Voici un petit complément technique sur les télécabines Giovanola :
Les pinces
Tout d'abord, un petit complément sur les pinces elles-mêmes. Les plans présentés sont adaptés du brevet pour les pinces Giovanola (disponible
ici). Ils montrent une pince simple (comme utilisé sur les télécabines biplaces) et non pas les pinces doubles dont sont équipées les installations encore en service. Néanmoins, le principe est exactement le même. Définissons, pour simplifier les discussions qui vont suivre, la distance
Z comme étant la longueur entre la vis n° 22 (en bleu sur le plan) et la visse n° 14 (en rouge sur le plan).
Voici une description simplifiée de l'embrayage d'une pince :
1. La pince est fermée, la cabine est située dans la gare.
Une pince en gare. On remarque que la distance Z est très importante (la pince est complètement fermée).
2. La pince commence à descendre le lanceur. Une barre métallique relève le levier de verrouillage de la pince (no 18). Dès cet instant, la pince est déverrouillée. Elle reste cependant toujours fermée.
3. Le rail d’ouverture de la pince (no 36) apparaît. Il se rapproche progressivement du plan dans lequel se situent les rails de roulement (no 37). Le rail d’ouverture agit sur le galet d’ouverture (no 21, en bleu) qui est solidaire de la suspente et de la tête intérieur (no 54, en vert), ceci provoque un déplacement de la suspente par rapport au châssis de la pince (no 53) qui lui est guidé par les galets principaux de la pince (no 6). Le déplacement de la tête intérieure (en vert) qui monte à l’intérieur de la tête creuse (no 52, en jaune) provoque le déplacement de l’axe du mors mobile (no 14, en rouge) vers la gauche, ceci à cause de l’ouverture oblique de la tête intérieure. L’axe no 14 (en rouge) dans son mouvement vers la gauche entraîne avec lui le mors mobile (no 25, en rouge également) qui s’éloigne du mors fixe (no 26) qui lui est solidaire du châssis de la pince. La pince est maintenant ouverte.
4. Le câble est rentré dans la pince pendant que celle-ci était ouverte. La pince est maintenant refermée, ceci parce que le rail d’ouverture de la pince (no 36) s’est éloigné du plan formé par les rails de roulement (no 37). A cause de ce mouvement, la tête intérieure (en vert) est redescendue sous l’effet du poids du véhicule à l’intérieur de la tête creuse (en jaune), ce qui a provoqué un déplacement vers la droite de l’axe du mors mobile (en rouge) et donc un déplacement vers la droite du mors mobile (no 25, en rouge) qui s’est rapproché du mors fixe (no 26). La mâchoire formée par le mors mobile et le mors fixe (nos 25 et 26) s’est donc serrée autour du câble. Cependant la pince n’est toujours pas verrouillée, le levier de sécurité (no 18, en gris) est toujours maintenu ouvert par une nouvelle barre, similaire à celle qui nous intéressait au point 2. Celle-ci n'est pas indispensable au bon fonctionnement de l'installation. Elle n'existait d'ailleurs pas sur les premières installations à pince Giovanola. Elle est par contre indispensable en cas d'exploitation en marche arrière.
Une pince en cours de fermeture en fin de lanceur. On remarque le dispositif maintenant la pince déverrouillée. On voit sur la gauche un premier gabarit contrôlant la fermeture correcte des mors de la pince.
Une pince déverrouillée mais toujours fermée (ici côté arrivée, TCD4 Saas Fee - Hannig). On remarque aussi le dispositif contrôlant que la pince est correctement fermée (voir plus bas).
5. Le levier de sécurité (no 18) a maintenant été relâché, la pince est verrouillée et donc prête pour transporter son véhicule jusqu’à la prochaine gare où la manœuvre recommencera mais dans l’ordre inverse.
Une pince en ligne. On remarque que la distance Z est plus faible que lorsque la pince est en gare.
Vue d'un lanceur (en fausses couleurs). On voit en bleu le rail ouvrant la pince (agissant sur le galet no 21) et les deux rails de déverrouillage en jaune. Les positions des pinces correspondant aux étapes décrites ci-dessus sont indiquées.
Cette description est simplifiée. En réalité, les étapes 2 à 4 se chevauchent, la pince commence à s'ouvrir peu après l'apparition du rail de déverrouillage et elle est encore ouverte au début de l'étape 4. Le degré d'ouverture à chaque instant dans le lanceur peut être estimé par la distance séparant les rails bleu et rouge sur l'image ci-dessus. On peut par exemple observer sur l'image pour l'étape 4 (lanceur), que la mâchoire à gauche de l'image est davantage fermée que celle située à droite.
