Parenthèse : des fondations
Vu du ciel, le massif d’Escalas ressemble étonnamment à un silex taillé préhistorique fiché dans le sol et dont l’arête tranchante pointerait vers le ciel.
Il a donc tout pour inspirer au parapentiste de passage le respect que l’on doit aux vieilles lames damas si tranchantes mises au point en Espagne à partir du Wootz découvert par les Européens lors des premières croisades.
Et la comparaison ne s’arrête pas là, ses origines minérales étant aussi faites de ruptures et de plissements complexes martelées par les temps géologiques !
Le centre des Pyrénées présente en effet une architecture étonnante. Alors que la majorité de la chaîne s’organise autour d’une arête est-ouest d’où descendent des vallées perpendiculaires, telles celles de Luchon ou d’Aure, de grands sillons y cheminent selon des axes est-ouest sur près de soixante dix kilomètres, entre la haute vallée de la Garonne et Ax-les-Thermes.
NB: les images suivantes sont extraites d'un panoramique réalisé à un peu plus 3 300 m verticale le Mourtis
A l’origine de celles-ci, le soulèvement d’un fond marin provoqué le jaillissement des Pyrénées. Il souleva ces épaisses strates calcaires, faites des corps des organismes marins morts et accumulés pendant des temps immémoriaux , encore bien visibles à l'Escalette, jusqu’à provoquer la rupture de celles-ci, le bord s’effondrant dans la plaie béante entourant le socle granitique rajeuni qui resurgissait alors au centre du massif.
Le magnifique Tuc de Pan, comme ces semblables plus à l’est, ne serait-il donc qu’un tas de gravats émiettés et tordus oubliés au bord d’un colossal chantier ?
Ce serait oublier les quelques millions d’années qui suivirent durant lesquelles la puissance de l’érosion des glaciers qui furent contraints eux aussi, un temps, de s’écouler parallèlement à la chaîne. Puis ces glaciers trouvèrent des passages naturels vers la plaine, tels qu’il en subsiste encore les traces au col de Caube.
Au centre de la photo le village de Boutx - A gauche le défilé de Saint-Béat et les vestiges de ses carrières de marbre blanc - Derrière Boutx le massif du Gar avec le Pic Saillant ( visite aérienne en 1992 : https://vimeo.com/67464421 ) dominant les falaises calcaire tombant sur les villages de Bezins-Garraux et d'Eup - A droite l'Escalette (estives)
Imaginez un instant le panorama offert par le front de glace et les séracs qui dominaient la plaine de Juzet, encadrés par le Gar et le Cagire !
Ils élargirent ces passes jusqu’à ce que n’intervienne l’actuel réchauffement relatif de notre époque glacière (je sais, cela étonne toujours que l’on rappelle que la Terre est effectivement dans une époque glacière. Mais c’est pourtant bien le cas à l’échelle des temps géologiques pour lesquels notre époque n’est qu’un instant infinitésimal...), avant d’être remplacés à l’œuvre par des centaines de torrents et des rivières charriant chaque jour des millions de tonnes d’alluvions qui remodelèrent tout cela en s’enfonçant plus profondément dans le sol, tranchant les derniers verrous comme celui de Saint-Béat, et abandonnant en altitude les versants patinés par le temps qui nous sont aujourd’hui familiers.
Bon, je pars en vrille là... (parapentiste, aussi)
Tout ça pour dire que pour réaliser des fondations qui tiennent la route dans le massif d'Escalas, il faut avoir de bonnes connaissances, l'esprit ouvert, le ciment et le fer torsadé "généreux" (e.g. marchés de gré à gré plutôt que forfaitaires) et faire preuve de bonnes capacités d'adaptation.
Ce message a été modifié par pan - 16 octobre 2016 - 15:55 .