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 TCD2 de la Cote 2000

Villard-de-Lans (Espace Villard-Corrençon)

Câbles & Monorails - Mancini

T2 HS
Description rapide :
La première télécabine de France.

Année de construction : 1951
Année de fin de service en : 1973

Remplacé par l'appareil suivant : Suivre la discussion sur le forum



 
Introduction - Villard-de-Lans
Auteur de ce reportage : lolo42
Section écrite le 27/12/2015 et mise à jour le 04/01/2020
(Mise en cache le 04/01/2020)

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A quelques tours de roue du village de Villard-de-Lans, la télécabine de la Cote 2000 constitue depuis trois générations d’appareils, la remontée structurante du principal domaine de ski alpin du Vercors. Je vous propose de remonter le temps pour une présentation de l’appareil originel : le « télévoiture » de Mancini installé en 1951. Un aménagement pionnier à plus d’un titre…



Villard-de-Lans

Villard-de-Lans est la principale commune de la région des Quatre Montagnes, au nord du Vercors, dans l'Isère. Le bourg, à l’architecture relativement préservée, étend ses habitations sur une vaste prairie d’altitude, dominée par la Grande Moucherolle, deuxième point culminant du Vercors à 2.286 mètres, le roc Cornafion et les arêtes du Gerbier.

Le village, qui jouit d’un cadre verdoyant, se forgea rapidement une réputation d'agréable station climatique où la bourgeoisie et les enfants fragiles venaient prendre des cures d’air. Villard-de-Lans cristallisait la perception d’une montagne apaisante et régénératrice. L’offre hôtelière se développa rapidement, avec une part importante d'établissements de standing. L'essor des transports et l'ouverture du tramway reliant Grenoble à Villard-de-Lans en 1920 ont largement contribué à cette envolée touristique. L’hiver, la neige, d’abord valorisée pour son aspect contemplatif, permit un développement des sports d’hiver de manière relativement précoce.

Villard-de-Lans compte en effet parmi les plus anciennes stations de ski des alpes dauphinoises : un des premiers concours de ski de France y fut organisé par l’armée en 1907 ; deux ans plus tard, le club de ski local fut créé. Dans les années 1930, on pratiquait le ski de descente sur différents prés du village ou sur les pentes plus engagées de la Cote 2000. Cette culture du ski et les bonnes volontés locales permirent rapidement la mise en service de premières remontées mécaniques d'abord aux Bains et aux Cochettes, puis à la Cote 2000 où se développe le domaine actuel.

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(DR, coll. Laurent Berne)

 
Les pionniers des années 1930
Auteur de ce reportage : lolo42
Section écrite le 31/12/2015 et mise à jour le 21/09/2019
(Mise en cache le 04/01/2020)

Les pionniers des années 1930

La colline des Bains : du télétraineau à bœuf au monte-pente Dandelot-Pomagalski

La première remontée de Villard fut installée pour l’hiver 1934-1935 sur la pente douce de la colline des Bains, au niveau du bourg. Il s’agissait d’un modeste télétraineau de quelque 200 mètres pouvant transporter 5 ou 6 skieurs. Le traineau était relié à un câble en boucle tendu entre deux poulies. L'ensemble était mis en mouvement par un bœuf qui, attelée au câble, effectuait des allers-retours. Cette première tentative on ne peut plus artisanale de remonte-pente fut cependant abandonnée dès la fin de sa première saison d’exploitation.

La colline des Bains fut ensuite équipée à compter de l'hiver 1937 d’un véritable téléski Dandelot système Pomagalski. Les suspentes étaient rendues débrayables grâce à une attache dite anneau. Les bagues coulissantes des suspentes disposaient d'une embase élargie en forme d'anneau, au travers de laquelle le câble pouvait circuler librement et laissées stockées en gare sur une glissière. Peu fiable, l’appareil fut amélioré en 1950 par Pierre Montaz.


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Le monte-pente Pomagalski de la colline des Bains desservait une petite piste pour débutants de 200 mètres offrant une vue agréable sur le village.
(DR, coll. Laurent Berne)


Les Cochettes : « l'aéro-glisseur » de Marcel Dumas

Juste avant le téléski des Bains, il fut mis en service dès décembre 1936, à l'est du village, le téléski des Cochettes. L'équipement fut installé sur l’initiative de plusieurs Villardiens, parmi lesquels Georges Huart, journaliste à la tête du syndicat d’initiative, Marcel Dumas, ingénieur-chef à la société de production électrique locale, Victor Huillier, autocariste, et Léon Magdelen, propriétaire du Grand hôtel de Paris.

