[nicobsa]

Le 3 Juillet 1897, un industriel français du nom de Saturnin Fabre, conseiller général du Var, demande à la commune des Houches (Haute-Savoie), l'attribution d'une concession pour la construction d'un chemin de fer à crémaillère devant atteindre le Mont-Blanc (rien que cela !) par une "galerie souterraine suivant, à faible profondeur, les pentes rocheuses de la montagne". Il fait appel à un comité scientifique comprenant des géologues, des physiologistes et des médecins. On peut s'étonner qu'à une époque où, grâce déjà à de nombreuses études, on savait que les épaisseurs de glace étaient énormes (atteignant des centaines de mètres en certains endroits), on puisse imaginer "un parcours souterrain à faible profondeur...". Quoiqu'il en soit, Monsieur Fabre obtient l'appui de Joseph Vallot (pourtant un savant !), directeur et créateur de l'observatoire du Mont-Blanc et il engage des campagnes d'exploration (mais uniquement en surface !).
Il faut alors convaincre les chamoniards toujours réticents devant les nouveautés et Monsieur Vallot fait admettre que "...les touristes ne viennent à Chamonix ni pour leur santé, ni pour leurs affaires, mais que tous, sans exceptions, y sont attirés par le désir de contempler les beautés de la montagne. De tous les chemins de fer de haute-montagne, celui du Mont-Blanc est le plus susceptible de réussir. D'abord, c'est la montagne la plus haut de la vieille Europe, ensuite, c'est la plus célèbre...". Chamonix est convaincu, le chemin de fer "est sur ses rails".
Le projet est achevé sur le papier en 1903. Le chemin de fer partira des Houches à 1235 mètres d'altitude, il sera en souterrain (éclairé électriquement) pendant 10 km et atteindra l'altitude de 4560 mètres aux "rochers rouges". A partir de là, des "traineaux-funiculaires"(sic) monteront les touristes jusqu'au sommer même du Mont-Blanc. Cinq stations ("gros Béchard, aiguille du goûter, dôme du goûter, les bosses, rochers rouges") avec des percées dans les parois du tunnel permettront aux passagers de nombreuses "échappées visuelles" sur tout le massif. La ligne fera, au total, 17 km, réparties en 8 sections. Il sera possible d'avoir cinq "convois" simultanément sur la ligne dont la pente moyenne sera de 60 %.
Les "convois" auront une motrice électrique de 3 à 400 CV (mais on n'a pas défini le type exact de motorisation), les wagons restent plus ou moins indéterminés mais on assure que leurs passagers pourront se promener librement sur le dôme du Goûter. Ainsi en ont décidé, entre autres, Messieurs les physiologistes du comité d'études.
Tout s'arrête en 1902 au moment précis où, Henri Duportal dépose une demande de concessions pour le "tramway du Mont-Blanc" qui ne perdra pas de temps pour naître d'un dossier visiblement plus solide que celui de Monsieur Fabre.
On peut, certes, s'étonner que ledit dossier de Fabre ait reçu une audience normale de la part de scientifiques qui, à terme, semblent avoir ignoré les quasi impossibilité de réalisation de cette utopie mais il faut se souvenir que l'exemple du chemin de fer à crémaillère de la Jungfrau montrera, en 1912, la possibilité de voies ascendantes creusées dans les montagnes.

Origine document : ouvrage "du rail au câble", conseil général de Haute-Savoie