Lors du débrayage, les étapes sont les mêmes mais dans l'ordre inverse. Néanmoins, les ralentisseurs sont agencés un peu différemment. Par exemple, le rail d'ouverture des pinces est bien plus court. Ils sont également équipés de deux cliquets anti-retour, ce qui rend impossible leur utilisation comme lanceur en cas de marche arrière. Sur les installations ayant été équipées de pneus dans les lanceurs et ralentisseur (TCD4 Marécottes - la Creusaz par exemple), les cliquets anti-retour ont été supprimés.
Un ralentisseur non transformé. On remarque que le rail d'ouverture est bien plus court que pour le lanceur. Dans la moitié gauche de l'image, on devine les deux cliquets anti-retour (fixés au rail supérieur).
Juste pour information, ces pinces sont composées de 64 pièces différentes et 248 pièces au total (sans compter les cales de réglage). Par ailleurs elles peuvent être ouvertes à la main en tenant ouvert le levier de déverrouillage (18) et en soulevant la cabine à l'aide d'un levier qui agit sur le galet d'ouverture et prend appuis sur le châssis de la pince.
Note 1 : les plans 1 et 2 ne reflètent pas exactement la réalité. Lorsque la pince se trouve en gare, elle est complètement fermée (la pièce 54 descend jusqu'à la butée, ce qui n'est pas le cas sur le plan).
Note 2 : les couleurs ne correspondent malheureusement pas à celles utilisées par jclf plus haut, mais j'ai fait ces différentes figures il y a longtemps et je refuse de toutes les refaire juste pour ça.
Le pesage des pinces
Comme il s’agit de pinces à gravité, il n’est pas possible de vérifier que la force de serrage est bien comprise entre deux valeurs définies à l’avance, comme sur une pince à ressort. En effet, la force de serrage dépend de la masse de la cabine. La distance
Z définie plus haut varie en fonction de la charge transportée. Plus elle est importante, plus la pince serre, et inversement.
Il est vérifié lors des révisions que même si la distance
Z est minimale (la vis (22) est en contact avec le levier de verrouillage (18)), la force de serrage soit bien supérieure à une valeur limite. En particulier, elle doit être suffisante pour qu'il n'y ait pas de glissement dans le cas de charge le plus défavorable. Ce test ne peut pas être effectué en exploitation mais est fait lors des révisions.
En exploitation, il est vérifié avant chaque débrayage et après chaque embrayage que la distance
Z est comprise entre deux bornes prédéfinies. La borne inférieure correspond au cas où la vis 22 touche le bas du levier de verrouillage 18. La contrôle se fait au moyen d’un gabarit en métal. Si la distance est trop grande, la vis tape dans le gabarit ce qui arrête l’installation. La distance
Z est fonction de la charge transportée, de l’usure de la pince et du diamètre du câble. Avec l’augmentation de l’usure des pinces et la diminution du diamètre du câble au fil des années, les pinces doivent être régulièrement réglées afin de ramener la distance
Z dans des valeurs normales. L’embrayage des pinces sur l’épissure n’est pas possible. En effet, à cet endroit le diamètre du câble peut être plus grand ce qui modifie la distance
Z. Pour cette raison, les contrôles de bon embrayage deviennent biaisés. Il existe un dispositif qui bloque automatiquement le départ des cabines pendant le passage en gare de l'épissure.
En fait, les réglages doivent permettre d'affirmer que si pour deux pinces la distance
Z est identique, alors la force de serrage est identique également. Par ailleurs, un gabarit vérifie également que les mors de la pince soient suffisamment proches l'un de l'autre.
Les gabarits de contrôle en sortie de gare. On voit à gauche ceux contrôlant directement les mors de la pince et à droite ceux contrôlant la distance Z et la bonne position du levier de verrouillage.
Vue des gabarits de contrôle en sortie de gare. On voit sous le câble les deux gabarits contrôlant la bonne position des mors de la pince alors que ceux contrôlant la position du levier de verrouillage (18) et de l'axe 22 se trouvent à l'extérieur de la ligne (en haut de l'image).
Une pince au passage du gabarit en entrée de gare. Comme elle y passe après l'ouverture du levier 18 (étape 4 de l'embrayage = étape 2 du débrayage), il n'y a que la position de l'axe 22 qui est contrôlée. On voit sur l'image que le levier 18 est déjà ouvert au passage du gabarit (en bleu).
