Brossé imagine donc de supprimer toute infrastructure porteuse fixe au profit d'une configuration monocâble (c'est à dire avec des câbles assurant à la fois la traction et le support des véhicules) s'articulant autour d'une nappe horizontale de trois câbles de 31 mm de diamètre en boucle fermée. Lorsque les câbles sont mûs, ils passent au travers de racloirs situés en entrée des deux stations, permettant ainsi de se débarrasser du givre. La nappe assurera le transport de deux cabines de 30 places qui évolueront classiquement en va et vient à la vitesse maximale de 6,5 m/s, chacune sur leur voie. Elles seront fixées aux câbles par le bais d'attaches fixes sans aucun roulement.

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Le téléférique du col du Midi vu par Roger Soubie, en couverture
de Science et Vie d'avril 1944 (Roger Soubie, coll. Laurent Berne)


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La station aval des Glaciers

Le dessin de la gare aval est confié à André Rebuffel, qui imagine une structure aérienne en béton armé, brute et élancée, qui pointe en direction du sommet. Le style se rapproche de l'architecture moderniste très en vogue des années 1930. Les lignes géométriques tranchent résolument avec le caractère imposant des gares en pierres de taille des tronçons inférieurs. Pas d'enveloppe extérieure, pas de forme travaillée, juste des matériaux à nu ; le dessin priorise avant tout le fonctionnel. Le message est clair : le style cherche à aller au plus direct, tout comme le téléférique qui entrera ici en fonction dans quelques temps. La construction de la structure est réalisée de 1942 à 1945.

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La construction de la gare aval est réalisée entre 1942 et 1945. (Donation Roger Parry, Ministère de la culture)

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La structure béton de style moderniste de la future gare aval. (DR, coll. Laurent Berne)


Marius Brossé a imaginé pour cette gare une configuration de type motrice-tension originale : le plan incliné à 45° doit recevoir un chariot roulant au niveau duquel seront situées les poulies de renvoi motrices. Par son poids porté sur l'arrière, ce chariot roulant fera office de contrepoids : il circulera librement sur une voie de roulement à quatre rails courant sur toute la longueur du plan incliné en béton de façon à maintenir dynamiquement une tension correcte des câbles. En cas de givre sur la ligne, le poids supplémentaire des câbles glacés entraînera le chariot vers l'avant, déclenchant une alarme à destination du conducteur qui pourra alors actionner une marche lente (0,2 m/s).

Ce chariot contrepoids sera surmonté d'une cabine qui renfermera sur l’arrière tout l'entraînement. L'appareil sera mû par un moteur électrique principal développant 220 ch à 1470 t/min. En sortie de celui-ci, deux freins d'arrêt seront implantés sur l'arbre transversal : un manuel et un automatique. L'avant de cette cabine s'aérera de vastes espaces vitrés : c'est ici que sera aménagé le poste de commande du téléférique.

En cas de défaillance du groupe moteur principal, le moteur électrique auxiliaire assurera le rapatriement des cabines à vitesse réduite. Si les véhicules venaient à être immobilisés hors des stations, deux nacelles de secours viendront à leur rencontre entraînée par un câble dédié. Chacune de ces nacelles sera équipée de deux portillons autorisant facilement le transbordement des passagers d'une cabine commerciale au véhicule de secours ainsi que le débarquement à la station aval ou au pylône intermédiaire.

La cabine d'entraînement-contrepoids en métal est montée en pièces détachées par les tronçons de service inférieurs et assemblée sur la structure béton durant l'été 1945.

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Le gare aval du téléférique du Col du Midi avec sa cabine entraînement-contrepoids-poste de conduite. (coll. Monchu)


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La grande ouverture au bas des baies du poste de conduite est destinée au passage de la nappe tricâble
et la petite à celui de la ligne auxiliaire. (Ph. J-L Tafforeau, éditions AO)



Le pylône de l'arête

En parallèle, l'arête a été minée entre 1942 et 1943 en vu de dégager un socle suffisamment vaste et solide pour accueillir le pylône. Implanté à 3 060 mètres d'altitude, l'ouvrage domine de façon impressionnante le glacier des Bossons. Dessiné par André Rebuffel, il possède une hauteur de 10 mètres pour une largeur de voie de 7,5 mètres, avec une structure centrale en treillis de 2,5 mètres sur 2,5. Sa conception est novatrice : sur les téléfériques construits jusqu'alors, on cherchait à conserver un minimum la verticalité des soutiens ; ici le pylône plonge littéralement dans le vide avec une inclinaison à 55% en direction des Glaciers, proche de la perpendiculaire de la ligne du futur téléférique. André Rebuffel optimise ainsi la transmission des différentes forces exercées sur la structure et la roche de l'arête.

La construction de l'ouvrage s'entame durant l'été 1943. Une fois l'arête renforcée par le coulage d'un socle en béton de 20 m², les différents éléments sont montés au fur et à mesure par la benne de service. La structure est achevée au printemps 1944.

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Chantier de la construction du pylône en 1943. (Donation Roger Parry, Ministère de la culture)

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Les travaux s'activent sur l'arête. (Donation Roger Parry, Ministère de la culture)

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Tranches de vie sur l'arête. (Donation Roger Parry, Ministère de la culture)

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Tranches de vie sur l'arête. (Donation Roger Parry, Ministère de la culture)

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En 1944 son arête à 3 060 mètres d'altitude, l'unique pylône du téléférique domine le glacier des Bossons. (DR, coll. Laurent Berne)


Pour limiter les effets du givre, Marius Brossé a prévu un système original laissant de côté le système traditionnel de soutien avec de multiples galets au profit d'un nombre limité de grandes poulies. Ainsi, chaque câble de la nappe reposera uniquement sur deux poulies d'approximativement 2 mètres de diamètre. Chaque voie sera surmontée de glissières entre lesquelles passera le guide situé au sommet de la suspente des cabines de façon à assurer un parfait alignement vertical au niveau des ouvrages de ligne. Le câble tracteur du téléférique de secours sera, pour sa part, soutenu sur chaque voie par deux galets classiques.