Entièrement conçu par Marcel Dumas, l’appareil s’inspirait des transporteurs aériens de matériaux. C’était un étonnant engin bicâble dont les chariots étaient débrayés du câble tracteur en stations terminales. L’appareil s’étendait sur 721 mètres (une longueur déjà honorable pour l’époque) et rachetait 203 mètres de dénivelée. La ligne était soutenue par six pylônes en bois en « A ». Luxe ultime, il était animé par un moteur électrique raccordé au réseau de la société pour laquelle travaillait Marcel Dumas. Les suspentes recevaient des enrouleurs et une sellette en J.

En cas de manque de neige sur le bas de la piste, le concepteur avait en outre prévu de pouvoir exploiter l'engin en utilisant des sièges dont le poids aurait été supporté par le câble porteur. Ignorant que l'américain James Curran était également en train de développer à Sun Valley dans l'Idaho une remontées pour skieurs avec sièges aériens, l'ingénieux Marcel Dumas venait d'imaginer en toute indépendance, en France, le télésiège. Il avait nommé son engin « l'aéro-glisseur », faisant ainsi ressortir les deux modes possibles d'exploitation pour remonter la pente : en aérien avec des sièges, ou en glissant sur la neige avec des enrouleurs.


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La piste des Cochettes et le téléski(-télésiège) de Marcel Dumas, dont on distingue les pylônes en A.
(DR, coll. Laurent Berne)

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La Cote 2000 : le projet de téléphérique de Pierre Chabert

Ces premières installations ont donné le coup d’envoi de la mécanisation du ski alpin à Villard, mais les vastes espaces de la Cote 2000, en contrebas de la Grande Moucherolle, qui constituaient les espaces de ski les plus intéressants, tant par leur altitude, leur exposition, leur longueur que leur technique, restaient encore vierge d’équipement. Ce massif, orienté au nord, autorisait pourtant une descente en continu de 3 km 200 depuis 2.000 mètres d'altitude jusqu'à 1.080 mètres, au niveau du hameau des Pouteils, facilement accessible par automobile.

En outre, le lieu était déjà, depuis 1934, le théâtre de la grande course régionale de la Cote 2000 qui, pour son édition de 1935, vit la participation de toute l'équipe de France et la victoire d’Emile Allais. Au fil du temps, le secteur de la Cote 2000, dont Georges Huard ne manquait pas de faire la promotion, devint le terrain de jeux favori des skieurs sportifs de la région. Le site s’enrichit d'une piste de bobsleigh, mais également d'une nouvelle piste de ski de descente défrichée en forêt en 1936 jusqu'aux Pouteils, qui accueillit la finale de la coupe Fémina de Ski en février 1937. Cependant, les montées s'effectuaient toujours en peau de bête.

Fort de ce constat, et inspiré par l’exemple de Charles Viard à Megève, qui avait mis en service en 1933 à Rochebrune, le premier téléphérique à destination des skieurs de France, Pierre Chabert, maire de Lans-en-Vercors, conseiller général du canton et propriétaire, à Villard, de l’hôtel de l’Adret, impulsa l’idée d’un téléphérique. Pierre Chabert parvint à associer 204 Villardiens au projet ; la société du Téléférique de Villard-de-Lans fut créée et des études furent lancées.

L'équipement projeté était un téléphérique à va-et-vient devant relier le hameau des Pouteils à la Cote 2000, précisément à 1.926 mètres d'altitude, suivant un parcours d'une longueur conséquente de 2.800 mètres rachetant 846 mètres de dénivelé.


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Tracé de 1935 du téléphérique de la Cote 2000.
(DR, Archives de l'Isère, remerciement à Ventoux)


En 1936, les ateliers sarrois Heckel furent retenus pour la construction. Malheureusement, les considérations financières et l'éloignement du bourg ne permirent pas au projet d'aboutir. Dans la presse locale de février 1937, le maire de Villard René Mure-Ravaud, expliquait qu'il était désormais étudié « la création d'un monte-pente pour accéder a la cote 2000, puisque celle d'un téléférique a été reconnue irréalisable ». Mais la Seconde guerre mondiale porta également un coup d'arrêt à cette idée.

