Frédéric Bergoin - Directeur Général d'Ingélo
Bonjour Frédéric Bergoin, merci pour invitation sur le chantier du nouveau TSD6 du Sairon à Morillon. Historiquement Ingélo a été créé en 2011 et a succédé à Montaval. Pouvez-vous nous présenter l’entreprise Ingélo en 2022 ?
- Ingélo en 2022 c’est 13 collaborateurs. On a connu une forte croissance depuis la création car nous sommes passés de trois personnes à rapidement six, et aujourd’hui nous sommes une équipe de treize. En effet, nous nous sommes diversifiés dans la neige de culture, l’étude de terrassement de pistes ainsi que la maitrise d’œuvre de bâtiments techniques. Au niveau du chiffre d’affaire, c’est assez variable car cela dépend fortement des chantiers que nous avons dans l’année. Globalement notre chiffre d’affaire varie entre 2 et 7 millions d’euros annuel.
Sur quels marchés de remontées mécaniques intervenez-vous ?
- Concernant les remontées mécaniques nous intervenons sur trois types de projets.
Nos plus gros projets sont les chantiers de déplacement d’appareil. Ce sont des chantiers qui représente 2 à 3 millions d’euros et que nous effectuons en opération clef en main.
Ensuite nous intervenons sur des chantiers particuliers, comme à Morillon, où nous étudions, nous concevons, nous faisons fabriquer les lignes de télésiège. Ce qui signifie que nous fournissons les massifs, les ancrages, les pylônes, les potences, et tout l’accastillage (pallier de repos, échelle, ligne de vie).
Enfin nous intervenons également sur des petites affaires, où nous faisons des études de petites modifications, des pièces détachées pour la maintenance, ou des avant-projets pour des nouveaux appareils.
Ingélo est une filiale du groupe de la Compagnie des Alpes (CDA), est-ce que vous intervenez uniquement dans les stations de la CDA ou bien abordez-vous l’ensemble du marché ?
- Historiquement Montaval était le bureau d’études de la SOFIVAL, basé à Val d’Isère. Donc en 2011 quand la STVI a rejoint le groupe, le but de la création d’Ingélo était d’intervenir uniquement sur les sites de la CDA : parcs de loisirs et stations de montagne. Mais depuis 2018/19 nous avons eu la volonté de sortir en externe de façon progressive. Actuellement nous réalisons entre 5 et 10 % de notre chiffre d’affaire en dehors de la CDA.
Est-ce que vous intervenez à l’export ?
- Oui, mais uniquement en consulting, en création de stations (master planning), et nous faisons également un peu de conseils d’exploitation/maintenance. A l’export nous intervenons avec la CDA-Management qui est la filiale internationale de la CDA. En onze ans nous avons dû réaliser une vingtaine de missions à l’étranger (Russie, Chine, Ouzbékistan, Géorgie et Colombie).
Au niveau des remontées mécaniques, qu’est-ce qu’Ingélo construit ?
- Sur un déplacement d’appareil nous concevons et faisons fabriquer certaines pièces. Celles que nous ne pouvons pas concevoir, nous les achetons aux constructeurs, mais le but d’un déplacement c’est de fabriquer le moins possible de pièces et de récupérer la quasi-totalité de l’appareil déplacé.
Ensuite en terme de construction, nous concevons les lignes (massifs, ancrages, pylônes, potences, accastillages) et nous les faisons fabriquer chez des industriels locaux. Pour information, l’année dernière 70 % de notre volume d’achat a été effectué dans les deux Savoies, et plus globalement 90 % dans la région Auvergne-Rhône-Alpes. Si on n’achète pas un produit dans la région, c’est ce que celui-ci ne s’y trouve pas. Ainsi nous achetons quelques éléments dans le val d’Aoste (Italie), et les fûts des pylônes nous viennent d’Allemagne.
Pouvez-vous nous présenter l’activité et les chantiers d’Ingélo pour l’été 2022 ?
- Cet été nous effectuons essentiellement trois lignes de téléportés : le nouveau TSD6 du Sairon à Morillon (74), le TSD6 de l’Aiguille Rouge à Tignes (73) et la télécabine du Glacier à la Plagne (73).
Ensuite nous avons effectué de nombreuses études de fabrications telle qu’une quinzaine de passerelles de téléskis pour améliorer la sécurité du travail.