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La nappe tricâble sera soutenue par deux séries de grosses poulies de 2 mètres de diamètre. (Laurent Berne)



La station du col du Midi

À 3 600 mètres d'altitude, la gare amont sera implantée en porte-à-faux du rocher granitique, le gendarme en lui-même n'offrant en effet qu'une faible surface constructible. On y bâtit simplement en 1945 une plateforme de 5 m² qui se prolongera d'une structure métallique ; les quais où accosteront les cabines seront ainsi littéralement situés au dessus du vide. Alors que la gare aval est conçue sans habillage conséquent, les conditions météorologiques extrêmes obligent ici à prévoir une enveloppe extérieure. Celle-ci sera réalisée en aluminium et isolée de laine de verre. Les dimensions des embrasures seront limitées au maximum.

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Une vue laissant entrevoir le massif en béton coulé pour l’arrimage des quai. (DR, coll. Laurent Berne)


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Installation d'une grue en G2 et d'une ligne horizontale pour la construction du refuge des Cosmiques. (DR, coll. J-M Malherbe)


Salutaire ou chimérique ?

Le chantier du téléférique du col du Midi nourrit un autre projet dans le giron de la station amont : la construction du laboratoire des Cosmiques. Dans les années 1940, l'unique moyen d'étudier le noyau atomique est de monter le plus haut possible en altitude de façon à maximiser les chances de capturer les pluies de particules primaires de grande énergie. Ainsi, sous l'impulsion de Paul Chasson, Louis Leprince-Ringuet, professeur à Polytechnique, décide de profiter de l'accès facilité au col par le téléférique et lance en 1942 la construction d'un laboratoire d'études à 3 600 mètres d'altitude. Une ligne électrique de 15 000 V est créée le long de la ligne du col du Midi, servant également à l'alimentation de la gare amont.

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Installation d'une ligne électrique à 3 600 m. (Donation Roger Parry, Ministère de la culture)


Au sommet du gendarme, on installe un téléférique de service horizontal de 300 mètres, qui assure la liaison avec l'emplacement où est établi le laboratoire pour faciliter l'acheminement du matériel. Après 4 années de travaux, le laboratoire des Cosmiques est inauguré le 31 aout 1946. Les expériences qui y seront menées permettront en particulier la découverte d'une nouvelle particule primaire : le Kaon. Après l'arrêt des recherches en 1955, le laboratoire est confié aux glaciologues de Grenoble, puis partiellement ouvert au public comme refuge.

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Plans des aménagements au col : y sont repérés la ligne électrique et le téléférique des Cosmiques. (DR, coll. J-M Malherbe)

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Les ouvriers sur le téléphérique de service entre le Col du Midi et le laboratoire des Cosmiques. (DR, coll. J-M Malherbe)

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Louis Leprince-Ringuet au balcon du laboratoire des Cosmiques. (DR, coll. J-M Malherbe)


Au col du Midi, l'activité est réduite du fait des combats contre l'occupant qui s'organisent dans la vallée. Beaucoup d'ouvriers, réfractaires au STO, participent activement à la libération de Chamonix en août 1944. Mais de l'autre côté du massif, l'armée allemande occupe encore Courmayeur. En limite entre la France et l'Italie, la vallée Blanche et le glacier du Géant sont le théâtre de combats d'altitude. Il faut dire que ces endroits se révèlent facile d'accès par le téléférique de service du col du Midi d'un côté, et sur l'autre versant, par le téléférique du mont Fréty mis en service en 1942 en vue de relier le refuge frontalier Torino. Ces installations prennent alors un intérêt stratégique tout particulier et sont la cible d'échanges nourris d'obus. Guidés par l'avion de Firmin Guiron, les deux canons de 75 du 93e régiment d'artillerie de montagne, acheminés depuis les Pélerins par le téléférique, toucheront finalement leur but le 9 avril 1945 en atteignant le pylône du téléférique du mont Fréty. L'installation étant désormais hors-service les Allemands se replient. La résistance italienne et la fin du conflit chasseront ensuite définitivement l'occupant de la vallée de Courmayeur.

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Troupes alpines sur la ligne de service, au départ des Pélerins. (col. Laurent Demouzon - memoire-des-alpins.com)

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Canon de 75 au col du Midi. (col. L. Demouzon - memoire-des-alpins.com) / James Couttet au refuge Torino en 1944. (Émile Allais, col. Laurent Berne)


À la CFFM, depuis la mort d'Henri de Peufeilhoux, c'est Stéphane Pighetti di Rivassa qui assure la présidence. À l'issue du conflit, il procède à une augmentation de capital de la compagnie de 1 à 7 millions de Francs et négocie un prêt de 6 Millions de Francs. L'ensemble doit permettre de financer la poursuite de la construction du téléférique du col du Midi mise en veille ces deux dernières années. Dans l'optique de monter les lourds éléments constitutifs de l'appareil commercial (ainsi que de faciliter la construction du laboratoire des Cosmiques) on installe sur la ligne de service, jusque là constituée d'un simple porteur-tracteur de 12 mm, un câble porteur de 25 mm, permettant le transport de charges d'une tonne. La CFFM garde bon espoir de pouvoir ouvrir l'appareil pour 1947.

Mais au delà de la construction du tronçon sommital, se pose désormais la question du devenir des deux sections inférieures courant des Pélerins aux Glaciers, construites selon une technologie de 1909 et qui offrent un débit maximal théorique dérisoire de 72 personnes/heure. Compte tenu du caractère vétuste et de la situation déportée de ces premières installations, André Rebuffel propose en 1945 d'établir un nouveau tracé depuis le centre de Chamonix. Un premier tronçon conduirait jusqu'au plan de l'Aiguille et se prolongerait d'un téléférique horizontal jusqu'à la gare des Glaciers au départ du téléférique du col du Midi. Stéphane Pighetti est conquis par l'idée.

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Le tracé Chamonix-Plan de l'Aiguille- Les Glaciers proposé par André Rebuffel en 1945. (DR, coll. Laurent Berne)


Entre temps, Marius Brossé, l'ingénieur des Chantiers de la Loire, père du téléférique en construction, meurt prématurément. En 1947, Marcel Auvert nouvellement nommé directeur de la CFFM, reprend en main le suivi technique du chantier. Sa confiance quant à la viabilité du projet du col du Midi se heurte rapidement aux choix techniques originaux adoptés par son concepteur.

