Roger Laurent, ingénieur des Ponts et Chaussées, avait conçu au début des années 1950 une première pince gravitaire pour téléportés avec une disposition de chariot à 2x2 galets parallèles (type Shields) courante à l'époque (chez Breco, Von Roll, Giovanola). Il s'était alors associé à Gabriel Julliard (connu pour avoir développé le télébenne) et Clerc-Renaud (qui construisait les télébennes de Julliard). Après le décès de Julliard en 1954, Clerc-Renaud repris alors directement à son compte la commercialisation des télécabines système Laurent.

Pince Laurent (DR)

La cabine biplace Clerc-Renaud à pince gravitaire Laurent (Collection Laurent Berne - Droits Réservés)
Avec sa télécabine, Clerc-Renaud et Laurent se positionnèrent sur quelques projets, notamment celui de la construction de la télécabine de l'Index du futur domaine de La Flégère à Chamonix, malheureusement sans grand succès.
Pourtant, la télécabine Clerc-Renaud système Laurent se basait astucieusement sur les dimensionnements des lignes des télébennes Julliard, avec l'idée de convaincre les exploitants de moderniser leurs installations en les rendant débrayables.

Plan d'un pylône de la télécabine Clerc-Renaud (Collection Laurent Berne - Droits Réservés)
La vitesse aurait été limitée autour de 2 à 2,5 m/s mais cela constituait déjà une amélioration notable par rapport aux télébennes, et assurait un confort d'embarquement et débarquement appréciable. Pour conserver des gares de faible longueur (à peine plus de 13 mètres) tout en maximisant les surfaces de garage, la société avait imaginé de part et d'autre du contour, d'installer un chariot de transfert desservant chacun deux voies de garage.

Plan de la gare motrice de la télécabine Clerc-Renaud (Collection Laurent Berne - Droits Réservés)

Plan de la gare tension de la télécabine Clerc-Renaud (Collection Laurent Berne - Droits Réservés)
Roger Laurent fit évoluer sa pince au milieu des années 1950. Sur cette nouvelle pince, dite RYL 54, il abandonna le chariot à 2x2 galets et le serrage, qui restait à gravité (avec la masse de la cabine), se trouvait désormais renforcé par un ressort en compression emprisonné dans un carter (préfiguration de la pince S). Laurent s'associa cette fois à Sarrasola, qui réalisa à compter de 1957 avec cette nouvelle pince, la télécabine biplace des Tovets à Courchevel sur la base de l'installation télébenne inachevée Clerc-Renaud système Julliard, puis la transformation de la ligne de télébenne Julliard des Verdons en 1961.

Pince RYL 54 (DR)
Sarrasola construisit également en 1962 puis 1963, respectivement les premiers et deuxièmes tronçon de la télécabine biplace du Drouvet, à Orcières-Merlette. Le modèle livré était amélioré avec l'emploi de pylônes en treillis en croix dessinés par Roger Laurent dont le gabarit permettait de proposer des véhicules biplaces avec assise côte à côte et d'envisager des télécabines pince RYL 54 à cabines quadriplace.
Je me permets de replacer la photo de Monchu en question, l'ancienne TCD2 du Drouvet :

Ces pylônes treillis "Laurent" furent d'ailleurs utilisés dès 1961 par Sarrasola lors de la construction du télésiège fixe biplace du Dou du Midi à Courchevel, puis ensuite employés par Applevage et directement par Roger Laurent sur les télésièges biplaces fixes de sa société Sacmi.
Sarrasola s'étant retiré du marché des remontées mécaniques, à compter de 1963 c'est Applevage qui commercialisa les télécabines à pince RYL 54. Le constructeur livra ainsi en 1964 la télécabine biplace de Bonascre, à Ax-les-Thermes dans les Pyrénées, et celle du Pleney, à Morzine, qui reçut des cabines quadriplaces à double pince RYL. Ce furent là les derniers exemplaires de télécabines à pince RYL à avoir été produits.
Roger Laurent poursuivit sa collaboration les ingénieurs d'Applevage par le bais du bureau d'études SEMEM (créé par des anciens d'Applevage), et mit au point la célèbre pince débrayable « S » à double ressort emprisonné dans un carter. Jean Pomagalski, qui voulait se lancer dans la fabrication de téléportés débrayables et souhaitait proposer rapidement un produit sur le marché, se montra intéressé.

Pince S (DR)
Roger Laurent avait fondé le 01 décembre 1960 à Montmélian sa propre société : la Sacmi (société SAvoyarde de Construction et de Matériel Industriel). Celle-ci commercialisa directement plusieurs télésièges biplaces fixes.
Ce fût en collaboration avec la Sacmi que Poma mit sur le marché ses premières célèbres télécabines "œufs" et premiers télésièges débrayables : en 1966, le prototype SP3 de la Daille à Val-d'Isère, et dès 1967, la télécabine Skyline de Queenstown, immédiatement suivie en décembre, en France, des premières télécabines entièrement automatiques (SP4) : Pierre-sur-Haute à Chalmazel et la Masse aux Menuires. On retrouvait encore, sur ces installations, les pylônes en treillis en croix signés Roger Laurent.
Pylônes Laurent sur la télécabine de Pierre-sur-Haute, livrée à Chalmazel en 1967 :

(CG42 / Collection Laurent Berne)
Ces premières installations marquèrent le début d’une longue collaboration entre les deux entreprises : en plus des mécanismes de débrayages, la SACMI devint le chaudronnière attitré de Poma, expliquant la ressemblance entre les pylônes des remontées SACMI et ceux des premières télécabines Poma. En 1970, Poma acheta des parts de la société et en devint actionnaire majoritaire. Aujourd'hui, la SACMI fabrique toujours les mécaniques des appareils débrayable pour le constructeur isérois et emploie jusqu’à 100 personnes.
Signalons aussi que Roger Laurent est l'inventeur du mini-métro Poma 2000.
Fiche SACMI sur la BDD : http://www.remontees...iste-6-134.html
(PS : je ne savais pas si je devais placer ce type dans la rubrique "Histoire des remontées mécaniques" ou "constructeur", comme il s'agit d'évoquer un constructeur précis, je l'ai donc placé dans ce sous-forum. A vous de voir)
Ce message a été modifié par Lolo42 - 06 mai 2022 - 10:25 .
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