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La Grande Moucherolle, le massif de la Cote 2000 et le téléphérique à va-et-vient projeté.
(DR, coll. Laurent Berne)

 
La première télécabine de France
Auteur de ce reportage : Lolo42
Section écrite le 13/09/2018 et mise à jour le 04/01/2020
(Mise en cache le 04/01/2020)

La première télécabine de France

Du Piémont au Vercors

Après-guerre, avec la démocratisation progressive du ski alpin et l'activité économique en plein essor, l’idée de Pierre Chabert d’équiper les pentes de la Cote 2000, fut reprise par les Villardiens. Hôteliers, commerçants et industriels s’unirent pour fonder en décembre 1949 la société d’équipement de Villard-de-Lans (SEVL), avec à leur tête des pionniers de la première heure, parmi lesquels Léon Magdelen, qui occupait le poste de président, et l'autocariste Victor Huillier, qui usa d'une astuce pour impulser le développement des remontées mécaniques à Villard. L’entreprise Huillier ayant eu son dépôt de cars incendié à Pont-en-Royans et dans la vallée, il pouvait prétendre à des dommages de guerre. Victor Huillier décida de réinvestir ces dommages dans le transport sur câble. Il faut cependant savoir que les dommages de guerre ne pouvaient être réaffectés qu’à une entreprise similaire, à savoir, dans le cas de Victor Huillier, le transport. L'administration, confrontée pour la première fois à cette situation dû préciser la réglementation de façon à intégrer au portefeuille de compétences du ministère des Transports les équipements de remontées mécaniques.

L'idée d'un transport par câble à la Cote 2000 retint l'attention de Pierre Mancini, excellent skieur et client régulier de l’hôtel du Splendid, qui, avec son entreprise Câbles & Monorails de Grenoble, avait déjà réalisé avec son père une multitude de transporteurs, funiculaires et téléphériques industriels. L’ingénieur vit avec ce projet la possibilité de lancer sa société sur le créneau en pleine expansion des remontées mécaniques pour skieurs.

D’origine italienne, Frédéric, le père de Pierre Mancini avait mené, avant de s’installer à Grenoble, toute une partie de sa carrière d’ingénieur téléphériste de l’autre côté des Alpes, d’abord chez le constructeur Ceretti & Tanfani , puis chez Bellani Benazzoli & C. La famille Mancini conservait des relations privilégiées avec l’Italie. Ainsi, en 1948, Pierre Mancini rencontra au salon de la mécanique de Turin les ingénieurs Ugo Carlevaro et Felice Savio, qui venaient de mettre au point une pince débrayable. Ils lui présentèrent leur technologie, qu’ils allaient mettre en œuvre dès 1949 en construisant à Alagna, dans le Piémont, la première télécabine monocâble à véhicules fermés.

Très intéressé, Pierre Mancini acheta une licence d’utilisation pour la France. Il proposa à Léon Magdelen et ses associés d’installer à la Cote 2000 un « télévoiture » reprenant cette technologie débrayable. Avec un coût de construction 50 % moins cher qu’un téléphérique à va-et-vient, une conception novatrice et des caractéristiques intéressantes tant en termes de débit que de confort, les Villardiens furent séduits. Câbles & Monorails remporta le contrat.


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Représentation en photomontage du futur « télévoiture » Mancini de la Cote 2000.
(DR, coll. Laurent Berne)


6 mars 1951 : six pistes accessibles en 10 minutes 30 secondes

Les travaux débutèrent en octobre 1950 par la construction d'un téléphérique de chantier (bicâble unidirectionnel) soutenu par quelques portiques en bois, entre la colline du Jarasset, située 600 mètres en recul de la gare aval, et la future arrivée. Cet appareil provisoire permit d'acheminer facilement le matériel en altitude. Malgré un chantier commencé tardivement et mené au cœur de l’hiver, seuls cinq mois s’écoulèrent entre la pose de la première pierre et la réception !

Le 6 mars 1951, après une matinée où se succédèrent essais et contrôles sous les yeux avertis des ingénieurs des Ponts et Chaussées, le « télévoiture » de la Cote 2000, première télécabine de France, entrait officiellement en service commercial.