Marcel Auvert dresse sur l'installation en cours de réalisation un inventaire précis des plus accablants. Le câble peut dérailler relativement facilement du fait du balancement des cabines par le vent et de l'impossibilité de l’asseoir dans des gorges suffisamment profondes au niveau des grandes poulies du pylône. Par ailleurs, en l'absence de câble porteur, le passage des véhicules au niveau du pylône va provoquer un brusque changement de tension et donc une perte d'adhérence au niveau de la poulie motrice. Pour compenser cela, Marius Brossé avait prévu de projeter du sable au niveau de la poulie, mais au final, Marius Brossé démontre que cette solution userait les câbles prématurément. De plus, les attaches fixes des cabines sont également susceptibles d'être rapidement mises à mal par l'effort induit par le brusque changement de pente au passage du pylône.

D'un point de vue structurel, le constat n'est pas meilleur. L'ancrage du pylône sur cette frêle arête est problématique. Le gel infiltré dans la roche fragilise, un peu plus chaque saison, la solidité de l'ensemble. Déjà, durant l'été 1947, il a fallu consolider à la hâte les fondations en coulant des m3 de béton supplémentaires. Le problème se répète au niveau de la gare amont. Il aurait été préférable d'araser la roche plutôt que de bâtir sur de l'existant relativement fragile.
Au final, Marcel Auvert établit que la solution Adolf Bleichert & Co, plus classique mais éprouvée, eut été largement préférable et tout aussi adaptée face au givre : rien n'empêchait en effet d'installer des racloirs sur le chariot des cabines pour enlever la glace sur le câble porteur.

Convaincu de l'absence de pérennité du téléférique du col du Midi, l'ingénieur imagine d'autres voies d'accès. À partir du tracé Chamonix - Plan de l'Aiguille d'André Rebuffel (désormais acté par la CFFM et la commune de Chamonix) il imagine une section supérieure qui ne desservirait non plus la gare des Glaciers, mais directement les sommets à proximité de l'aiguille du Midi. Il esquisse ainsi plusieurs lignes possibles aboutissant sur les antécimes de l'aiguille et commande de nouveaux plans topographiques précis pour affiner les tracés. Il constate alors au terme de calculs hyperboliques qu'un trajet direct et sans pylône, depuis le plan de l'Aiguille jusqu'au piton nord de l'aiguille du Midi, est possible. Ce tracé audacieux, que l'on nomme encore secrètement Cbis, conceptualise sur papier la ligne de l'appareil à venir.



La fin d'un rêve, le début d'une réalité


De l'autre côté de la frontière, le comte italien Dino Lora Totino a déjà développé plusieurs projets d'envergure. Le promoteur a tout d'abord initié la construction de la station de ski de Breuil-Cervinia dans les années 1930, au pied du Cervin ; il projette maintenant la construction d'un tunnel routier sous le mont Blanc, reliant la vallée de Courmayeur à celle de Chamonix ; mais surtout, il vient d'inaugurer en 1947, sur le versant italien du massif, les téléfériques du Monte Bianco. Au départ de la Palud à 1 370 mètres, un premier tronçon, celui-là même endommagé par les Français durant les combats de 1945, conduit les touristes au mont Fréty à 2 173 mètres d'altitude, d'où part une seconde section de 2 440 mètres, sans aucun pylône, qui aboutit au refuge Torino perché à 3 335 mètres, à proximité du col du Géant. Cette installation exceptionnelle, conçue par l'ingénieur Vittorio Zignoli, se veut être le pendant italien du téléférique de l'Aiguille du Midi. La différence est que l'installation de Courmayeur est une réalité, alors que celle de Chamonix est encore une fiction.

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L'arrivée au refuge Torino (3 335 mètres) du téléphérique du monte Bianco, côté Courmayeur. Conçu par Vittorio Zignoli
pour Dino Lora Totino, l'installation, pendant italien du téléférique du col du Midi, ouvre au public en 1947. (DR, coll. Laurent Berne)


Côté Français, Stéphane Pighetti et Philippe-Edmond Desailloud, secrétaire général de la CFFM et conseiller général du canton de Chamonix, prennent pleinement conscience que le mieux est désormais de faire table rase du passé ; mais, pour autant, la CFFM est financièrement fragile et parvient tout juste à maintenir en exploitation ses deux tronçons de ligne des Pélerins aux Glaciers. Les deux hommes nouent contact avec Dino Lora Totino et lui exposent leur idée de nouveau tracé avec les différentes déclinaisons projetées par Marcel Auvert, dont la fameuse liaison Cbis. L'Italien a, de toute évidence, les reins assez solides pour assumer le nouveau projet de l'aiguille du Midi et dispose au travers de son bureau d'études de toutes les compétences techniques pour réaliser les nouveaux appareils. L'homme se montre particulièrement intéressé par cette liaison du plan de l'Aiguille au piton Nord et décide de prendre part à l'aventure. Sous l'égide de Vittorio Zignoli, la liaison Cbis sera reprise et développée sous le nom de « direttissima ».

Au final, le chantier du téléférique du Col du Midi, déjà arrêté depuis 1 an, est abandonné définitivement en 1948. Le 1er mars 1950, la CFFM cède ses actifs à la toute nouvelle Compagnie des Téléfériques de la Vallée Blanche (CTVB) créée par Dino Laura Totino pour construire et exploiter les futurs appareils.

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Le plan d'aménagement du massif de 1954 présente les téléfériques italiens du refuge Torino,
la future nouvelle ligne « direttissima » en phase d'achèvement vers l'aiguille, le projet de
téléphérique de la vallée Blanche ainsi que du tunnel du mont Blanc, et un projet de téléphérique
vers la dent du Géant, et le projet abandonné de téléphérique du dôme du Goûter. Pour la
première fois, l'ancien appareil est nommé « téléphérique des Glaciers ». (DR, coll. Monchu)


Pour le différencier de son successeur, l'antique appareil de l'Aiguille du Midi est désormais communément dénommé « téléphérique des Glaciers », du nom de sa gare terminus figée définitivement à 2 404 mètres d'altitude, au pied d'une aiguille qu'elle n'aura jamais pu atteindre. L'appareil conserve cependant son intérêt en hiver pour le ski alpin ; aussi, avant d'être reprise par la CTVB, la CFFM tente quelques vaines rénovations pour le maintenir en exploitation.

En 1948, on procède tout d'abord à des opérations de « décorticage » des câbles porteurs. Fatigués, les brins extérieurs des câbles cassent régulièrement et s'enroulent autour de l'âme principale en formant une dangereuse surépaisseur : on enlève donc toute la couche usée. Les câbles étaient tellement surdimensionnés à l'origine que l'on conserve sans problème un coefficient de sécurité permettant la poursuite de l'exploitation.

