Juste à titre d'exemple et de mémoire :
-Responsabilité de l'exploitant en cas d'accident,
- Règlementations applicables en matière de sécurité,
- Répartition des rôles entre commune et exploitant,
- Contentieux concernant l'implantation de nouvelles installations …
Je propose que tout membre qui s'interroge sur un point juridique fasse part de sa question ici. Les membres ayant des connaissances en droit ou familiers de la réglementation pourront tenter d'y répondre.
Je propose aussi de régulièrement y traiter d'un point particulier du droit applicable aux remontées mécaniques et plus largement aux activités de sports d'hiver (domaine skiable, stations …).
J'ai conscience que le droit en rebute beaucoup mais après tout, le droit est partout autour de nous et les remontées mécaniques, essentiellement pour des raisons de sécurité mais pas seulement, sont particulièrement encadrées par le droit.
Pour commencer ce sujet, je prendrai un arrêt relativement récent de la Cour d'appel de Chambéry (9 novembre 2010) qui concerne la télécabine de Morillon (Grand Massif) et qui aborde la notion juridique de la voie de fait.
Le procès oppose, d'une part, le propriétaire d'une ferme que survole la télécabine, à d'autre part, la commune de Morillon et la société du Domaine Skiable du Giffre.
Le propriétaire a acquis la ferme en 2002. Le bâtiment supporte depuis 1957 une servitude de survol d'une remontée mécanique (à l'époque un TSF2). Ceci implique que le propriétaire a accepté de limiter son droit de propriété en accordant à un tiers le droit, en l'espèce, de faire passer une remontée mécanique au dessus de sa propriété. (Le Code civil – art. 552 – dispose que « la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous ».)
En 2004, le propriétaire a fait réaliser des travaux de rénovation dans la ferme. Il a notamment fait procéder à la réfection de la toiture. Quelques semaines plus tard, il reçoit un courrier de la mairie lui indiquant que la distance entre le toit de la ferme et la télécabine n'est pas conforme à la réglementation en vigueur.
Pour permettre l'ouverture de la télécabine pour la saison d'hiver, le toit de la ferme est découpé.
Un désaccord subsistant concernant la prise en charge des travaux à réaliser pour mettre fin au problème, une expertise judiciaire a été ordonnée fin 2006 par le Tribunal de Grande Instance de Bonnevillle.
Et que découvre-t-on à la lecture du rapport de l'expert en mars 2008 ? La non-conformité des conditions de survol de la ferme par la télécabine ne résultait pas de la réfection de la toiture mais préexistait antérieurement aux travaux !
En d'autres termes, la distance réglementaire entre le toit et la télécabine n'était pas respectée depuis la construction de la remontée en 1985 ! Le constructeur de la télécabine n'avait pas respecté la réglementation.
Dans ces conditions, en juillet 2009, le propriétaire a assigné devant le TGI de Bonneville, la commune de Morillon, la SA Domaine skiable du Giffre et leurs assureurs pour les voir condamnés à effectuer des travaux de modification du tracé de la télécabine pour respecter la réglementation en matière de distance, ainsi que les travaux de remise en état de la ferme.
Devant le Tribunal, la commune a soulevé l'incompétence de cette juridiction estimant que ce litige relevait de la compétence du Tribunal administratif, juge compétent pour juger des acte de l'administration. Le TGI a rejeté cet argument estimant qu'en l'espèce le propriétaire avait été victime d'une voie de fait de la part de l'administration.
Petite parenthèse ici pour expliquer rapidement la notion de voie de fait en droit administratif :
Il y a voie de fait lorsque l'administration procède à une opération matérielle dans des conditions manifestement insusceptibles de se rattacher à l'exercice d'un de ses pouvoirs, et portant atteinte soit à une liberté publique, soit à la propriété d'un administré.
En principe, les actes de l'administration relèvent de la compétence du juge administratif mais une voie de fait est un acte si grave que le juge judiciaire, juge naturel des libertés, est compétent pour juger de l'action en responsabilité contre l'administration et même prononcer la nullité de l'acte litigieux.
La commune de Morillon a fait appel et la Cour a jugé, le 9 novembre 2010 :
« Attendu qu'ainsi, l'implantation de la télécabine par la commune a été faite en violation des dispositions réglementaires applicables ; que ce non respect de la législation porte une atteinte grave à la propriété de M. et Mme …. qui ont été contraints de réduire le volume de celle-ci, subissant ainsi une véritable dépossession ;
Que ce comportement est incontestablement constitutif d'une voie de fait ».
Cet arrêt ne tranche, en principe que la question de la compétence mais, concrètement, la voie de fait étant reconnue, le propriétaire obtiendra gain de cause au final. Soit, l'administration paiera les travaux sur la ferme pour que la réglementation soit respectée et indemnisera le propriétaire, soit, elle devra modifier la remontée mécanique de sorte que la hauteur de survol soit conforme.
Cette affaire est instructive à plusieurs titres :
- L'affaire a commencé en 2004 et n'est toujours pas jugée définitivement. C'est très courant mais démontre que la lenteur de la justice n'est pas une légende.
- La commune qui a soulevé le loup pensant que le propriétaire était en tort risque fort de devoir l'indemniser et modifier la remontée.
- Une erreur de conception (de quelques centimètres ?) va peut-être contraindre l'exploitant à modifier la télécabine des années après la construction.
- L'administration peut commettre une voie de fait, acte portant gravement atteinte aux droits des citoyens, en implantant une remontée mécanique de manière irrégulière.
Voici pour cette première chronique sur le droit appliqué aux remontées mécaniques. Si des questions particulières vous intéressent, n'hésitez pas à les soumettre.
Ce message a été modifié par dombar - 19 juillet 2011 - 16:10 .