Nicolas Chapuis - Directeur pôle MND Ropeways


 

Bonjour Mr Chapuis, merci pour votre invitation au siège du groupe MND. Pouvez-vous nous présenter MND Ropeways : quelle est la taille de l’entreprise, le nombre de collaborateurs, la gamme de produits ?

- MND Ropeways, aujourd’hui, est l’un des quatre pôles d’activités du groupe MND. Le groupe MND dans son ensemble, c’est une équipe de 300 collaborateurs de par le monde, dont une partie est dédiée au pôle Ropeways (remontées mécaniques) bien que ces dernières années nous avons mutualisé de nombreux métiers au sein du groupe.
Le nombre de personnes vraiment dédiées au pôle Ropeways, que cela soit au bureau d’études, sur la phase commerciale ou sur la phase de projets, c’est une grosse centaine de collaborateurs. Aujourd’hui, le pôle Ropeways de MND propose une gamme complète de produits, l’une des plus grandes du marché, puisque nous allons du tapis skieurs (avec ou sans galerie) qui est une grosse activité, aux téléskis avec un fort historique en Scandinavie. Puis en montant dans la gamme, nous fabriquons des télésièges fixes, des télésièges et des télécabines débrayables, des téléphériques et des ascenseurs inclinés qui sont sous la norme funiculaire.

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Que représente le salon Mountain Planet pour MND Ropeways ? Est-ce que l’on y concrétise des contrats, ou bien es un salon pour initier des contacts et faire des relations clientèles, presse ou politiques ?

- Déjà, cette année, c’était l’opportunité de revoir tout le monde et on a senti une ferveur et un vrai enthousiasme, après plusieurs années compliquées, autour de l’économie de la montagne au sens large. Donc, ce salon a été très positif. Au Mountain Planet, nous avons officialisé quelques contrats, qui étaient déjà signés et démarrés depuis quelques temps, comme celui de Saint-Lary. Évidemment, le Mountain Planet n’est pas une foire car l’on ne vient pas acheter une remontée mécanique comme une piscine ou une cuisine. C’est clairement l’occasion, en 3 jours, de rencontrer un très grand nombre de clients pour maintenir le contact, faire le point sur les projets. Le Mountain Planet est aussi le lieu pour présenter nos nouveautés et pour communiquer le plus largement possible.


Pour cet été, MND Ropeways va effectuer des chantiers à Saint-Lary (France) et à Waterville (USA). Y-a-t-il d’autres chantiers marquants pour MND Ropeways ?

- Oui, il y a notamment deux autres gros projets qui vont se concrétiser cet été. Tout d’abord, l’ascenseur incliné d’Oz-en-Oisans qui va compléter la télécabine d’Allemond à Oz. Cet ascenseur va permettre de redescendre les voyageurs au centre de la station d’Oz-en-Oisans depuis l’arrivée de la télécabine. Le second projet qui va rentrer en phase opérationnelle cet été est la rénovation du téléphérique de Huy en Belgique. Le chantier a démarré il y a deux semaines. Cet été, nous ferons le changement de la machinerie ainsi que le changement des câbles et des têtes de pylônes. Ensuite, on sera en attente d’un dernier permis pour le changement entier d’un pylône de ligne qui n’était pas initialement prévu.


Comment commercialisez-vous vos produits sur les différents marchés ? Avez-vous une force de vente propre, ou bien avez-vous des accords avec des mandataires ?

- La force du groupe, c’est d’avoir une force de vente MND qui n’est pas dédié uniquement à l’entité Ropeways mais à toutes les activités du groupe. Cette force de vente est organisée de manière géographique avec une équipe commerciale Europe/France, une équipe Amérique du Nord, une autre en Asie, et une force commerciale pour le monde hispanophone. Tout ceci est organisé en direction propre. Ensuite, chaque entité dispose des commerciaux sur les différents marchés ou alors d’agents sur des marchés où nous n’avons pas de commerciaux propres. Pour chaque projet, lors de la phase commerciale, il y a un duo Commerce/Technique qui se forme. Ainsi, dès qu’une affaire est identifiée par le service commercial, un binôme est créé avec un technicien du pôle Ropeways afin de bâtir et proposer au client la meilleure offre technico-commerciale.