En 1949, le constructeur turinois Agudio est chargé du remplacement des cabines et des chariots du second tronçon. Du fait d'un profil de ligne convexe entre La Para et Les Glaciers, le poids imposant de ces « wagons suspendus » mettait de plus en plus à mal l'entraînement vieillissant de cette section déjà exploitée depuis 1946 à vitesse réduite. La CFFM n'a cependant pas les moyens d'installer du matériel neuf. On rachète donc les cabines du téléférique Heckel de Rochebrune à Megève et on les dote d'un chariot réalisé sur mesure par le constructeur italien.

L'ensemble est nettement plus léger mais la faible hauteur de la suspente et la caisse à toiture horizontale des nouveaux véhicules obligent à cantonner les passagers sur l'arrière pour éviter que la cabine ne touche les têtes de pylônes. La capacité s'en trouve ainsi limitée à douze passagers. Par ailleurs, le câble-guide est désolidarisé des cabines, mais comme l'installation conserve une voie étroite de 4 mètres, celui-ci est tout de même laissé en place pour éviter de cogner les pylônes : les véhicules s'appuient désormais simplement contre ce câble, s’en servant de glissière. Cette configuration est d’ailleurs déjà en place sur la section des Pélerins à La Para depuis les années 1930 et donne satisfaction ; mais ce tronçon reste relativement abrité dans la forêt (et les cabines de cette section avaient tout de même été équipées de guides verticaux sous le plancher et sur le toit pour assurer le repositionnement du câble). Sur le deuxième tronçon, avec une ligne exposée au vent, la cabine se balance plus fréquemment. Le câble-guide peut passer sous le plancher et est ainsi susceptible de la soulever alors qu'il reprend de la hauteur à l'approche d'un pylône. Le risque de déraillement étant important, on décide d’attacher les deux brins du câble à intervalles réguliers de façon à le déplacer au centre des deux voies en milieu de portées.


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Le tronçon La Para - Les Glaciers reçoit en 1949 les cabines du téléférique Heckel
de Rochebrune à Megève avec un nouveau chariot plus léger. (Ph. J-L Tafforeau, éditions AO)


En dépit de ces réparations de fortune, le téléférique des Glaciers conserve intrinsèquement son caractère obsolète et son avenir passe forcément par une réhabilitation en profondeur. Seulement, la nouvelle ligne de l'aiguille du Midi est désormais prioritaire, et, bien qu'esquissée, la rénovation n'aura jamais lieu. Le 8 avril 1951 le préfet de Haute-Savoie interdit son exploitation publique. Selon les plans de Vittorio Zignoli, la CTVB, désormais propriétaire de l'installation, décide alors de tronçonner un pylône sur deux pour récupérer un maximum de ferraillage pour la construction du futur appareil de l'aiguille. Il faut dire que les ouvrages de ligne étaient si rapprochés que, même privés de la moitié d'entre eux, les vieux téléfériques restent parfaitement fonctionnels comme ligne de service. Ainsi, durant 5 ans, ces doyens et le tronçon sommital du col participent activement à la construction de l'appareil destiné à les supplanter et hissent quotidiennement hommes et pièces jusqu'à 3 600 mètres d'altitude.

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Les cabines du premier tronçon sont enlevées pour faciliter l'acheminement
quotidien d'hommes et matériaux pour le chantier du nouveau téléférique. (DR, coll. Laurent Berne)


Ces installations sont ensuite utilisées ponctuellement jusqu'en 1958, pour l'entretien des lignes à haute tension qui montent en direction du col du Midi. À l'issue de cette ultime mission, l'appareil est définitivement arrêté. Si il n'a jamais pu atteindre le sommet de l'aiguille du midi, il aura cependant su ouvrir la voie à son nouveau téléphérique, inauguré le 21 août 1955, qui se prolongera en 1957 du téléphérique pulsé de la vallée Blanche, mettant en liaison l'aiguille et les téléphériques italiens du Monte Bianco au travers d'un survol glaciaire exceptionnel de 5 kilomètres.

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Le nouveau téléphérique de l'Aiguille du Midi entre en service le 21 août 1955. (DR, coll. Laurent Berne)



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Que sont les téléfériques devenus
Auteur de ce reportage : lolo42
Section écrite le 11/05/2011 et mise à jour le 18/04/2021
(Mise en cache le 18/04/2021)

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Là-haut sur la montagne

Plus d'un siècle après le premier coup de pioche, que reste-t-il aujourd'hui de cette ligne historique de l'aiguille du Midi ? Pas mal de choses à vrai dire. Là-haut sur la montagne, les solides gares en pierres de taille sont toujours là, semblant attendre paisiblement le retour des clients qui ont pourtant disparu depuis déjà 60 ans. Initialement, cette conservation tenait avant tout au fait que la ligne sert à alimenter en électricité les installations du nouveau téléphérique et, bien entendu, au coût élevé qu'aurait constitué la lourde opération de déconstruction de ces édifices massifs. Sans doute aussi, au fil du temps, alors que la mémoire des hommes qui ont participé à cette aventure disparaissait peu à peu, cette friche touristique s'est-t-elle finalement imposée comme un patrimoine historique de la vallée.

Un sentier balisé permet de partir à la rencontre de ces vestiges empreints d'un certain mystère. Le départ classique de cette randonnée historique s'opère au niveau de la plateforme du tunnel du Mont-Blanc, à quelque 1 270 mètres d'altitude. On peut également choisir d'entamer l’ascension depuis le hameau des Pélerins, en passant par la pittoresque cascade du Dard, mais, les vestiges de la ligne demeurent pour la plupart perdus en forêt, peu pratiques d'accès. Cette partie basse a, de plus, subi les affres d'une urbanisation galopante, mais également de l'avalanche du 16 mai 1983, qui emporta le pylône d'ancrage-tension intermédiaire.