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(DR, coll. Bruno Mancini)


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Le « télévoiture » de la Cote 2000 et, à droite, le téléphérique de chantier ayant servi à sa construction.
(DR, coll. Laurent Berne)


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Une noria colorée de 60 cabines biplaces pouvait conduire 326 skieurs par heure en 10 minutes et 30 secondes au départ de six pistes balisées de difficultés variées. Comme fréquemment à l'époque, les pistes recevaient des noms de couleur, ce, indépendamment de leur difficulté. La piste Bleue était par exemple une descente destinée aux bons skieurs. Rapidement, au niveau de la gare amont, un stade d'initiation d’altitude fut créé et équipé d’un remonte-pente léger.

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(DR, coll. Laurent Berne)

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(DR, coll. Laurent Berne)


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Les pistes du domaine de la Cote 2000 sur les espaces dégagés à proximité de la gare amont.
(DR, coll. Laurent Berne)


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Le premier mur de la piste Rouge, descente de compétition homologuée, en contrebas de la ligne du « télévoiture ».
(DR, coll. m@xi-alpe-d'huez)


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La piste Rouge coupant la ligne du « télévoiture » en forêt.
(DR, coll. m@xi-alpe-d'huez)


Caractéristiques du « télévoiture » de la Cote 2000

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Les véhicules
Auteur de ce reportage : Lolo42
Section écrite le 13/09/2018 et mise à jour le 09/03/2019
(Mise en cache le 04/01/2020)

Les véhicules

Cabines

Les cabines, de couleur rouge, jaune, verte ou bleue étaient constituées par une coque en alliage d'aluminium léger et admettaient des charges jusqu’à 160 kilos. De part leur forme ovoïde, elles furent rapidement surnommées « les œufs », une appellation toujours usitée de nos jours pour qualifier les télécabines.

Elles recevaient une banquette à deux places côte à côte, face à l’avant, permettant d'optimiser le gabarit en profondeur, ce qui procurait un gain de place dans les garages. Les passagers montaient à l’intérieur par une portière latérale manuelle. Un double pare-brise à ouverture réglable assurait l’aération.


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La cabine ovoïde biplace en vue rapprochée. On remarque le double
pare-brise à ouverture réglable et la suspente en col de cygne.
(DR, coll Bruno Mancini)


Sur l’arrière, deux supports fixes permettaient le transport des skis durant le trajet, tandis qu’un tampon cintré servait d’amortisseur lorsque les cabines étaient rangées à la suite en gare. Une bande de protection métallique fut ajoutée à l’avant en 1955 pour protéger la carrosserie des chocs.

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Après quelques années d'exploitation, une bande de protection métallique fut rajoutée sur l'avant pour protéger la carrosserie.
(DR, coll Laurent Berne)


Les pinces débrayables

Les pinces débrayables Carlevaro et Savio qui équipaient ce « télévoiture » étaient constituées par deux mâchoires (numérotées 8 et 10 sur le schéma ci-dessous), garnies de bronze, procurant une force de serrage sur le câble (9) record de 2,7 tonnes. Contrairement aux pinces Von Roll VR101 et Giovanola de la même époque, cette force ne dépendait pas de la gravité mais d’un ressort (5) entourant un piston (4) logé dans un cylindre (3). Ces pinces peuvent donc être considérées comme les précurseurs des pinces débrayables contemporaines et pouvaient ainsi équiper des lignes particulièrement pentues.

Ces pinces étaient bistables. La pression sur le ressort était effectuée par le biais d’un excentrique (6) provoquant un mouvement de rapprochement ou d'éloignement selon qu’un levier basculant (12) était positionné à la verticale (cabine en ligne) ou horizontale (cabine en gare) par l'appui d’un rail sur la galette (14) en terminaison dudit levier.

Les pinces disposaient en outre de galets de roulement (13) sur le levier, de sorte que lorsque ce dernier était en position horizontale – donc mâchoire ouverte –, ces galets se retrouvaient à l’aplomb du câble. Ce système de sécurité était notamment destiné à parer tout déraillement en sortie de gare : en cas d’un hypothétique mauvais embrayage, la cabine auraient été en roulement libre sur le câble, et bloquée par une butée à ressort avant qu'elle ne soit engagée en ligne.