Après une saison blanche, « Domaines Skiables de France » est satisfait de la saison hivernale 2021/22 qui vient de se finir. Comment voyez-vous les investissements neige à venir en France dans les années à venir ?

- Pour les Domaines Skiables de France, les indemnisations perçues malgré la saison blanche ont permis de soutenir les entreprises du secteur. A notre niveau, il n’y a pas eu de saison blanche. Par contre, ce qui est sûr, c’est que l’on a eu un lissage sur plusieurs années avec un niveau d’investissement un peu plus faible. Les années 2020, 21, 22 sont un peu plus faibles en termes d’investissements. Ce qui est clair, c’est qu’avec la bonne saison effectuée sur 2021/22, on sent un regain d’optimisme qui va mettre un peu de temps à se concrétiser car il y a des phases administrative et d’autorisation en amont de chaque projet. Néanmoins, nous sommes optimistes sur les deux ou trois prochaines années. On aura peut-être même un rattrapage du déficit d’investissement des deux dernières saisons. Donc, c’est très positif.


A l’international, y a-t-il selon vous des marchés en plein développement avec une demande forte ?

- Oui clairement. Il y a divers facteurs dans cette évolution avec d’une part, le facteur économique de chaque pays et d’autre part, la réaction des différents pays à la crise du covid qui a été très variable. Certains pays en difficultés repartent très vite, et d’autres stagnent. Concrètement, aujourd’hui, le marché nord-américain est en plein boom. L’activité ski, dans un pays où les gens étaient plutôt encouragés à faire des activités en extérieur, a bénéficié de la crise Covid.


A l’inverse, sentez-vous des marchés où la situation se complique ?

- Le marché chinois, par exemple, on sent que c’est compliqué en ce moment. Il y a très peu de projets, et il y a de la difficulté de sortir de la crise du Covid. Cela risque d’être plus complexe à moyen terme.


Sur le marché Chinois, qui est un peu opaque au niveau des remontées mécaniques, qu’en est-il des implantations de MND Ropeways ? En 2017, la presse économique annonçait que la Chine serait un Eldorado pour les entreprises de la montagne française et le groupe MND avait communiqué sur la construction de la station SnowLand. Est-ce que ce projet s’est réalisé ?

- La station de SnowLand, c’est un contrat signé. Toutefois, le projet ne s’est pas encore concrétisé et on attend que les autorités publiques prennent une décision. Est-ce qu’il se fera ou pas ? Je ne le sais pas. On peut dire que le projet est en stand-by. La Chine a été un gros pays de développement ces 5 à 6 dernières années. On a fait quelques beaux projets. D’ailleurs, nous terminons des débrayables qui seront livrés cet été. Je pense que dans l’avenir la Chine va être un pays qui va se structurer et notamment son marché du ski. Car la croissance folle présente là-bas ne peut pas durer éternellement. Certainement que le ski alpin va réellement prendre en Chine. Mais il faudra une bonne vingtaine d’années pour que le ski se démocratise.


A l’export, y a-t-il des marchés prioritaires pour MND Ropeways ?

- Nos marchés prioritaires sont ceux qui sont en développement. Comme nouvel entrant, on vise les marchés à fort potentiel de développement. On a la chance de pouvoir s’appuyer sur la structure commerciale du groupe MND qui est présente dans le monde entier. C’est vraiment une force pour nous.


On le voit à la Réunion, on le voit à Huy en Belgique votre réponse à la mobilité urbaine a su convaincre les décideurs publics. Comment voyez-vous l’évolution du marché de l’urbain ?

