Je répondrai de façon plus formelle pour ce qui est de certains aspects techniques, malheureusement hormis dans cet excellent reportage de François05 on ne trouve quasiment aucune information technique utile sur ce téléphérique.
La partie administrative, y.c. les conditions déterminantes pour rendre obligatoire une enquête, dépendent aussi bien de détails juridiques spécifiques à chaque pays que d'aspects pratiques.
En règle générale, en cas de dommages corporels (y.c. décès) autres que très mineurs, et/ou en cas de dommages matériels conséquents, une enquête officielle est impérativement effectuée.
En outre, das certains cas particuliers, et notamment si des circonstances particulières sont telles qu'elles laissent envisager des incidents similaires pouvant potentiellement affecter d'autres installations, sont également réalisées des enquêtes. En pareil cas, le pouvoir d'appréciation peut être déterminant et la pratique peut fortement varier selon les pays voire même parfois selon les régions d'un même pays.
Exemple concret: contrairement à ce que l'on pourrait supposer, la chute en pleine ligne d'une cabine [de télécabine] vide ne donne pas forcément lieu à une enquête en pratique, ce bien que les conséquences possibles d'un tel incident peuvent être dramatiques. Evidemment que si la même cabine avait été occupée au moment de sa chute, une enquête officielle aurait dû être menée.
La qualité des rapports finals sur les incidents de remontées mécaniques varie également très fortement. Pour un exemple récent d'enquête bâclée au possible il suffit de consulter le rapport sur l'incident du TSD4 de Granby Ranch au Colorado (USA), rapport qui ne serait jamais considéré comme acceptable dans un pays de l'Europe de l'Ouest.
En se basant sur le reportage très détaillé, voici un rappel de quelques caractéristiques techniques de ce téléphérique à va-et-vient:
Voie 1: Véhicule: Cabine 15+1 personnes
Voie 2: Véhicule: Suspente de transport de marchandises (personnes exclues), capacité de charge 6 tonnes, système de levage de charge intégré
Longueur horizontale: 3839 m
Longueur inclinée: 4040 m
Portée entre P2 et P3: 1854 m (longueur inclinée)
Vitesse: 5 m/s
Pente moyenne: 28 %
Pente maximale: 76 %
Voie (écartement entre les axes des paires de câbles porteurs): En stations: 9 m; portée entre P2 et P3: 15.6 m
Ecartement des câbles porteurs (d'une même voie): 700 mm
Désignation des câbles porteurs et des pylônes
Pour les téléphériques à va-et-vient bi-voies bi-porteurs il est d'usage de désigner les câbles porteurs par A, B, C et D, ce de gauche à droite pour un observateur sis en station aval regardant vers la station amont. Ainsi les câbles porteurs A et B équipent la voie 1 et les câbles porteurs C et D la voie 2. Selon le reportage de François05, l'écartement nominal des câbles porteurs (donc entre A et B, et, respectivement, C et D) est de 700 mm, ce qui est un écartement courant également pour des téléphériques à va-et-vient avec des capacités de charge supérieures.
Les pylônes sont en général conventionnellement numérotés en ordre croissant depuis la station aval. Le téléphérique à va-et-vient discuté comprend quatre plyônes, désignés ci-après P1, P2, P3 et P4.
Emplacements des stations et des ouvrages de ligne
Sur la base de photos aériennes, à l'aide du site de l'IGN (
https://www.geoporta...phies-aeriennes, rechercher "Dévoluy"), les estimations suivantes ont été effectuées, les données du calcul de ligne, en principe calculées au millimètre près, n'étant pas disponibles.
Pour les altitudes, les valeurs indiquées par les outils de cartographie correspondent au sol alors que les altitudes de référence pour les bâtiments de téléphériques sont définies arbitrairement (p.ex. niveau fini des quais).
Les emplacements des points pour les coordonnées ont été estimés sur les photos aériennes zoomées, l'incertitude ne dépasse guère quelques mètres. Pour les pylônes, les points de coordonnées ont été choisis approximativement au milieu entre les quatre massifs des fondations.
Il est également possible d'utiliser les outils du lien précité pour établir un profil altimétrique en choisissant l'entrée de la station motrice aval et l'entrée de la station de renvoi amont comme points de référence.
Coordonnées approximatives à l'axe du tracé
Valeurs estimées sur la base des photos aériennes, les altitudes indiquées correspondent au terrain.
Station motrice aval (entrée de station):
Coordonnées: 44.661114/5.938421 Altitude: 1487.7 m
Pylône P1:
Coordonnées: 44.657803/5.934733 Altitude: 1540.72 m
Pylône P2:
Coordonnées: 44.652924/5.929263 Altitude: 1713.86 m
Pylône P3:
Coordonnées: 44.639894/5.914764 Altitude: 2482.95 m
Pylône P4:
Coordonnées: 44.634474/5.908712 Altitude: 2550.14 m
Station de renvoi amont (entrée de station):
Coordonnées: 44.634189/5.908393 Altitude: 2552.01 m
Estimation des distances
Estimations réalisées avec l'outil de mesure du site précité, les points de référence peuvent légèrement varier par rapport aux points dont les coordonnées sont mentionnées ci-dessus, l'incertitude absolue reste néanmoins inférieure à env. 5 à 10 m; l'on pourrait évidemment recalculer à partir des coordonnées.
Distances en plan (mesurées sur la base de photos aériennes; en raison d'une bizarrerie de programmation, pour les grandes distances le nombre de décimales affichées pour les mesures sur les photos aérienne diminue, la mesure directe indique 3.83 km au dam près):
Portée 1: Station motrice aval - Pylône P1: 470 m
Portée 2: Pylône P1 - Pylône P2: 694 m
Portée 3: Pylône P2 - Pylône P3: 1860 m
Portée 4: Pylône P3 - Pylône P4: 762 m
Portée 5: Pylône P4 - Station de renvoi amont: 44 m
Total: 3830 m (valeur effective selon les données techniques: 3839 m).