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Situation de l'ensemble de la ligne sur une carte IGN. (IGN/Géoportail)

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Vue rapprochée sur le sentier de la randonnée historique. (IGN/Géoportail)

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Un pylône du premier tronçon perdu dans la forêt des Pélerins. (Undertaker)


Au départ du parking à proximité du tunnel, il faut compter 5 heures de marche pour réaliser l'aller-retour à la gare des Glaciers (rajouter 1 heure 45 pour un départ depuis la vallée même). C'est un parcours plutôt long, mais sans difficultés, bien entretenu et très bien fléché. Bien entendu, la randonnée est à réaliser avec toute la précaution qui s'impose face à ces vieilles installations : les planchers sont fragilisés, les pylônes supportent une ligne électrique de 15 000 V et les gares abritent des transformateurs. Il est par ailleurs regrettable de constater que les bâtiments et les cabines ont été vandalisés par des tags et autres dégradations volontaires (heureusement contenues). Face à ce doyen de pierres et de métal, la meilleure des conduites à tenir est celle de la retenue : le site appelle simplement à se laisser imprégner de sa riche histoire passée.

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Attention danger ! L'électricité et les structures fragilisées doivent appeler à la prudence. (Undertaker)

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Dernière partie du tracé du premier tronçon au dessus du tunnel du Mont-Blanc. (Undertaker)


La Para

Le sentier quitte rapidement le brouhaha de la circulation routière du tunnel pour s'immerger dans le calme de la forêt des Pélerins. À l'ombre rafraîchissante des sapins, seuls les oiseaux et le grondement émanant du torrent de la Creusaz se laissent désormais entendre. Le sentier monte en lacets de façon prononcée le long des gorges. Après 420 mètres de dénivelée et 45 minutes de marche, soudainement, au détour du chemin, la gare de La Para fait face au promeneur au cœur d'une clairière baignée de soleil.

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Arrivée sur la gare de La Para. (L. Berne)

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Un château-fort perdu dans la forêt. (Undertaker)

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La façade nord, côté premier tronçon. (Undertaker)

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Vue sur l'arrivée du premier tronçon. (L. Berne)


Le sentier aboutit au niveau des quais du deuxième tronçon, où la vue s'ouvre sur l'intérieur du bâtiment. Le gros œuvre de cet édifice demeure visuellement en bon état, mais à l'intérieur cependant, le clos-couvert n'est, par endroits, plus étanche. De plus, certaines structures en bois vermoulues et la présence de l'électricité appellent le visiteur à la plus grande des prudences. La vieille cabine Heckel de 1934, rachetée en 1949 à la compagnie du téléphérique de Rochebrune à Megève lors de l'ultime tentative de rénovation d'Agudio, est toujours en place le long de la volée d'escalier de la voie ouest, semblant attendre un prochain départ. Le chariot déraillé et le câble tracteur sectionné ne laissent cependant aucun doute quant au fait que l'installation est belle et bien définitivement hors-service. Les couleurs de la cabine sont passées, mais l'on distingue encore le liseré bleu qui ressortait jadis sur le haut de la caisse. Celui-ci laisse toujours transparaître l'inscription « Rochebrune » qui trahit l'origine du véhicule. Comme témoin majeur des cabines de téléphérique de seconde génération, plus légères, en aluminium, ce véhicule est désormais classé monument historique depuis le le 28 juillet 1992.

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Les quais du départ du second tronçon. (Undertaker)

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Le départ du deuxième tronçon La Para - Les Glaciers et sa cabine à quai. (L. Berne)

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Une cabine typique des premiers téléphérique de voyageurs Heckel des
années 1920/1930. Une pièce historique classée à préserver. (L. Berne)

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L'inscription « Rochebrune » au dessus des portes, trahit son origine. (Undertaker)


Le site est étagé sur plusieurs niveaux qui communiquent entre eux par des escaliers. Un peu plus bas, les quais de l'arrivée de la première section plongent en direction de la vallée mais demeurent dépouillés de tout véhicule. Qu'a donc pu devenir cette « voiture aérienne», pièce historique du premier téléphérique de voyageurs français ?

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Escalier de communication entre les deux tronçons. (Undertaker)

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Les quais du premier tronçon sont vierges de toute cabine. (L. Berne)

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Réclame d'époque sur les murs des quais de l'arrivée du premier tronçon. (Undertaker)

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Le poste de conduite du premier tronçon. (Undertaker)


En arrière des quais du second tronçon, à l'intérieur de l'avancée à pans coupés, les contrepoids des câbles de la section supérieure et leur chaîne Galle de suspension sont toujours présents.

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Chaînes Galle et contrepoids du deuxième tronçon. (Undertaker)


Plus a droite, on aperçoit le local de la machinerie de la première section Les moteurs et le réducteur ne sont plus là, mais les autres éléments constitutifs de l'entraînement (arbres, poulies...) sont toujours en place.

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La poulie motrice du premier tronçon. Les gorges sont habillées de cuir pour l'adhérence. (Undertaker)

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Sur l'arbre rapide, le réducteur et les moteurs ne sont plus là. (Undertaker)


Granite et métal

La balade se poursuit maintenant en direction de la gare des Glaciers, 720 mètres plus haut. Après que l'on ait grimpé quelques centaines de mètres dans la végétation, le paysage abandonne la forêt des Pélerins au profit d'un environnement minéral qui s'anime des ouvrages métalliques de support du second tronçon. Au contraire du sentier qui conduit à la Para, le circuit serpente directement sous la ligne et laisse tout loisir d'observer ces pylônes quasi centenaires. La moitié d'entre eux ayant été tronçonnée pour servir à la construction du nouveau téléphérique, seule leur solide embase en pierres de taille granitique atteste encore de leur présence passée. Sur cette partie du parcours, la vue est largement ouverte sur les sommets des alentours et la vallée de l'Arve.

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Le « grand pylône » de 33 mètres. (Undertaker)

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Les pylônes rapprochés destinés à assumer un changement de pente. (Undertaker)

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La vue sur la vallée se dégage. (Undertaker)

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Pylône tronçonné à la construction de l'actuel téléphérique pour la récupération du métal. (Undertaker)


Vers le milieu de la ligne, à 2 038 mètres d'altitude, le sentier rencontre les ruines de Pierre-Pointue. Ce chalet en pierres bâti vers 1840 constituait jadis, aux heures glorieuses des pionniers de l'alpinisme, la première étape de l'ascension du mont Blanc. C'est ici que s'arrêtait la montée en mulets. L'endroit n'a cependant pas survécu à la mécanisation de la montagne et, le temps a ensuite fait son œuvre. Le site offre un point de vue intéressant sur la vallée et la chaîne des aiguilles de Chamonix, tandis qu'à l'ouest, le glacier des Bossons et ses impressionnants séracs déploient toute leur grandeur.