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1- suspente ; 2- pivot ; 3- cylindre ; 4- piston ; 5- ressort ; 6- excentrique ; 7- galet ; 8- mâchoire ; 9- câble ; 10- mâchoire ; 11- galets de roulement ;
12- levier basculant ; 13- galets de sécurité ; 14- galette de contact du levier avec le rail d'embrayage/débrayage ; 15- galet de compression d'un pylône.


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Vue de détail des pinces débrayables à ressort Carlevaro et Savio.
(DR, coll Berne/Mancini)

 
La gare aval
Auteur de ce reportage : Lolo42
Section écrite le 13/09/2018 et mise à jour le 13/09/2018
(Mise en cache le 04/01/2020)

Gare aval

La gare aval fut construite aux Pouteils, à 5 kilomètres du bourg, à 1.060 mètres d’altitude, au niveau d’une combe en amphithéâtre se prolongeant, au sud-est, par la montagne de la Cote 2000, contrefort de la Grande Moucherolle et vaste espace propice à la pratique du ski alpin, où étaient déjà tracées, depuis plusieurs années, les plus belles pistes de Villard.

La route, en cul-de-sac, s'élargissait à l'arrivée au niveau du bâtiment pour permettre le stationnement des automobiles et des autocars.


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Situation de la gare aval au niveau de la combe des Pouteils. On remarque le téléphérique de service encore présent, dont la ligne se prolongeait en direction de la colline du Jarasset.
(DR, coll. Laurent Berne)


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Une plateforme réalisée à proximité directe de la gare permettait le stationnement des véhicules.
(DR, coll. Laurent Berne)


Le bâtiment était constitué d’une halle de 25 mètres avec des murs en béton et une toiture à deux pans en tôle ondulée soutenue par une charpente métallique, laquelle supportait également les rails de circulation des cabines. De part et d’autre des voies d’arrivée et de départ, deux autres rails permettaient le stockage de 40 cabines. Ils étaient raccordés par des aiguillages manuels au niveau du contour.

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La gare aval. On remarque sur l'avant, juste après le premier pylône de compression, le puits du contrepoids de tension.
(DR, coll. Laurent Berne)


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(DR, coll. Bruno Mancini)


L’ensemble poulie motrice groupe moteur était monté sur un chariot (ou lorry) se déplaçant sur des rails au sol sous l’effet d’un contrepoids assurant la tension du câble. Ce contrepoids était abrité dans une fosse creusée à l’avant de la gare. Les deux brins du câble parcouraient horizontalement la gare puis étaient renvoyés en direction opposée au niveau de la poulie motrice par deux poulies à axe oblique.

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Les deux poulies à axe oblique de renvoi du câble (Serge Grave, VercorsTV)


Le moteur, électrique, délivrait une puissance de 108 ch. Il était relié par courroies trapézoïdales à un réducteur assurant ensuite l'augmentation du couple vers la poulie motrice. Cette dernière imprimait ensuite au câble une vitesse constante de 3 mètres à la seconde. La cinématique se complétait d'un frein de sécurité automatique avec tachymètre limitateur de vitesse et d'un frein à déclenchement manuel.

Le treuil recevait également un moteur essence de 23 ch pouvant, en secours, entraîner la poulie motrice par le biais d’un embrayage et d’une boîte à trois vitesses. La vitesse du câble dans ce mode était de l’ordre de 1 mètre à la seconde.


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(DR, coll. Bruno Mancini)


Après qu’elles aient été accueillies par le rail de circulation en entrée de gare, les cabines étaient débrayées du câble au passage d’un rail ; un cliquet empêchait alors tout retour en arrière. Elles étaient ensuite poussées manuellement par les employés dans le contour.

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Vue présentant les voies d'arrivée et de lancement des cabines, ainsi que les deux rails de garage. Entre les deux voies, on distingue les rails au sol supportant le chariot de la motorisation.
(DR, coll. Bruno Mancini)


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Cabines à quai.
(Serge Grave, VercorsTV)


Après l’embarquement des passagers, les cabines étaient conduites jusqu’à un dispositif de lancement particulier, breveté par Carlevaro et Savio : un chariot entraîné par un câble motorisé, commandé par le personnel, qui accélérait progressivement les véhicules jusqu’à atteindre la vitesse de 3 mètres à la seconde. A ce moment, une rampe fixe remontait le levier de la pince, provocant le serrage de la mâchoire sur le câble. C’est ce changement de position de ce levier qui venait également libérer la cabine du chariot de lancement.

