Je souhaiterais revenir un instant sur certains sujets discutés ci-dessus :
Concernant ce levier sur les pinces PHB et PWH :
Ce levier est très probablement issu d’un développement réalisé par PHB en 1971 afin d’améliorer la sécurité. Voici donc une explication simplifiée de ce système, principalement basée sur le brevet correspondant (à voir
ici pour des renseignements plus détaillés). Je me référerai aux figures du brevet. Je n’ai jamais visité de télécabine PHB/PWH donc j’ignore si les idées qui y sont exposées ont été appliquées jusqu’au bout ou non. Les leviers visibles dans les reportages servent peut-être à autre chose mais cela me paraît peu probable.
Il s’agit d’un système permettant une mesure de la force de serrage de la pince. Sur les pinces Giovanola « authentiques », un des mors est mobile (celui côté extérieur de la ligne), l’autre est fixe et est vissé dans le corps principal de la pince. Sur ces pinces modifiées, le mors fixe (comprendre les mors fixes puisque ce sont des doubles pinces) a été remplacé par un mors pouvant coulisser parallèlement au câble. Un ressort de grande raideur (n° 8) le maintien à son emplacement normal. La grande raideur du ressort permet de le considérer comme fixe en exploitation normale (par exemple durant l’embrayage). Un levier (n° 9) positionné du côté intérieur de la pince permet de déplacer les mors fixes parallèlement au câble en comprimant le ressort (voir figures 1 à 3 du brevet).
Il est donc possible de contrôler la force de serrage de façon précise si l’on a une équivalence entre la force appliquée sur le levier et la force longitudinale exercée sur le câble par le mors fixe.

Une pince Giovanola normale. Les mors fixes sont vissés dans le corps de la pince (Diablerets - Isenau).
On trouve
ici une image similaire sur une TCD4 PHB (
TCD4 du Hochgrat). On remarque le levier à l’extérieur de la pince qui déplace les 2 mors. On voit aussi que les mors « fixes » peuvent se déplacer en coulissant sur la pièce d’aspect doré. Pour ceux que ça intéresse, on trouve des vues détaillées de ces pinces
ici (en deuxième partie de page).
En pratique, la mesure se fait de la façon suivante :
1. Après embrayage de la pince sur le câble, un rail monté sur ressort (n° 25) permet de mesurer approximativement le poids de la cabine. De là, on déduit la force de serrage minimale pour la pince. Cette étape est nécessaire puisque la force de serrage dépend du poids de la cabine.
2. On applique à l’aide d’un rail mobile (n° 13) une force sur le levier. Elle est choisie de telle façon à ce que le mors exerce sur le câble une force égale à celle déterminée à l'étape précédente (cf. fig 5). Si la pince serre suffisamment, le levier ne bouge pas et le rail appliquant la force est repoussé vers le haut au passage de la cabine (position en traits pleins). Si la force de la pince est insuffisante, le mors fixe glisse le long du câble ce qui abaisse le levier de test. Le rail qui l’actionne s’abaisse à son tour ce qui arrête l’installation (position en traits-tillés).
C’est précisément le système de contrôle que l’on voit sur cette image issue du reportage de monchu. On voit le rail monté sur ressort qui vient actionner le levier de test.
Cette idée de mesurer la vraie force des pinces n’était pas nouvelle puisque Giovanola eux-mêmes ont déposé en 1968 un brevet pour un dispositif testant la résistance au glissement des pinces à chaque embrayage (à voir
ici). J’ignore si ceci a été mis en pratique quelque part.
Sur les installations conventionnelles, le contrôle des pinces se base uniquement sur la mesure d'une distance représentative de la force de la pince. Pour que ce système soit utile, il faut qu’une pince qui est fermée de façon minimum ait suffisamment de force pour ne pas glisser dans le cas de charge le plus défavorable. Ceci ne peut pas être contrôlé en exploitation mais uniquement durant la maintenance.
Concernant le ressort entre les mors de la pince:

Vue du ressort entre les mâchoires de la pince (ici en position ouverte).
Son utilité est mentionnée dans un des deux brevets additionnels pour la pince Giovanola (à voir
ici, à suivre pour les numéros de pièce). Sa présence est liée à l'articulation nécessaire entre les suspentes (toujours verticales) et les mors (suivant la pente). C'est vraisemblablement la solution présentée dans ce brevet qui a été retenue par la suite puisqu'il me semble que toutes les installations en service possèdent ces ressorts.