- Le marché urbain est très particulier pour nous car ce sont des attentes vraiment différentes de celles que l’on connaît en montagne. En urbain, ce sont des appareils qui vont tourner 6 000 à 7 000 heures par an avec un public qui est vraiment très divers, très diversifié et avec des attentes vraiment différentes. Tout ceci explique que les projets mettent beaucoup plus de temps à se réaliser qu’en montagne. Ainsi, en Île de France, qui avait 14 projets identifiés, un seul va sortir après 15 ans de procédures ! A MND Ropeways, on y croit toujours très fort, et on investit fort dans l’urbain car on a une solution qui répond vraiment à des problèmes de mobilité.


On entend parler des prix des matières premières qui flambent, ainsi que d’une forte inflation. Est-ce que ces éléments vont avoir des impacts forts sur la commercialisations des futures remontées mécaniques ?

- C’est une période qui est hyper complexe. Car après la phase du Covid, il y a la guerre en Ukraine qui déstabilise le marché de l’acier en Europe. Avant le mois de février 2022, environ 1/3 de l’acier européen venait de Russie et 1/5 d’Ukraine. Donc, en quelques semaines, tout s’est coupé et cela a un impact incroyable sur le prix des matières premières et de la logistique. Il faut imaginer que le prix de la tonne d’acier a fait entre x3 et x4 en seulement 5 mois ! Donc cela ne va pas avoir d’impact sur le prix des remontées mécaniques, cela en a déjà ! On peut dire que le prix aujourd’hui d’une remontée mécanique par rapport à un tarif de 2020, c’est +25 à +35 %. Évidemment, ceci est vrai pour tous les acteurs du secteur. Les maîtres d’ouvrages qui font les appels d’offres le voient immédiatement. Au-delà du coût, ce que l’on craint c’est que certains projets deviennent non viables. Car avec +25 ou +35 % d’augmentation du prix d’une remontée mécanique, plus un prix de l’énergie de fonctionnement qui augmente également, cela peut remettre en cause l’économie globale d’un projet, qui a déjà été réfléchi avec certaines recettes. Notre plus grosse crainte est que dans les années à venir un coût aussi élevé pourra remettre en cause certains projets. Car les prix des forfaits ou des billets de transport ne pourront pas suivre une telle inflation des prix des matières premières.
Cela risque d’être la grosse difficulté des années à venir pour notamment des petits domaines skiables qui sont déjà un peu à la limite de l’équilibre économique et qui ont besoin de renouveler un appareil âgé.



 

MND Ropeways continuera de faire du débrayable !

Pouvez-vous nous expliquer le principe de l’alliance stratégique entre Bartholet et le groupe MND active depuis 2018 (et valable jusqu’en décembre 2023) ?

- Le principe de cet accord est commercial, opérationnel et industriel. Commercial : étant deux acteurs de taille moyenne sur le marché des remontées mécaniques, nous nous sommes réparties des zones géographiques, sans toutefois qu’il y ait des exclusivités. Ainsi, MND est plus actif notamment en France qui est son marché historique, en Scandinavie et en Amérique du Nord. On investit sur ces zones, car le travail commercial c’est de l’investissement avec la mise en place d’une force de vente présente et active. Cet accord est opérationnel car les projets vendus par un acteur sont réalisés par celui-ci. Chaque entreprise vend et réalise ses projets, et ensuite en assume le service après-vente. Car la première chose que demande un client après la construction d’une remontée mécanique c’est la qualité du service SAV pendant les 30 ans de la vie d’un appareil que cela soit pour livrer des pièces de rechange ou intervenir en cas de problème technique. Et enfin, il y a un gros partenariat industriel, car les activités industrielles des deux entreprises sont complémentaires. Nous ici en France nous avions historiquement un savoir-faire et une grosse activité de mécano-soudure et de chaudronnerie. Ainsi, nous produisons beaucoup de pièces pour Bartholet. Et Bartholet a en Suisse un gros atelier de mécanique et usinage sur des grosses ou petites pièces. Ainsi, nous achetons de nombreuses pièces usinées chez Bartholet.


L’actionnaire majoritaire de Bartholet, d’origine chinoise, a vendu ses parts dernièrement. Avez-vous été sollicité pour acheter les parts du groupe Bartholet ?