Une fois la cabine en ligne, le chariot revenait automatiquement à sa position initiale. En plus d’assurer le lancement, ce chariot avait également une fonction de cadenceur, en autorisant au maximum un départ toutes les 22 secondes, soit 66 mètres entre cabines.


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Cabines poussées manuellement jusqu'au chariot de lancement.
(Serge Grave, VercorsTV)


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Solidarisation de la cabine au chariot pour le lancement.
(Serge Grave, VercorsTV)


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Chariot motorisé breveté par Carlevaro et Savio pour le lancement des cabines.
(Funivie.org)

 
La ligne
Auteur de ce reportage : Lolo42
Section écrite le 13/09/2018 et mise à jour le 13/09/2018
(Mise en cache le 04/01/2020)

La ligne

La ligne du « télévoiture » était longue de 1850 mètres pour 562 mètres de dénivelée, constituée par un câble de 22,5 mm en boucle épissurée. 22 pylônes en treillis d’une hauteur variant entre 4 et 8 mètres permettaient en tout point une évacuation verticale facile, conformément à la « réglementation sur les télésièges » qui venait d'entrer en vigueur en 1950.

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Le bas de la ligne, vu depuis les Pouteils.
(DR, coll. Laurent Berne)


Ainsi, pour maintenir le survol du terrain par le câble dans ces limites, trois pylônes étaient équipés de galets utilisés en compression. La forme de la pince débrayable était spécialement étudiée pour autoriser le passage de ces galets, sans nécessiter de rails d'appui comme sur les installations débrayables Von Roll.

Les balanciers recevaient une barrette de sécurité agissant par rupture d’un contact électrique commandant le blocage du frein du moteur au cas où le câble sortirait de la gorge des galets.


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Cabine en ligne, juste après le passage du pylône de compression en sortie de gare aval.
(DR, coll. Laurent Berne)


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Peu avant le 3e pylône, la piste Bleue et la Rouge se rejoignant dans l'axe de la ligne du télévoiture.
(DR, coll. Monchu)


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Vue plongeante sur le bas de la ligne depuis le pylône n°7.
(DR, coll. Laurent Berne)


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Croisement avec la piste Rouge de compétition.
(DR, coll. Laurent Berne)


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Après le pylône 8, survol d'un replat.
(DR, coll. M@xi-alpe-d'huez)


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Reprise de pente après le pylône n°10.
(DR, coll. Bruno Mancini)


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Cabines dans la pente au sortir de la forêt.
(DR, coll. Bruno Mancini)


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La ligne survolant les prés d'altitude à la végétation plus clairsemée.
(DR, coll. Laurent Berne)


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Le roc Cornafion visible sur la partie sommitale du tracé.
(DR, coll. Laurent Berne)


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Dans la dernière grande portée de la ligne.
(DR, coll. Laurent Berne)


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La partie sommitale était particulièrement exposée au givre, comme en témoigne les câbles de la ligne de sécurité, mais aussi au vent, provocant le balancement des cabines.
(DR, coll. Laurent Berne)


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Dernière petite portée finale avant l'entrée en gare.
(DR, coll. Laurent Berne)


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L'ultime pylône, allongé, en entrée de gare, vient rétablir l'horizontalité du câble.
(DR, coll. Monchu)

 
La gare amont
Auteur de ce reportage : Lolo42
Section écrite le 13/09/2018 et mise à jour le 13/09/2018
(Mise en cache le 04/01/2020)

Gare amont

Implantée à 1.722 mètres d’altitude sur le pré de l'Achard, la gare aval était de dimensions et d’aspect similaires au bâtiment aval. Elle comportait également deux voies latérales de garage.

Pour éviter l’installation d’une ligne électrique sur toute la longueur de l’appareil, le courant électrique nécessaire était produit sur place par une génératrice entraînée par la poulie de renvoi. Elle servait notamment à l’alimentation du moteur du chariot de lancement des cabines.


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La gare amont et le restaurant adajacent.
(DR, coll. Laurent Berne)


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Le bâtiment amont et le Cornafion.
(DR, coll. Laurent Berne)


A proximité de la gare, un premier restaurant « Altitude 2000 » fut construit à l’issue de la seconde saison d’exploitation. Avec sa terrasse solarium, l’établissement rencontrait un vif succès, au point qu’il dû être déconstruit pour un chalet plus grand, moins de 10 ans plus tard.