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Un pylône de ligne près de Pierre-Pointue. (Undertaker)

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Les ruines de Pierre-Pointue. (Undertaker)

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Vue sur le glacier des Bossons et le dôme du Goûter. (Undertaker)


L’ascension se poursuit le long de la ligne. Au niveau de l'aiguillette de la Tour, vers 2 250 mètres d'altitude, le profil de pente s'assagit légèrement et permet de conserver en ligne de mire, jusqu'à l'arrivée, le site des Glaciers, but ultime de la randonnée.

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En approche de l'aiguillette de la Tour, avec l'aiguille du Midi
en arrière-plan. (Undertaker)

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Pylône et dôme et aiguille du Goûter. (Undertaker)

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Pylônes tronçonnés au niveau de l'aiguillette de la Tour. (Undertaker)

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Environnement minéral. (Undertaker)

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Direction, gare des Glaciers. (Undertaker)

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La vue sur la ligne de La Para aux Glaciers. (T. Maillard)



Les Glaciers

La gare amont du deuxième tronçon semble en assez bon état, mais il n'en a pas toujours été ainsi. Un incendie parti du corps arrière a en effet détruit la couverture en tôle à la fin des années 1980. La toiture a depuis été reconstruite par l'exploitant dans les années 1990. À l'intérieur de la gare, la cabine récupérée de Rochebrune, pendant de celle de la Para, est toujours présente au niveau du quai de la voie est.

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Vue générale du site des Glaciers aux premières neiges. (Ph. Bruno befreetv CC-BY-SA-3.0)

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Le site des Glaciers, avec la gare amont en pierre de taille du 2e tronçon et la gare aval
du col du Midi dont le style moderniste tranche résolument. (Ph. Undertaker)

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La gare amont du deuxième tronçon depuis le départ du troisième. (Undertaker)

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Vue sur la ligne depuis la gare d'arrivée de la seconde section. (Undertaker)

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Bienvenue à la gare des Glaciers. (Undertaker)

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À l'intérieur de la gare amont, l'autre cabine récupérée de Rochebrune est toujours à quai. (Undertaker)

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Vue sur le local du conducteur et de la machinerie. (Undertaker)

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Gros plan sur la cabine ex-Rochebrune. (Undertaker)

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Le chariot arbore le logo d'époque d'Agudio. (Undertaker)

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Plan des pistes d'époque. (Undertaker)


Plus en retrait de la gare, il ne reste, au contraire, plus que des ruines de l'hôtel des Glaciers, détruit dans le milieu des années 1980. Un peu plus haut, la station de départ de la ligne de service du col du Midi est, pour sa part, toujours bien conservée.

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Les ruines de l'hôtel dominées par le départ de la ligne de service du col du Midi. On peut apercevoir
en arrière plan la cabine du téléphérique actuel proche du sommet de l'aiguille. (Undertaker)

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La gare de départ de la ligne de service du troisième tronçon. (Undertaker)

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Le contrepoids de la ligne de service. (Undertaker)

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Le plateau de service prêt au départ. (Undertaker)


La gare aval de ce qui devait être la ligne commerciale sommitale est également toujours en place à une cinquantaine de mètres en direction de l'ouest. Jusqu'au milieu des années 1990, la structure en béton de style moderniste élancée en direction du sommet supportait d'ailleurs toujours la curieuse cabine-contrepoids. Pour l'anecdote, les locaux avaient pris l'habitude de la surnommer le « moulin à café » du fait de la présence, sur son toit, d'une potence à palan rotative évoquant la forme d'une manivelle d'un vieux moulin à café. En état de rouille avancée, cette structure a depuis été retirée et seule reste désormais la base du chariot.

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Vue d'ensemble du site des Glaciers en 1986. De gauche à droite : la station de départ du téléphérique du col du Midi avec
sa cabine motrice-tension encore présente, la gare d'arrivée de la 2e section surmontée des ruines de l'hôtel, le départ
de la ligne de service fonctionnelle du col du Midi, et la ligne de 15 000 V qui monte à l'aiguille du Midi. (DR, coll. J-M Malherbe)

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Gare aval du téléférique du col du Midi avec sa cabine entraînement-contrepoids en 1991. (Ph. J-L Tafforeau, éditions AO)

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La gare de départ de nos jours. (Undertaker)

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Prêt à embarquer ? (Undertaker)


Le col du Midi

Plus haut ,à quelque 3 020 mètres d'altitude, même si l'on avait craint à l'époque pour la solidité de son embase, le pylône du troisième tronçon inachevé domine toujours la vallée plus de 55 ans après sa construction. Depuis la gare des glaciers, l’œil exercé pourra s'amuser à le rechercher, discrètement perché, dans le prolongement de la ligne, là-haut, sur son arête.

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Direction col du Midi, le pylône est toujours présent sur son arête. (Undertaker)


La gare amont de la ligne de service du col du Midi est quant elle restée longtemps en place. L'accès restait réservé aux personnes bien au fait de l'environnement de la haute-montagne et équipées comme il se doit. Au sortir de l'aiguille, il fallait descendre par le chemin habituel de l'arête et prendre la direction du refuge des Cosmiques. 300 mètres avant celui-ci, on repérait facilement, en direction du nord, l'emplacement de la station amont du col, du fait de la présence du petit abri Simond à proximité. L'arrivée était dissimulée quelques mètres en retrait.

Si les quais métalliques de la ligne commerciale furent démontés dès les années 1950, le quai d'arrivée de la ligne de service, ses câbles ainsi que ses structures d'ancrage et de renvoi n’ont été retirés qu’en 2017. Le site, en surplomb du vide, était aussi dangereux qu’impressionnant.

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La station d'arrivée de la ligne du service à 3 600 mètres au col du Midi. (Ph. J-M Malherbe)

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L’impressionnant quai d'arrivée, en aplomb du vide. (Ph. J-M Malherbe)



La nouvelle vie de la gare des Pélerins (6°51'15''E, 45°54'41''N)

Tout en bas, dans la vallée, au 1207 de la route des Pélerins, la gare aval a également traversé les années. Comme ses consœurs dans la montagne, longtemps la construction est restée à l'abandon, peu à peu envahie par des résineux qui iront même jusqu'à masquer les imposantes volées d'escalier en granite qui accueillaient jadis le visiteur. Le site a servi jusqu'en 1996 de lieu de stockage à la Société Touristique du Mont-Blanc (l'exploitant des installations de l'aiguille du Midi de l'époque, devenu depuis 2000 la Compagnie du Mont-Blanc). La cabine étagée n°1 installée en 1924 y est longtemps restée présente, entreposée au fond du hall des quais, au milieu de tourets de câble, poulies et autres amoncellements de galets.