La solution choisie sur les pinces modernes est de partager en deux pièces distinctes « l'axe rouge ». Le cas présenté dans le brevet est légèrement différent puisque c'est l'axe (n° 60) et le mors mobile (n° 61) qui ne sont pas solidaires l'un de l'autre. Comme les pièces ne sont pas reliées, l'articulation lors des changements de pente se fait facilement. Il est par contre nécessaire d'ajouter un ressort pour permettre l'ouverture de la pince. Sinon, à l'ouverture, l'axe 60 coulisserait vers la gauche mais le mors mobile ne bougerait pas (puisqu'il n'est pas lié à l'axe) et resterait en contact avec le câble. Il faut donc ajouter un ressort qui tend à ouvrir la mâchoire. À l'ouverture, il pousse le mors vers la gauche pour le maintenir en contact avec l'axe. À la fermeture, la force due au poids de la cabine comprime le ressort ce qui referme la mâchoire.
Concernant l’utilité du levier de verrouillage :
La réponse simple est que c’est une obligation légale :
Ordonnance sur les téléphériques à mouvement continu dit :
707.5 Les pinces ne devront pas, pendant la course, se détacher du câble sous l'influence d'actions extérieures. Les pinces à gravité seront verrouillées.
Si on veut creuser davantage, il y a effectivement la question des oscillations, du vent et d’éventuels chocs durant le trajet.
En première approximation la force de serrage est proportionnelle à la charge suspendue à la pince. Par conséquent, le coefficient de sécurité (force de résistance au glissement / composante parallèle au câble de la force de pesanteur du véhicule) reste approximativement le même pour toutes les charges puisque le dénominateur est lui aussi proportionnel à la charge transportée. Pour une pince à ressort (ou similaire) dont la force est constante (indépendante de la masse), le coefficient de sécurité décroit lorsque la masse augmente.
En réalité, la pince elle-même ne participe pas à son propre serrage. La masse participant au serrage est donc inférieure (d’une valeur fixe qui est d’environ 50 kg) à la masse totale (véhicule + suspente + pince + charge transportée). En conséquence, pour une grande charge, la proportion de la masse totale qui contribue au serrage est plus grande que pour une petite charge. Par conséquent, le coefficient de sécurité augmente légèrement avec la charge.
C'est donc pour les pinces les moins chargées (cabines vides) que la situation est la plus critique. Prenons l'exemple des célèbres cabines « Eggli » comme on trouve à Isenau. Leur construction comportant peu de métal les rend particulièrement légères (120 kg). Si on ajoute la suspente et la pince, on obtient une masse à vide d'environ 250 kg. Elles sont certainement parmi les cabines 4 places les plus légères à avoir été utilisées. Comme mentionné auparavant, la pince ne participe pas à son propre serrage, donc la masse à considérer est de l'ordre de 200 kg (soit tout de même moins que les 400 à 800 kg évoqués plus haut dans le sujet).
Plus la pente est grande, plus il est important d'avoir une force de serrage élevée pour éviter un glissement de la cabine. Si on prend un cas un peu extrême avec une pente de 100 % (cela a existé, par exemple sur la TCD2 de Thollon les Mémises), la composante parallèle au câble du poids de la cabine devient importante (de l’ordre de 70 % du poids total). On voit en faisant quelques estimations qu'il est alors imaginable de dépasser la limite de glissement en ajoutant par exemple un fort vent de face (parallèlement au câble en direction de la descente) avec simultanément une importante oscillation verticale du câble (par exemple suite à un arrêt d’urgence).
N’étant pas assez connaisseur, je ne me lancerai pas dans des calculs plus détaillés ici, mais des cas où ces leviers de verrouillage sont réellement utiles ne sont certainement pas complètement impossibles. D'autres effets dynamiques peuvent probablement mener au même résultat.
Voilà pour ce petit complément. J’espère ne pas avoir fait trop d’erreurs, merci de me les signaler le cas échéant. Merci aussi pour toutes ces discussions, je ne me serais probablement pas replongé dans le fonctionnement de ces pinces sinon. J’ai aussi ajouté quelques images à mon message à la page 6 de ce sujet.
Je profite de ce message pour poser une question : il a été mentionné plusieurs fois sur le forum que les pinces Giovanola seraient interdites dès 2025 par l'OFT. Quelqu'un connaît-il un communiqué de l'OFT ou une quelconque source officielle qui le mentionne ? Ou s'agit-il plutôt d'une rumeur ?
Ce message a été modifié par Fael - 02 août 2018 - 11:27 .