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Le premier restaurant « Altitude 2000 » dans les années 1950.
(DR, coll. Laurent Berne)


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Le nouveau restaurant « Altitude 2000 » dans les années 1960.
(DR, coll. Laurent Berne)


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Plan large sur la gare aval montrant le téléski léger de la Cote 2000 au premier plan et le Cornafion en toile de fond.
(DR, coll. Laurent Berne)


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Piétons profitant de la vue en direction du bourg de Villard-de-Lans, à proximité de la gare amont.
(DR, coll. Bruno Mancini)

 
Un pari doublement gagnant
Auteur de ce reportage : Lolo42
Section écrite le 13/09/2018 et mise à jour le 13/09/2018
(Mise en cache le 04/01/2020)

Un pari doublement gagnant

Le pari gagnant de la diversification de Pierre Mancini

Donnant le coup d'envoi de l'actuel domaine skiable de Villard-de-Lans dans un contexte où la pratique du ski alpin entamait son expansion, le « télévoiture » de la Cote 2000 permit à la société Câbles et Monorails Mancini, initialement spécialisée dans les installations industrielles, de remporter plusieurs autres contrats auprès d'exploitants.

En 1955, toujours en utilisant la licence de Carlevaro et Savio, la société installa au Saquet à Ax-les-Thermes dans les Pyrénées, un télésiège monoplace fixe de 120 véhicules. L’année suivante elle conforta ses ambitions sur le marché des remontées à destination des stations de ski avec la signature d’un gros contrat pour équiper La Flégère, le nouveau domaine alpin de Chamonix-Mont-Blanc, où Pierre Mancini livra le téléphérique à va-et-vient reliant la vallée au site d’altitude, ainsi que la télécabine de l’Index, un modèle copié sur celui de Villard-de-Lans, employant une nouvelle version de pinces Carlevaro et Savio qui abandonnaient les galets de sécurité.

Plusieurs autres exemplaires de télécabines Câbles et Monorails Mancini furent construits : La Perdrix en 1961 à Super-Besse, dans le Massif central, un modèle similaire à Chamonix, puis Le Portet en 1964 à Saint-Lary-Soulan dans les Pyrénées, qui bénéficia des dernières évolutions des pinces Carlevaro et Savio.

En outre, l’entreprise réalisa également des télésièges biplaces fixes, toujours sous licence Carlevaro et Savio : Le Bezou à Gourette, Le Lienz à Barèges, Le Plan du Four aux Karellis... Elle assura à Chamonix une rénovation du téléphérique de Planpraz et la construction du téléphérique de la Mer de Glace, un appareil monovoie avec une gare motrice déportée latéralement du quai amont et une cabine étagée façon funiculaire. Plusieurs autres réalisations pour voyageurs suivirent en association avec Denis Creissels puis Poma. En conjuguant son intérêt pour le ski avec ses compétences techniques en matière de transport par câble, Pierre Mancini avait gagné son pari de la diversification.


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Selon le système Carlevaro & Savio analogue à la Cote 2000, Pierre Mancini remporta la construction des télécabines
de l'Index à Chamonix-Mont-Blanc (1956), de la Perdrix à Super-Besse (1961) et du Portet à Saint-Lary-Soulan (1964).
(DR, coll. Berne/Mancini)


Le pari gagnant du développement de Villard-de-Lans

A Villard-de-Lans, le « télévoiture », moderne et structurant, impulsa le développement rapide de la station et de son domaine sur le massif de la Cote 2000. Cet appareil permit en 1953 la tenue des championnats de France de ski alpin sur la piste de compétition homologuée, tracée à proximité de la ligne de la remontée mécanique. Progressivement, un réseau de pistes et de remonte-pentes se structura. De même, de nouvelles infrastructures virent le jour aux Pouteils à proximité du départ de la remontée : un premier établissement fut construit en 1955 en adjonction à la gare aval, puis des hébergements ouvrirent au niveau du hameau.

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L'hôtel-restaurant construit en adjonction à la gare aval du « télévoiture ».
(DR - coll. Monchu)


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Le « télévoiture » fonctionnait également l'été pour les touristes curieux de venir tester ce nouveau moyen de transport ludique et venus profiter de la vue agréable sur le Cornafion, les Agnelons et Villard . Il faut dire que les cabines fermées et débrayées du « télévoiture » permettaient de transporter facilement, en toute sécurité, les simples piétons. L'engin était également emprunté par les randonneurs : à cet effet, Georges Huart fit baliser tous les sentiers conduisant aux sommets et des guides décrivant les circuits d'intérêt furent édités.