D'après les photos du reportage de François05, il apparaît que le véhicule de la voie 2 est arrêté quelque part dans la portée No 4 (soit la portée entre les pylônes P3 et P4). Cette portée mesure environ 762 m (estimation sur la base des photos aériennes); la localisation du véhicule est impossible à déterminer avec précision sur la base des photos, les perspectives pouvant s'avérer trompeuses.
Impossible également d'estimer la charge transportée (citerne vide ou pleine?).
Le câble porteur D (soit le câble porteur côté extérieur de la voie 2) a déraillé du profilé support du sabot du plyône P3 et a chuté au sol côté aval du véhicule de transport de matériel de la voie 2 tout en restant retenu par ce véhicule au niveau de la partie inférieure de la suspente.
Le chariot du véhicule en question n'a pas chuté. Apparemment l'angle d'inclinaison transversal a été limité mécaniquement, soit en raison du simple équilibre des forces, soit en raison de la limitation du débattement angulaire transversal du dispositif d'amortissament des oscillations transversales (au cas où le chariot de téléphérique est pourvu d'un tel dispositif, ce qui n'apparaît pas clairement sur les photos).
La disposition des pinces du frein de chariot aproximativement au niveau des pivots des balanciers de quatre permet à ces pinces d'assurer accessoirement une fonction de guides d'anti-déraillement. Sur les photos on n'aperçoit pas d'autres dispositifs anti-déraillement du chariot (parfois appelés rattrape-câble bien que ce terme désigne plus couramment les dispositifs de retenue de câble équipant les sabots des stations ainsi que les ouvrages de ligne).
Apparemment le véhicule même n'a pas été sécurisé. Impossible de voir si le frein de chariot est fermé ou ouvert.
On ne dispose d'aucune indication claire pour ce qui est des conditions d'exploitation au moment de l'incident, soit en particulier le sens de marche du véhicule de la voie 2, la vitesse, la charge, les conditions de vent (mesures anémométriques avec direction et vitesse du vent aux points de mesure), givre, etc.
Selon la conception de la commande électrique, diverses données telles que la position des véhicules, la vitesse, le sens de marche, les données anémonmétriques (direction et vitesse du vent pour chacun des anémomètres), le courant du moteur de l'entraînement principal (et/ou le couple calculé par le variateur de fréquence), éventuellement la pression d'ouverture des freins (en particulier pour le frein de service s'il est régulé), etc. sont enregistrées automatiquement pour chaque course.
De plus, divers événnemens, dont notamment les défauts (ou en tout cas les "premiers défauts") sont également enregistrés sous forme d'historique d'événements horodaté avec une précision relative de l'ordre de quelques dizaines à centaines de millisecondes selon la conception de commande et des matériels mis en oeuvre (p.ex. logging et horodatage directement par l'automate ou par PC séparé).
A priori une voie de 15.6 m pour une portée de 1854 m (données reprises du reportage de François05) entre les pylônes P2 et P3 semble correcte, pour la vérification formelle il faudrait là également se référer au calcul de ligne. Comme déjà mentionné, la distance nominale entre les axes des paires de câbles porteurs est déterminée par des critères normatifs.
Selon les données du reportage précité, la voie est de 9 m (considéré ici comme 9.0 m) en station motrice aval ainsi qu'en station de renvoi amont et 15.6 m pour la portée No 3, la plus longue avec établie entre les pylônes P3 et P4 (pylônes numérotés conventionnellement par ordre croissant depuis la station de renvol aval).
En partant du principe que les déviations latérales des câbles porteurs sont symétriques par rapport à l'axe du tracé, la moitié de l'augmentation de voie est de 3.3 m sur une distance en plan d'un peu plus de 806 m, soit env. 4.1 mm par mètre (calculé pour l'axe d'une paire de câble porteurs par rapport à l'axe du tracé) si on part de l'hypothèse d'un changement de voie régulier entre l'entrée de la station de renvoi amont et le pylône P3; cette supposition n'étant pas forcément correcte car rien n'empêche de concevoir des déviations horizontales différentes pour chaque pylône.
Existe-t-il des versions en plus haute résolution des photos du reportage?
Il serait intéressant de regarder de plus près le positionnement vertical des taquets faisant office de rattrappe-câble pour câble porteur. En raison des trous oblongs, il est apparemment possible de coulisser verticalement ces pièces avant de serrer les vis (sur cette photo prise avant le montage du sabot, le taquet n'est pas en position relevée, les trous oblongs laissent deviner la course de positionnement pour le montage définitif):
Petites corrections par rapport à ce que j'ai écrit précédemment:
En regardant de près certaines photos il semble que les balanciers de 4 sont pourvus de guides d'anti-déraillement (disposés respectivement sous chaque pivot du balancier de 2 aval et sous chaque pivot du balancier de 2 amont).
Impossible de déterminer si la largeur de passage est supérieure à cellee des pinces du frein de chariot.
Voir p.ex. sur cette photo (lien image):
Sur cette photo il est possible que l'on aperçoive deux détecteurs de déraillement de porteurs côté extérieur (les deux petits boîtiers avec des câbles) mais il faudrait une vue zoomée pour en être certain, les trois taquets faisant office de rattrape-câble extérieurs sont également visibles:
L'idéal serait de remonter sur site et prendre des photos haute résolution au téléobjectif (vu qu'en principe il est interdit de monter sur le P3 pour vérifier l'existence de traces).
Ce message a été modifié par Guigui74 - 09 juin 2017 - 12:27 .
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