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La cabine n°1 de 1924 est longtemps restée stockée au fond du hall des quais. (aiguilledumidi.net - Sauvez la benne !)


J'ai pour ma part découvert cette gare des Pélerins ainsi, par une fin de journée de printemps 1992. Un endroit alors empreint de mystère, calme, loin du centre-ville touristique, où le temps semblait s'être arrêté depuis plusieurs décennies. L'obscurité qui commençait à gagner conférait à ce grand bâtiment en pierres de taille dominé par ces sombres sapins, une atmosphère toute particulière, quelque peu inquiétante et envoûtante à la fois. Le tableau hitchcockien atteignait son paroxysme lorsque qu'une lumière s'allumait à l'étage, alors que tout portait à croire que le bâtiment était inhabité. Je poursuivais tout de même mon avancée vers la petite clairière en direction de la ligne : les vieux pylônes rouillés par le temps se dressaient encore fièrement (ils ont été sciés depuis) tandis que les anciens véhicules du téléphérique de l'Aiguille du Midi, démontés lors de la rénovation de 1991, étaient posés là, à même le sol. Un lieu chargé d'histoire, mais qui se mourrait peu à peu.

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La tombée du jour mettait en exergue le côté quelque peu mystérieux du lieu.
Noyé au milieu de la végétation un pylône émergeait, tandis qu'au fond de la
gare des lumières indiquaient une occupation. (L. Berne)

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Le matériel qui a circulé sur la ligne actuelle jusqu'en 1990 était
stocké par la STMB à côté de l'ancienne gare. (L. Berne)


Il aura fallu attendre 2000, et le volontarisme de Alain Lurati, conseiller municipal de Chamonix pour le secteur Les Pélerins-Les Favrands, pour que l'on se décide à sauver ce patrimoine. Interviewé par nos confrères du site aiguilledumidi.net, l'élu déclarait à l'époque : « Je connais bien mon quartier des Pélerins. C’est une chance que cette ancienne gare y soit située. Je ne pouvais pas passer outre. Cette ancienne station du téléphérique des Glaciers est un haut lieu historique de notre vallée. Il est de notre responsabilité de sauver ce bâtiment et de le mettre en valeur. »
S'appuyant sur la situation centrale de la gare au cœur du quartier, Alain Lurati met en place un projet de rénovation qui prévoit l'installation en ce lieu d'une annexe de la Maison des Jeunes et de la Culture.

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Les extérieurs sont défrichés. Les escaliers sont dégagés (Ph. Thomas Maillard)

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Début des travaux à la gare des Pélerins. Les pylônes de la ligne on été enlevés. (Ph. Thomas Maillard)


Les travaux de réhabilitation de la gare, conduits par l'architecte Marc Ladarré, de la direction des Infrastructures et des Services Techniques de Chamonix, se sont achevés à la fin de l'année 2007. L'espace communal abritant la maison des Jeunes et de la Culture est implanté au rez-de-chaussée (bas et haut) sur une surface totale de 276 m². Le reste du bâtiment est à destination du partenaire privé. On y trouve, sur deux niveaux, une vaste pièce de 137 m² pour la conception et l'exposition ainsi qu'un appartement.

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Plan du demi niveau RDC et du 1er étage. (Doc. Marc Ladarré - Commune de Chamonix)

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L'étage créé dans l'ancien hall des quais offre un beau volume et met en valeur la charpente apparente. (Ph. René Robert)


À l'extérieur, la démarche opérée par Marc Ladarré a consisté à réaliser une réhabilitation dans le respect les éléments architecturaux et patrimoniaux remarquables de l'édifice.

La restauration des façades nord, est et ouest (fenêtres, portes et volets) s'est faite à l'identique de l'existant. L'auvent nord périphérique présentant des éléments de décoration intéressants a également été restauré comme à l'origine, tout comme les deux volées de l'escalier monumental qui marque l'entrée côté route. Au bas du bâtiment, la rampe d'accès créée à destination des personnes à mobilité réduite est réalisée en béton. Dans l'emprise du bâtiment, elle se mêle à la structure en granite originelle tandis qu'à son extrémité ouest, elle prend la forme d'une proue de navire. L'ensemble s'habille de trois jardinières de grandes dimensions pour accueillir des végétaux.

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Plan d'élévation général de la façade sud, avec la rampe PMR. (Doc. Marc Ladarré - Commune de Chamonix)

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La gare rénovée et la rampe PMR sur le côté ouest. (Ph. AntonyB CC by 3.0)

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La rampe PMR prend à l'extrémité la forme de la proue d'un navire. (Ph. AntonyB CC by 3.0)

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L'escalier monumental granitique a été restauré. (Ph. René Robert)

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La gare et le massif du Mont-Blanc. (Ph. René Robert)


Mais ce qui a constitué le défi principal de la réhabilitation reste certainement la fermeture du pignon sud, jusque là béant, et la préservation de la vision, depuis l'extérieur, de la magnifique charpente apparente. Pour ce faire, Marc Ladarré a recouru massivement au verre, imaginant des baies structurées en fonction des proportions de la gare par l'emploi d'une ossature en bois, matériau largement présent sur le bâtiment. L'implantation de ces éléments s'est faite en retrait de l’avancée de l’avant-toit pour permettre de conserver la vision sur la charpente existante.

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Elévation sud vitrée. (Doc. Marc Ladarré - Commune de Chamonix)

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La restauration opérée par l'architecte Marc Ladarré a redonné au bâtiment toute sa superbe. (Ph. René Robert)

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L'image des aiguilles de Chamonix renvoyée par les vitrages des quais est du plus bel effet (Ph. René Robert)


De dehors, à travers le vitrage, on garde ainsi lecture de la profondeur de la charpente puisque le niveau créé en mezzanine dans le volume des quais est sans cloisonnement. De plus, les baies opèrent une belle interaction avec l'environnement extérieur : elles font se refléter sur le bâtiment le massif du Mont-Blanc, et, tout particulièrement, l'aiguille du Midi qui se dresse face à la gare ; une belle façon, au final, de rapprocher ces deux lieux distants, pourtant intimement liés au travers d'une des plus longues et plus belles aventures humaines de la vallée.