Nous avons également conçu des échelles inclinées pour sécuriser les accès en gare de télésièges débrayables et remplacer des échelles raides. Et nous avons aussi élaboré des passerelles d’entretien sur des téléskis à pinces fixes.
Comme vous l’évoquiez, Ingélo est connu pour le déplacement d’appareils. Cette pratique est peu courante en France comparé à l’Amérique du Nord. Comment jugez-vous l’avenir du marché de l’occasion dans les remontées mécaniques ?
- A Ingélo nous avons déplacé notre premier appareil en 2011 à La Plagne, et maintenant nous sommes à notre 15e déplacement ou grosse reconfiguration en 10 ans. Donc c’est une démarche qui prend de l’ampleur au sein des stations de la CDA, mais pas seulement car nous avons fait notre premier déplacement externe à Valberg l’année dernière. Bien sûr un déplacement c’est une réutilisation de matière première, donc cela s’inscrit dans le sens de l’époque. Depuis 2011, cela a permis de recycler 1'200 tonnes de métal en circuit court. Cette activité va s’amplifier à coup sûr dans les années à venir.
Au niveau sécuritaire, un appareil neuf passe par différentes étapes (BE, etc…) impliquant de vérifier les durées de vie des pièces de sécurité. Donc que se passe-t-il dans une réutilisation, qu’est-ce qui est impératif de remplacer, est-ce que le STRMTG impose des remplacements de certaines pièces de sécurité ?
- En fait la réglementation pour déplacer un appareil est quasiment équivalente à celle pour la construction d’un appareil neuf. Nous devons justifier, comme sur un appareil neuf, la même durée de vie des pièces. Donc nous vérifions et nous changeons des pièces si nécessaire. Nous sommes vigilent aussi à la fiabilité des équipements de part notre expérience en maintenance.
De plus dans le déplacement d’un appareil, il y a aussi tout un travail sur l’esthétisme et le confort des passagers qu’il ne faut pas négliger. On soigne cela énormément en changeant les assises de sièges, et en repeignant les gares, notamment.
Après la bonne saison hiver 2021/22 réalisée par les domaines skiables en France, comment voyez-vous l’avenir à 4-5 ans sur le marché des remontées mécaniques en France ?
- J’aimerais bien connaître quelqu’un qui a cette vision et des certitudes (Rires). En fait, c’est très compliqué en ce moment d’avoir une vision claire sur l’évolution du marché. La saison dernière a été très bonne, par contre les saisons à venir - et particulièrement la prochaine – inquiète.
Cette inquiétude date de quelques mois, avec notamment le prix de l’électricité qui va faire exploser les dépenses d’exploitation. Pour avoir discuté avec des constructeurs, il y a une certaine attente des donneurs d’ordres sur les chantiers à venir. Mais personnellement, j’ai confiance dans l’avenir. Nous avons appris à traverser les crises. Il faut dire que ces derniers temps, nous n’avons pas manqué de pratique.
Pour Ingélo, si nous n’avons pas de grosses affaires, nous nous focaliserons sur nos autres activités.
Pour conclure notre entretien, vous connaissez bien le site/forum Remontées-mécaniques.net. Comment est-ce que vous utilisez RM.net dans le cadre de votre activité professionnelle ?
- A Ingélo nous nous connectons souvent sur RM.net. En fait les stations de ski ont quelques bases de données limitées à des tableaux de caractéristiques, mais généralement sans photo. Par contre sur RM.net nous trouvons toutes les photos dont nous avons besoin. Donc en cas de déplacement d’un appareil c’est important pour nous de visualiser l’installation dans son ensemble. Cela nous permet de voir si un appareil peut être déplacé sur le nouveau site. La majeure partie des données réglementaires sont inscrites dans le DAM que nous récupérons. Par contre, sur tout le reste nous parcourons RM.net.
La base de données de RM.net nous est également très utile pour toutes les modifications d’appareils, tel que la construction d’une passerelle, etc…
Avant d’aller sur place, nous parcourons vos reportages. Et très rapidement nous pouvons faire un devis à notre client.
Frédéric Bergoin, merci pour cet entretien.
Entretien réalisé le 25 août 2022, à Morillon.
Pour aller plus loin :
- Le site internet de la CDA, qui présente Ingélo.
- La fiche Ingélo dans la BDD de Remontées-mécaniques.net.
- La discussion concernant Ingélo sur le forum.
<< Nicolas Chapuis - Directeur pôle MND Ropeways Interviews Exploitants (Francisco Sotomayor - Spécial Chili) >>