- C’est un sujet qui ne s’est pas retrouvé sur la place publique, mais évidemment nous avons été informés rapidement de ce qu’il se passait. Toutefois, nous n’avons pas souhaiter donner suite.


Aujourd’hui, l’actionnaire majoritaire de Bartholet est devenu le groupe HTI qui englobe Poma et Leitner. Allez-vous chercher à poursuivre cet accord stratégique (commercial, opérationnel et industriel) qui lie vos deux entreprises pour l’après 2023 ?

- Aujourd’hui, pour être clair, ce rachat n’est pas une intégration de Bartholet dans HTI. La famille Bartholet dispose toujours de 30 % des parts du capital ainsi que la direction de l’entreprise. Donc, pour l’instant, Bartholet reste une entreprise indépendante dont l’intérêt est bien de se développer.
Pour la suite du partenariat, nous allons discuter dans les prochains mois. D’ailleurs, jusqu’à la fin 2023, les choses sont claires. Le partenariat continuera même au-delà de 2023 car si décembre 2023 marque la fin de l’accord commercial, tout ce qui pourrait être signé durant l’année 2023 sera réalisé en 2024, 2025 ou même plus tard.
Chez MND Ropeways, nous souhaitons évidemment que l’accord continue après 2023.


Est-ce qu’avec toute l’expérience acquise, et notamment la construction du TSD6 de l’Envers, MND Ropeways pourra développer sa propre gamme de remontées mécaniques débrayables ?

- S’il y a une chose qui est certaine aujourd’hui, c’est que MND Ropeways continuera de faire du débrayable ! Que cela soit avec Bartholet, afin de poursuivre ce partenariat bénéfique pour les deux parties, ou seul. Aujourd’hui nous avons toutes les ressources, toute l’expérience de BMF France depuis 15 ans, ou de l’ex-LST depuis 2016. Nous avons vraiment toutes les compétences au niveau industriel et de conception pour construire une gamme débrayable en interne et trouver la meilleure solution. La décision n’est évidemment pas prise à ce jour.

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Construction du télésiège Tourette (St Lary) dans les ateliers de MND Ropeways

Pour accompagner vos télécabines et téléphériques, vous utilisez les produits Gangloff produit par Bartholet. Comment ferez-vous demain si l’accord avec Bartholet s’arrête ?

- Aujourd’hui, toutes nos cabines proviennent du groupe Bartholet. Pour le futur, il existe encore au moins deux autres fournisseurs indépendants, Carvatech et Calag, avec qui nous avons déjà travaillé et avec qui nous pourrions travailler sans difficultés. Calag va par exemple fournir les cabines du téléphérique de Huy.


Pour conclure notre entretien, comment voyez-vous l’avenir de MND Ropeways ?

- On le voit bien et de manière très positive. MND Ropeways est en croissance forte. Le groupe a effectué ces dernières années une restructuration très forte qui fonctionne maintenant très bien, y compris au niveau financier avec une rentabilité qui devient intéressante et montre les fruits de notre travail. Le contexte est compliqué avec l’enjeu des matières premières qui espérons-le ne remettra pas trop en cause les projets à venir. Il y a également le sujet des ressources humaines qui est un vrai challenge en 2022. Heureusement, nous sommes dans un secteur d’activité assez attractif avec des collaborateurs passionnés même si trouver des personnels qualifiés devient de plus en plus compliqué. Franchement, la saison hivernale record qui vient de se conclure en France, et dans beaucoup d’endroits, est un message très positif pour l’avenir.


Nicolas Chapuis, merci pour cet entretien.

Entretien réalisé le 12 mai 2022, au siège du groupe MND à Sainte-Hélène-du-Lac (Savoie).

Pour aller plus loin :
- Le site internet de MND Ropeways.
- La fiche MND Ropeways dans la BDD de Remontées-mécaniques.net.
- Sur le forum, la discussion concernant l'actualité de MND Ropeways

Dernière révision le 26/05/2022 - 19:14