Roger Laurent, ingénieur français des Ponts et Chaussées, avait d'abord travaillé aux côtés de Gabriel Julliard et participa à la fiabilisation de ses télébennes, notamment par l'emploi de vraies pièces de métallerie standardisées fournies par les établissements Clerc-Renaud. Il poussa Julliard à créer la Sosatel (Société Savoyarde de Téléskis et par la suite, Société Savoyarde de Télébenne) pour la commercialisation de ses remontées mécaniques.

Roger Laurent aida Gabriel Julliard a fiabiliser ses télébennes (DR, Coll. Laurent Berne)
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Installation d'une nouvelle gare sur le téléski des Plans à la Toussuire par Laurent et la Sosatel, dans les années 1950 (Jean-Michel Grand / Loutseu)
Laurent avait conçu au début des années 1950 une première pince gravitaire pour téléportés avec une disposition de chariot à 2x2 galets parallèles (type Shields - courante à l'époque chez Breco, Von Roll, Giovanola). Il poursuivit son association avec Juillardet Clerc-Renaud pour la commercialisation de son sytème de télécabines. Julliard étant décédé d'un accident de chasse en 1954, Laurent continua de travailler avec Clerc-Renaud qui repris la commercialisation en direct.

Première pince Laurent (DR)

La cabine biplace Clerc-Renaud à pince gravitaire Laurent. On note le style très "Vallée Blanche" du véhicule (Collection Laurent Berne - Droits Réservés)
Avec sa télécabine, Clerc-Renaud et Laurent se positionnèrent sur quelques projets, notamment celui de la construction de la télécabine de l'Index du futur domaine de La Flégère à Chamonix, malheureusement sans grand succès.

Profil en long Clerc-Renaud pour un projet de télécabine de l'Index à Chamonix (DR, coll. Laurent Berne)
Pourtant, la télécabine Clerc-Renaud système Laurent se basait astucieusement sur les dimensionnements des lignes des télébennes Julliard, avec l'idée de convaincre les exploitants de moderniser leurs installations en les rendant débrayables.

Plan d'un pylône de la télécabine Clerc-Renaud (Coll. Laurent Berne - Droits Réservés)
La vitesse aurait été limitée mais cela constituait déjà une amélioration notable par rapport aux télébennes, et assurait un confort d'embarquement et débarquement appréciable. Pour conserver des gares de faible longueur (à peine plus de 13 mètres) tout en maximisant les surfaces de garage, la société avait imaginé de part et d'autre du contour, d'installer un chariot de transfert desservant chacun deux voies de garage.

Plan de la gare motrice de la télécabine Clerc-Renaud (Coll. Laurent Berne - Droits Réservés)

Plan de la gare tension de la télécabine Clerc-Renaud (Coll. Laurent Berne - Droits Réservés)
Roger Laurent fit évoluer sa pince au milieu des années 1950. Sur cette nouvelle pince, dite RYL 54, il abandonna le chariot à 2x2 galets. Le serrage, qui restait à gravité (avec la masse de la cabine), se trouvait désormais renforcé par un ressort en compression emprisonné dans un carter (préfiguration de la pince S).
Pour gagner en vitesse de ligne, le système de lancement utilisait une courroie placée en dessus le long du lanceur. La courroie accélérait la pince qui rejoignait le câble à l'aide d'un rail légèrement incliné.

Pince RYL 54 (DR)
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Pince RYL 54 (coll .Jean Michel Grand / Loutseu)
Clerc-Renaud faisant face à des difficultés, Laurent s'associa à Sarrasola, qui réalisa à compter de 1957 avec cette nouvelle pince, la télécabine biplace des Tovets à Courchevel sur la base de l'installation d'un télébenne Clerc-Renaud inachevé (les pylônes était déjà construits), puis assura la transformation de la ligne de télébenne Julliard des Verdons en 1961.

Télécabine biplace des Tovets à Courchevel (DR, Coll. Laurent Berne)
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Transformation du télébenne des Verdons en télécabine biplace à Courchevel (coll .Jean Michel Grand / Loutseu)
Sarrasola construisit également en 1962 puis 1963, respectivement les premiers et deuxièmes tronçon de la télécabine biplace du Drouvet, à Orcières-Merlette. Le modèle livré était amélioré avec l'emploi de pylônes en treillis en croix dessinés par Roger Laurent dont le gabarit permettait de proposer des véhicules biplaces avec assise côte à côte et d'envisager des télécabines pince RYL 54 à cabines quadriplace.