Les détecteurs de déraillement
Pour répondre à une question posée par Velro dans le sujet sur la TCD4 des Marécottes, voici quelques explications concernant les détecteurs de déraillement qui équipent ces installations. Il s’agit de détecteurs modèle «Sulzberger» (car construits par la société Ferdinand Sulzberger, elektromechanische Werkstätte à Thoune). Ils ont été utilisés essentiellement sur les installations Giovanola ainsi que les télésièges Von Roll VR101. Ils ont parfois été employés sur d’autres installations (télébenne de la Vudalla au Moléson (FR) par exemple). Ces détecteurs possèdent deux points de fixation. Chaque fixation se fait sur un groupe de deux galets. Les pylônes possédant 4 ou 6 galets sont équipés d'un détecteur alors que les pylônes équipés de 8 galets en possèdent 2. Ce montage ne s'applique qu'aux pylônes support.
Montage d'un détecteur Sulzberger sur un groupe de 4 galets.
Montage d'un détecteur Sulzberger sur un pylône compression. Un galet palpeur mobile situé sous le câble assisté par un contrepoids permet la détection des déraillements.
Le fonctionnement est décrit ci-dessous. Les plans présentés sont adaptés du brevet pour ces détecteurs qui est disponible
ici.
Ces détecteurs sont composés d’un tube (no 7, en bleu) relié à un axe (no 8, également en bleu) qui est fixé au premier point d’attache. De l’autre côté, un axe (no 18, en gris) coulisse à l’intérieur du tube. Il est relié au deuxième point d’attache du détecteur. Une pièce en caoutchouc (no 19) permet de garantir l’étanchéité au niveau de la jonction entre le tube creux et l’axe 18. Un ressort (no 12) est relié d’un côté au tube creux et de l’autre à l’axe 18. Ce ressort est comprimé lors de la marche normale. L’axe principal (no 18, en gris) possède une section de plus petit diamètre (no 14), à la hauteur de laquelle se trouve un interrupteur (no 17, en rouge) actionné par un poussoir (no 16, en rouge également). La présence du ressort pousse l’axe no 18 à rentrer à l’intérieur du cylindre, ce qui fait que les deux points d’attache ont tendance à se rapprocher. Lorsque le câble est correctement en place, celui-ci appuie sur les groupes de deux galets et les empêche de bouger, c’est pourquoi l'axe du détecteur lui aussi ne bouge pas car la force du ressort est plus faible que celle qu’exerce le câble sur le train de galets.
Les groupes de deux galets bougent légèrement pendant l’exploitation normale, principalement lors du passage d’une cabine sur le pylône. Ces légers déplacements se retrouvent dans le détecteur de déraillement où l’axe bouge légèrement à l’intérieur du tube. Cependant, tant que la course de l’axe ne dépasse pas la longueur de la partie de l’axe ayant un diamètre inférieur (no 14), rien ne se passe et l’exploitation continue.
Plan général des détecteurs Sulzberger.
Déroulement d’une détection de déraillement :
1. Pour une quelconque raison, le câble déraille d’un ou de plusieurs galets et tombe dans les rattrape-câble (déraillement vers l’extérieur de la ligne) ou dans les barres de fixation du détecteur de déraillement (déraillement vers l’intérieur de la ligne).
2. Dès cet instant, le poids du câble sur les galets disparaît. Les groupes de deux galets vont donc être déplacés par le ressort du détecteur de déraillement. Le ressort se détend et l’axe du détecteur se déplace vers la gauche et rentre partiellement à l’intérieur de celui-ci. À cause de ce déplacement, la partie de l’axe de plus petit diamètre (no 14) normalement située en face du poussoir de l’interrupteur se déplace plus à gauche et c’est une section de l’axe de diamètre normal qui vient se mettre devant le poussoir. Celui-ci est donc actionné, ce qui déclenche l’arrêt de l’installation (en provoquant par exemple l'ouverture du circuit de surveillance, ce qui modifie le courant qui y circule et déclenche l'arrêt).
Détail sur l'interrupteur (en rouge). Tant que la partie verte de la tige reste en face de l'interrupteur, il n'y a pas de déclenchement. Si la partie jaune, de grand diamètre, se déplace et vient toucher le poussoir rouge, l'ordre d'arrêt est donné.
D'une manière générale, si les galets restent en position concave (mais pas trop), il n'y a pas de déclenchement. Si le câble disparaît, le ressort place les galets en position convexe et il y a déclenchement. Ceci est illustré par
cette photo (TCD4 Gant - Blauherd, photo Abr).
Voilà, j'espère avoir été compréhensible et ne pas avoir fait trop d’erreurs. Sauf indication contraire, toutes les photos montrent la télécabine les Diablerets - Isenau.
Sinon 10sami52, il manque toujours la TCD4 Verbier - Savoleyres dans ta liste.
Ce message a été modifié par Fael - 16 novembre 2018 - 23:16 .