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Le « télévoiture » en fonctionnement estival.
(Camoin - coll. Laurent Berne)


L'hiver, victime de son succès, le « télévoiture » ne parvenait plus à absorber les flux de skieurs. En 1964, l'exploitant fit appel à Poma pour la construction du téléski débrayable du Pré des Prés, qui, avec les téléskis des Pouteils et du Scialet, formaient une chaîne permettant de seconder l'appareil historique dans son rôle d’ascenseur du pied des pistes.

En 1967, Pierre Mancini livra un télébenne biplace également destiné à délester le « télévoiture ». L'équipement, nommé « télénacelle » par le constructeur, et plus prosaïquement « les paniers » par la clientèle, aboutissait au Pré des Prés.


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Le front de neige au début des années 1970, avec le « télénacelle » et le téléski du Pré des Prés.
(DR - coll. Fredo)


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Le « télénacelle » Câbles & Monorails Mancini du Pré des Prés, et les imposants immeubles du Balcon de Villard.
(DR - coll. Laurent Berne)


Parallèlement, les suspentes d'origine en col de cygne des cabines, qui commençaient à laisser apparaître quelques signes de fragilisation, furent remplacées par de nouvelles similaires à celles livrées à Chamonix et Super-Besse. Ce changement permit en outre de diminuer les vibrations.

D'une manière générale, Pierre Mancini restait très investi dans la destinée de la station de ski. Il était d'ailleurs partie prenante du conseil d'administration de la SEVL et supervisait l'implantation des remontées de Villard, y compris des téléskis commandés aux constructeurs concurrents.


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Le « télévoiture » avec ses nouvelles suspentes et le téléski du Scialet, qui doublait le téléporté sur sa partie haute.
(DR - coll. Laurent Berne)


L’accueil des épreuves de luge des Jeux Olympiques de Grenoble en 1968 sur les pentes du bois du Frier et la tenue, encore une fois, des championnats de France en 1969 à la Cote 2000, vinrent renforcer la notoriété du village et de sa station, permettant, au début des années 1970, aux projets immobiliers du Balcon de Villard et des Glovettes de voir le jour au pied des pistes.

Pour mettre en phase le débit des remontées avec la capacité d'hébergement, la société d’exploitation remplaça en 1973 le « télévoiture » de Mancini par une télécabine Poma, premier modèle à 6 places assises au monde, elle-même remplacée en 2010 par un nouvel appareil du même constructeur inaugurant les premières télécabines à 10 places assises de France ; des générations d'équipements qui perpétuent une certaine tradition d'innovation initiée par les pionniers villardiens du câble.


Laurent Berne


A voir...



Références

    - Le Petit Dauphinois - numéros divers des années 1930
    - Une grande course régionale : la Cote 2000 - Georges Huart - La revue du Ski n°5 - Avril 1938
    - Disposition pour accrocher et décrocher le chariot du câble des téléfériques à grande vitesse - Brevet Carlevaro & Savio - 19 février 1951
    - Le téléférique Villard-de-Lans (Cote 2000) - J. Chapuis - Rail & Route - Janvier 1952
    - Les téléfériques monocâbles - Rail & Route - HS 1954
    - Dépliant Sports d'hiver Villard-de-Lans - 1955
    - Les Pionniers du téléski - Pierre Montaz - 2006
    - Villard-de-Lans, une station village : l'or blanc l'avenir d'un territoire - Barnabé Fourgous
    - Villard-de-Lans, son histoire, son site - Francis Camoin - Roissard Grenoble - 1955
    - Archives Mancini


Remerciements

Je remercie chaleureusement Bruno Mancini, fils de Pierre Mancini, pour sa participation et son implication au travers de la mise à disposition de visuels de sa collection et du don de plusieurs documents.
Je tiens également à remercier Vercors TV pour l'autorisation d'utilisation de visuels issus du film Les œufs de la station de Villard.
Merci aussi à Monchu, M@xi-alpe-d'huez, Chin@ill et Ventoux pour l'utilisation de leurs archives.

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(DR - coll. Bruno Mancini)



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