La station des Pélerins a été inaugurée sous sa forme réhabilitée le 24 janvier 2008. Elle porte depuis le nom de gare des Glaciers, rendant ainsi hommage à cette ligne tout entière.

Quant à la cabine étagée n°1, l'unique survivante des « wagons suspendus » d'origine, elle a été classée monument historique le 28 juillet 1992, tout comme les véhicules du tronçon supérieur récupérés du premier téléphérique de Rochebrune. En 2008, elle a été sortie de sa gare et transportée jusqu'à Béziers, où un particulier proposait de la restaurer gratuitement pour une petite collection-musée privée ; mais l'opération ne s'est pas concrétisée et la cabine est revenue à Chamonix en 2009.


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La cabine n°1 en 2015. (Ph. Denis Cardoso)


Grace à la mobilisation de plusieurs passionnés qui ont entretenu la mémoire de cet équipement historique et à la prise de conscience de la Compagnie du Mont-Blanc, cette pièce unique a finalement pu être restaurée en 2017 à Sallanches par Gérard Bottollier, artisan carrossier. La cabine était en bien mauvais état mais plusieurs pièces ont pu être récupérées, en particulier le châssis. La belle caisse étagée a retrouvé une élégante livrée rouge inspirée de celle de 1924, rehaussée de liserés couleur or. Elle est désormais exposée au départ du téléphérique actuel. Une belle manière de perpétuer la mémoire de ce doyen des téléphériques pour voyageurs de France.


Laurent Berne


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Restauration de la cabine n°1 durant l'été 2017. (Ph. Denis Cardoso)

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Restauration de la cabine n°1 durant l'été 2017. (Ph. Denis Cardoso)

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Restauration de la cabine n°1 durant l'été 2017. (Ph. Denis Cardoso)




Annexes et références

Revues, presse

  • La Nature n°1987 - 1910
  • Le Journal des Transports A34-N36 - 1906 ; A34-N48 - 1906 ; A34-N34 - 1911
  • La Nature n°2697 - 1925
  • La Science Moderne n°7 - 1925
  • Je sais tout - décembre 1925
  • L'Illustration n° 4382 - 1927
  • Revue du Touring club de France n°395 - 1927
  • La Croix - 1927 à 1941
  • L'Illustration n° 4406 - 1927
  • Le Génie Civil n°2447 - 1929
  • Le Petit Parisien n°19928 - 1931
  • Match l'Intran n°547 - 1936
  • Le Figaro - 1935 à 1942
  • Le Matin - 1935 à 1944
  • Revue Alpine n°319 - 1939
  • L'illustration n°5136 - 1941
  • Technica n°33 - 1944
  • Science et Vie n° 320 - 1944
  • La Nature n°3116 - 1946
  • France Illustration n°49 - 1946
  • La Route du Rail n°7 - 1946
  • Miroir Sprint n°94 – 1948
  • Revue Géographique Alpine n°44-2 - 1956
  • Alpes Magazine n°19 - 1993
  • Alpes Magazine hors-série

Rapports, ouvrages

  • L'aiguille du Midi et l'invention du téléphérique, Pierre-Louis Roy, Glénat, 2004, ISBN 978-2723445634
  • Funiculaire aérien à l'aiguille du Midi, Ceretti et Tanfani, Arti Grafiche Modiano de C., 1925, lire en ligne
  • Lexikon der gesamten Technik und ihrer Hilfswissenschaften vol.9, Otto Lueger, Deutsche Verlagsanstalt, Stuttgart und Leipzig, 1914, lire en ligne
  • Les funiculaires aériens pour voyageurs, Albert-Léon Lévy-Lambert, Société des ingénieurs civils de France, 1914, lire en ligne
  • Rapport officiel des Jeux de la VIIIe olympiade, M.-A. Avé, 1924, lire en ligne
  • Rapports et délibérations du Conseil général de Haute-Savoie, de 1913 à 1938

Sites internet

Collections et crédits particuliers


Contact, discussions


Mes remerciements chaleureux à :

-Denis Cardoso, pour son amitié et sa profonde implication pour faire vivre la mémoire de cet équipement historique ;
-Undertaker, qui, quelque 15 années après moi, est parti, lui aussi, à la rencontre de ces vestiges en effectuant cette randonnée de la mémoire, et nous permet de découvrir, aux travers de ces visuels, l'état de ces installations pionnières de nos jours ;
-Eliane Garin, qui a eu la délicatesse de me communiquer les superbes photos du chantier prises entre 1911 et 1913 par son grand-père Maurice Thormeyer, qui travailla à la construction du téléphérique ;
-Monchu, la mémoire de remontees-mecaniques.net, un passionné de l'histoire du transport par câble, qui a eu la gentillesse de me mettre à disposition les visuels en haute résolution et la documentation tirés de son impressionnante collection personnelle ;
-Jean-Marie Malherbe, du Laboratoire d'études spatiales et d'instrumentation en astrophysique (CNRS), Observatoire de Paris - Meudon, qui a longuement écrit sur le laboratoire des Cosmiques, pour son autorisation d'utilisation des visuels de sa collection présentant l'histoire de ce lieu intimement liée à celle du téléphérique du col du Midi.
-Marc Ladarré, architecte DPLG à la commune de Chamonix-Mont-Blanc, qui a conduit l'admirable restauration de la gare des Pélerins, pour m'avoir livré les documents présentant le projet et les différents plans ;
-René Robert, l'occupant-aventurier de la nouvelle gare des Glaciers au quartier des Pélerins, tombé amoureux de ce lieu, de son histoire, et qui m'a fourni les visuels relatifs à ce bâtiment restauré.
-Jean-Luc Tafforeau, conseillé informatique, photographe, écrivain pour le compte des éditions AO et, bien entendu, passionné de montagne, qui a immortalisé le site des Glaciers en 1991 au travers d'une série de photos qu'il m'a autorisé à reprendre dans ce reportage ;
-[Anne], Wanda, Benj et Guillaume pour leur relecture attentive.

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Les Pélerins en couleur dans les années 1920. (DR, colorisation Laurent Berne, coll. Laurent Berne)



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