Forums Remontées Mécaniques: Font-Romeu 1935 - Forums Remontées Mécaniques

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Font-Romeu 1935 Réf.20014

#1 L'utilisateur est hors-ligne   nicobsa 

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Posté 09 décembre 2022 - 14:38

Nous sommes là dans la pleine période où la mode des "sports d'hiver" devient de bon ton et où les Pyrénées font partie des destinations privilégiées des skieurs au point que, à certaines dates, ils sont atteints par des trains de parisiens (c'est encore de la gare d'Orsay !) en wagons-dortoirs.
A Font-Romeu à l'époque, on ne sait pas ce que l'on y aime le plus, le soleil déjà méditerranéen ou la belle neige qui transforme les pins en bonshommes de sucre.
Il n'y a pas que ça pour attirer les hivernants : le merveilleux "grand hôtel" est renommé pour son site et son confort. La "gentry" qui y a ses habitudes s'y retrouve plus sur sa patinoire ou dans ses salons que sur les pentes du Carlitte !
Mais à Font-Romeu la fréquentation est beaucoup plus variée : outre les skieurs parisiens qui ont affronté le redoutable parcours ferroviaire par Toulouse, le Puymorens et l'arrivée à la Tour de Carol, la palme du nombre revient aux Perpignanais dont le savoureux accent s'entend en tous points du pays. Il y a aussi des "marginaux" tel ce Vosgien robuste et discret qui vient ici tous les hivers pour "piéger" le renard, l'hermine et le lièvre blanc dans les bois de pins entre "Serra de l'ours" et "Kalinera". Il ne demande rien à personne... et personne ne lui a jamais rien demandé : il peut ainsi se croire dans le grand Nord canadien.
En dehors du palace déjà cité, l'un des rares hôtels de la "station" (le mot est trop et trop moderne) est l'ancienne abbaye transformée s'appelant désormais (quelle imagination !) "Hôtel de l'ermitage". Il est géré (encore un bien grand mot !) par un curé modèle réduit (l'abbé Roux), noiraud, jovial et irascible. L'hôtel ? c'est beaucoup dire : quelques chambres aménagées, parfois chauffées, mais, pour quelques-unes, l'abbé recommande à ses "clients" d'apporter leur propre radiateur électrique !
L'hôtel vit dans une agitation permanente et tonitruante car il est colonisé en majorité par des jeunes gens de Perpignan, pour beaucoup rejetons dorés de viticulteurs régionaux, tous (ou presque) rugbymen et tous (ou presque) anciens élèves de l'abbé au moment où il enseignait le latin (mais oui) et le catéchisme.
Cette agitation culmine au moment des repas soigneusement précédés, chez les jeunes, par les cérémonies du pastis. La salle à manger tient à la fois du réfectoire de caserne et d'une "table d'hôte" campagnarde. Le langage, les attitudes et les chants sont résolument du casernicoles.
Au fil des repas et des rasades de rouge du terroir le ton monte encore (est-ce possible ?), des disputes naissent entre rugbymen désireux de se cogner... l'abbé, rigolard, intervient pour le principe jusqu'à ce que les antagonistes le prennent sous les aisselles et le juchent sur le haut d'une armoire. Le fait qu'alors, il abreuve ses "ex-poussins" d'un flot d'injures empruntées surtout à la proche Catalogne, déclenche un immense rire qui met fin aux disputes.
Certains jours, les choses vont plus mal et plus loin et l'abbé entre dans une colère géante (malgré sa petite taille), il file dans sa chambre chercher un vieux pistolet et envoie quelques balles dans le plafond des couloirs. Les jeunes têtes brûlées comprennent, en gens du monde, le message et abandonnent les lieux. On les retrouve dehors, jouant dans la neige comme des gamins de sous le merveilleux clair de lune qui fait briller les paillettes de neige.
Ce genre de folklore et beaucoup d'autres est le lot de presque tous les jours sauf le dimanche où les jeunes perpignanais, respectueux des enseignements que leur a prodigués l'abbé dans leur jeunesse scolaire, respectent le jour du Seigneur.
Il faut les voir, recueillis, dans la vieille chapelle de l'abbaye où l'eau du bénitier ne dégèle pas de tout l'hiver, suivre avec respect la messe que dit l'abbé (en pantoufles) servi par l'aide-cuisinnier (en tablier) sous les yeux intéressés du chat de la maison qui ne bouge par d'un poil pendant toute la cérémonie.
Font-Romeu c'est aussi le ski bien que l'on n'y dispose pas encore d'une remontée mécanique descente d'autant qu'à mi-pente s'est installé un sympathique chalet destiné à la promotion de "la Poule au Pot" (concurrençant dès cette époque, Viandox, Liebig et autres). On s'y fait servir par un gardien cordial un des bols de bouillon glacé ou chaud (suivant le climat du jour) de la fameuse Poule au Pot. Au surplus, si l'on insiste un peu, le gardien (qui ne demande que ça) n'hésite pas à sortir d'un coin connu de lui seul un flacon d'Izarra qui vaut le déplacement.
Ainsi s'écoulait, dans les temps bénis du "ski d'enthousiasme" de mémorables vacances de ski aux arômes inoubliables et désormais introuvables.

(Origine : Pierre Ratinaud "retro-pégalages")
- Nicolas -

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