Télécabine biplace du Drouvet à Orcières-Merlette (DR)
Ces pylônes treillis "Laurent" furent également utilisés sur les télésièges biplaces conçut par Roger Laurent, à savoir,dès 1961 par Sarrasola lors de la construction du télésiège fixe biplace du Dou du Midi à Courchevel, puis ensuite employés par Applevage et, bien sûr, sur les télésièges biplaces fixes de sa société Sacmi.
Sarrasola s'étant retiré du marché des remontées mécaniques, à compter de 1963 c'est Applevage, fraichement intégré à Fives Lille - Cail, qui commercialisa les télécabines à pince RYL 54. Le constructeur livra ainsi en 1964 la télécabine biplace de Bonascre, à Ax-les-Thermes dans les Pyrénées, et celle du Pleney, à Morzine, qui reçut des cabines quadriplaces à double pince RYL. Ce furent là les derniers exemplaires de télécabines à pince RYL à avoir été produits.

Télécabine quadriplace du Pleney à Morzine (DR, coll. Laurent Berne)
Parallèlement, le fils (ou le frère ?) de Roger Laurent, Bernard, fonda avec l'ingénieur René Grand la Sacmi (société SAvoyarde de Construction de Matériel Industriel) à Montmélian le 01 décembre 1960. La société, spécialisée dans les charpentes métalliques exploitait les brevets de Roger et commercialisa notamment directement plusieurs télésièges biplaces fixes.

(coll. Jean-Michel Grand)

(coll. Jean-Michel Grand)
On remarque que la liste des références ci-dessus inclut l'ensemble des téléportés "systèmes Laurent", y compris les installations Sosatel, Clerc-Renaud ou Sarrasola, souvent antérieures à la création de la Sacmi, notamment tous les télébennes Julliard.

(coll. Jean-Michel Grand)

(coll. Jean-Michel Grand)

(coll. Jean-Michel Grand)

Télésiège des Escondus à Vars (DR, coll. Laurent Berne)
Roger Laurent poursuivit sa collaboration avec les ingénieurs d'Applevage par le biais du bureau d'études SEMEM (créé par des anciens d'Applevage), et mit au point la célèbre pince débrayable « S » à double ressort emprisonné dans un carter. Jean Pomagalski, qui voulait se lancer dans la fabrication de téléportés débrayables et souhaitait proposer rapidement un produit sur le marché, se montra intéressé.

Pince S (DR)
Roger Laurent associa au projet la Sacmi, qui produisit pour Poma les pinces et l'essentiel de la métallerie de la télécabine prototype SP3 de Daille à Val-d'Isère, où l'on retrouvait également encore, les pylônes en treillis en croix signés Roger Laurent.

Télécabine de la Daille à Val-d'Isère(DR, coll. Poma)
Cette installation marqua le début d’une longue collaboration entre Roger Laurent, la Sacmi et Poma : la Sacmi devint le chaudronnier attitré de Poma et en 1970, Poma acheta des parts de la société et en devint actionnaire majoritaire. Aujourd'hui, la Sacmi fabrique toujours les mécaniques des appareils débrayables pour le constructeur isérois.
Roger Laurent travailla dès lors directement pour Poma pour qui il contribua au développement de la gamme débrayable et tout particulièrement, à compter du début des années 1970, au concept du Poma 2000, un transport par câble d'un véhicule débrayable sur rail qui ne fut, certes, pas un grande réussite commerciale (un unique exemplaire fonctionnel fut construit à Laon) mais qui inspira directement le concept du mini-métro à câble repris par les constructeurs Doppelmayr et Leitner.

Brevet du Poma 2000 de 1971, par Roger Laurent (DR)
Quant à René Grand, il quitta la Sacmi dans les années 1970 pour s'associer à Montaz Mautino en créant la société SCMM, où il développa avec succès le système débrayable et la pince qui équipa les télécabines et télésièges Montaz Mautino, mise en oeuvre pour la première fois en 1979 sur l'impressionnante télécabine de Planpraz (voir ici).
Fiche SACMI sur la BDD : http://www.remontees...iste-6-134.html
Mes remerciements appuyés à Jean-Michel Grand, Lousteu, et Jubiproduction pour leur précieuse documentation.
Ce message a été modifié par Lolo42 - 17 août 2022 - 12:10 .
Raison de l'édition : MAJ